20.02.2024 Auteur: Bakhtiar Urusov

Le Premier ministre japonais utilise les relations avec la RPDC pour sauver sa cote de popularité sur la scène politique nationale

Fumio Kishida sera-t-il en mesure d’abandonner sa rhétorique dure à l’égard de Pyongyang et de renforcer sa popularité auprès des électeurs japonais ou compte-t-il sur les faveurs des dirigeants de la RPDC ?

Quelques mois à peine se sont écoulés depuis les déclarations menaçantes du ministère japonais de la défense à l’égard de Pyongyang à la suite du tir d’essai d’un missile balistique nord-coréen en direction de la mer du Japon le 14 janvier dernier.

« Les actions de la RPDC menacent la paix et la sécurité de notre pays, de la région et du monde. Ces lancements de missiles balistiques violent les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et posent un grave problème », peut-on lire dans un message officiel publié sur le site web de l’armée japonaise, « Le Japon a fermement protesté et condamné la Corée du Nord. Pour protéger la vie et les biens de nos citoyens, nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec les États-Unis, la Corée du Sud et d’autres pays ». Toutefois, l’armée japonaise a admis par la suite que le missile lancé depuis le territoire de la RPDC, d’un type non identifié, était tombé en mer à l’extérieur de la zone économique japonaise sans l’atteindre.

Dans ce contexte de politique étrangère, pour le moins peu favorable, créé par les mains de Tokyo lui-même, le premier ministre japonais Fumio Kishida a décidé de rechercher les faveurs de Pyongyang. Selon le Financial Times, qui se réfère à des sources à Washington et à Tokyo, le premier ministre japonais, en raison de la baisse de popularité de son cabinet à l’intérieur du pays, a décidé d’améliorer les relations avec la Corée du Nord et de toucher ainsi des dividendes politiques pour tenter de sauver sa position chancelante.

Lors d’un discours devant le parlement du pays, Kishida a déclaré qu’il était nécessaire d’établir sans délai des relations avec Pyongyang, qu’il était prêt à prendre l’initiative de renouer des liens à haut niveau et a exprimé l’espoir d’une « percée diplomatique ». Toutefois, l’objectif de la rencontre avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un était de discuter de la libération des citoyens japonais enlevés par la Corée du Nord, comme le prétend Tokyo, il y a plusieurs décennies.

Il s’agit là d’une manière très originale d’appeler Pyongyang à la table des négociations, en commençant par les demandes « traditionnelles » qui sont devenues une pierre d’achoppement et ont paralysé les relations bilatérales à plusieurs reprises. La dernière rencontre entre le Premier ministre japonais et le dirigeant de la RPDC remonte à 2004, lorsque Junichiro Koizumi a rencontré Kim Jong Il à Pyongyang.

Les relations entre le Japon et la RPDC se sont nettement détériorées ces dernières années en raison du développement actif de l’alliance militaire entre Washington, Séoul et Tokyo, des exercices militaires américains réguliers auxquels participent les alliés et des tirs de représailles de l’artillerie et des essais de missiles de Pyongyang. Parallèlement, au début du mois de janvier de cette année, Kim Jong-un a exprimé ses condoléances au premier ministre japonais à la suite du tremblement de terre qui a fait plus de 100 morts. Dans un télégramme officiel, le dirigeant de la RPDC a souhaité aux habitants de la zone sinistrée du Japon une élimination rapide des conséquences et le rétablissement d’une vie stable. Ce geste de Pyongyang a été perçu à Tokyo comme un signal positif, puisque la dernière fois que la Corée du Nord a exprimé ses condoléances, c’était en 1995, à l’occasion du tremblement de terre dévastateur de la région de Hanshin-Awaji.

Le bureau du premier ministre japonais a refusé de commenter l’organisation du sommet avec la RPDC, mais a rappelé les récentes déclarations de M. Kishida dans les médias, où il a fait part de son désir d’utiliser différentes approches avec la RPDC et de sa détermination à avoir des discussions directes avec Kim Jong-un « sans aucune condition ». Toutefois, selon les analystes politiques, pour le public japonais, le refus de conditions préalables dans la communication avec Pyongyang ne semble pas être un geste fort inconditionnel qui renforcera la position ébranlée du premier ministre.

Selon un sondage d’opinion réalisé par le journal libéral populaire Asahi, l’actuel chef du cabinet japonais, F. Kishida, avec 7 % de soutien, n’arrive qu’en quatrième position sur la liste des hommes politiques que les électeurs souhaiteraient voir au pouvoir. Sa cote s’est avérée extrêmement basse dans le contexte des scandales qui ont éclaté dans le pays avec la falsification des états financiers d’un certain nombre de hauts représentants du Parti libéral démocrate du Japon au pouvoir. Selon un sondage réalisé par Yomiuri, une autre publication faisant autorité, le niveau de soutien au cabinet de M. Kishida ne dépasse pas 24 %, ce qui constitue un record de faiblesse pour le parti au pouvoir qui a repris le pouvoir en 2012.

Quoi qu’il en soit, les experts s’accordent à dire que les relations entre le Japon et la Corée du Nord restent l’une des dernières cartes diplomatiques entre les mains du Premier ministre Kishida, qu’il peut jouer pour améliorer sa cote de popularité. Toutefois, les premiers pas de Tokyo en direction de la Corée du Nord n’augurent rien d’encourageant.

 

Bakhtiar URUSOV, observateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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