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Ce que c’était – les significations évidentes (et moins évidentes) de la visite du Pape en Mongolie

Boris Kushhov, septembre 19

La visite du Pape François en Mongolie s’est achevée le 4 septembre. Cette visite était à la fois une visite spirituelle et une visite d’État : le Pape ne se rendait pas seulement en Mongolie en tant que chef de l’Église catholique. Outre son homélie, l’ouverture du lieu de culte et la rencontre avec les membres de la communauté catholique, François a également tenu une série de réunions officielles avec les dirigeants mongols, à savoir le président de la Mongolie, le Premier ministre et le président du Parlement.

Malgré une « affiche » très inhabituelle et l’attente de déclarations et de résultats non moins extraordinaires, ce voyage s’est avéré dépourvu de sensations. Néanmoins, les « messages » les plus intéressants de la visite du Souverain Pontife ne résident pas dans les réunions et les événements avec les collègues mongols, mais dans les gestes et les signes qui n’ont pas été directement déclarés ces jours-ci. Cet article leur est dédié.

Le principal message de l’auteur est que cette visite devrait être considérée en dehors du cadre des relations entre la Mongolie et le Vatican, et sa destination serait le lieu de déclaration le plus efficace possible des intérêts et orientations actuels du Vatican. Bien entendu, l’attention portée par le Vatican à la Mongolie en tant que telle existe également, et ce depuis un certain temps. Si l’on omet les contacts occasionnels du Saint-Siège avec les khans mongols au XIIIe siècle et les activités des missionnaires catholiques au Karakorum, le Vatican, au tournant des XXe et XXIe siècles, a fourni une aide humanitaire à la Mongolie à trois reprises (1993, 1996 et 2000) au cours des années de restructuration économique et de crise alimentaire. La rencontre de septembre n’était pas non plus le premier sommet entre les deux parties : les présidents mongols ont rendu des visites officielles au souverain pontife en 2000 et en 2011.

La communauté catholique de Mongolie, bien que peu nombreuse, est relativement dynamique. Selon le Pape lui-même, il y a trente ans, la Mongolie a eu son premier prédicateur qui a fait son travail spirituel chez lui, et maintenant un complexe monastique entier est en train d’être construit dans la capitale du pays. L’attention portée à la communauté mongole se manifeste également d’autres manières : l’année dernière, le Pape a nommé cardinal le chef de la mission catholique dans le pays.

Ainsi, les relations entre la Mongolie et le Vatican ont donc une longue tradition et se sont intensifiées depuis les années 1990. Néanmoins, la visite personnelle du Pape François dans le pays était probablement motivée par des objectifs un peu plus larges. L’ensemble de la communauté catholique de Mongolie compte, selon les derniers chiffres, 1 450 personnes et ne joue aucun rôle de premier plan à l’échelle mondiale.  Néanmoins, le Pape François, 86 ans, qui doit se déplacer en fauteuil roulant après avoir subi une intervention chirurgicale en juin, a effectué le vol de dix heures entre le Vatican et Oulan-Bator et a achevé le programme chargé de sa visite dans le pays. Quels messages entendait-il faire passer à la communauté internationale par l’intermédiaire de la Mongolie ?

Rétablissement des liens avec les puissances mondiales

La visite du Pape en Mongolie est l’expression de l’intérêt du Vatican pour le renforcement et l’élargissement des relations non seulement avec la Mongolie, mais aussi avec d’autres partenaires « non traditionnels » du Saint-Siège : Le Pape François a envoyé des télégrammes de vœux aux dirigeants de chaque pays qu’il a survolé. Certains de ces pays sont loin d’être riches en traditions catholiques et ne peuvent se targuer de contacts intensifs avec le Vatican. Des vœux ont également été adressés au Président chinois Xi Jinping. Compte tenu du contexte politique plutôt complexe des relations sino-vaticanes, la visite du Pape François en Mongolie pourrait être considérée comme une occasion d’améliorer et de renforcer les contacts. D’ailleurs, cette thèse s’applique également à la Russie, c’est pourquoi, peu avant le début de sa visite, le Pape a proposé une rencontre avec le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, utilisant son itinéraire vers la Mongolie comme explication contextuelle de ces négociations. Ainsi, la visite du Pape en Mongolie est, entre autres, une tentative d’élargir les contacts avec d’autres « centres civilisationnels », probablement destinée à accroître le poids réel du Vatican dans la politique mondiale contemporaine – avec sa confrontation prononcée entre la Russie et l’Occident, ainsi que les contradictions croissantes entre l’Occident et la Chine.

Développer les partenariats avec les « non-croyants »

Une autre signification très visible du voyage du Pape en Mongolie est la démonstration de la volonté du Vatican de développer les interactions interconfessionnelles. À cet égard, la Mongolie semble être un excellent « point de départ » : il s’agit d’un pays oriental avec ses propres traditions religieuses, loin du christianisme, mais en même temps laïque et ouvert à l’interaction avec les confessions non traditionnelles. Le succès de la visite était pratiquement garanti et le résultat positif peut maintenant être présenté par le Vatican comme une sorte de « modèle » pour la construction d’un partenariat constructif entre le Saint-Siège et les pays et les peuples non catholiques (et non chrétiens en général).

Une expression indirecte de la position du Vatican sur les questions inconfortables à l’ordre du jour mondial

En outre, par son évaluation positive des orientations de la politique étrangère de la Mongolie, le Pape a probablement tenté d’exprimer sa propre position sur un certain nombre de défis et de menaces au niveau mondial. Lors de son entretien avec le Premier ministre, il a reconnu que la Mongolie contribuait de manière proactive à la paix et au bien-être dans le monde, qu’il s’agissait d’un pays démocratique jouissant de la liberté de culte et de prédication, et qu’il était prêt pour le dialogue interculturel et interconfessionnel. On peut supposer que derrière ces déclarations du Pape François se cache un soutien aux principes d’une approche neutre et constructive pour résoudre les crises internationales graves, y compris la crise ukrainienne. L’énoncer comme une position serait un exercice bien plus risqué que d’en montrer au monde une illustration vivante.

Recherche de contacts avec la communauté catholique chinoise

Il est également possible que le voyage en Mongolie ait été une tentative d’établir un contact avec la communauté catholique en Chine en l’absence de relations entre la République populaire de Chine (RPC) et le Vatican.  Au cours des événements de masse organisés dans le cadre de sa visite, le Pape s’est également adressé à la communauté catholique chinoise, dont une centaine de représentants avaient fait le déplacement en Mongolie pour rencontrer le souverain pontife.

La visite n’était donc pas seulement un acte de renforcement et d’expansion des relations du Vatican avec un partenaire petit mais de longue date, mais aussi un instrument important de la politique étrangère contemporaine du Saint-Siège, par lequel il cherchait à la fois à exprimer sa position sur des questions d’importance mondiale et à étendre son réseau de relations et de contacts, afin d’accroître son poids dans la politique mondiale et son importance en tant que médiateur entre les puissances belligérantes et rivales de l’époque.

 

Boris Kushkhov, département de la Corée et de la Mongolie de l’institut d’études orientales de l’Académie des sciences de Russie, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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