17.08.2023 Auteur: Vladimir Terehov

La « mosaïque » des relations sino-européennes reste compliquée

Pour ainsi dire, l’usage même du mot « mosaïque » dans une caractéristique généralisée des relations sino-européennes exclut déjà la possibilité de leur interprétation schématiquement simplifiée (« sur les doigts »). L’inclusion de l’expression « reste compliquée « signifie l’absence de toute tendance à la « simplification » de cette caractéristique. Puisque dans les relations des Européens avec la deuxième puissance mondiale, tous les facteurs notés précédemment continuent d’être présents, le plus souvent de sens opposé les uns aux autres.

Ces derniers ont été confirmés lors du récent voyage en Europe du nouveau Premier ministre chinois Li Qiang, qui a été évoqué au NPO, aussi bien que dans un certain nombre d’événements ultérieurs, sur lesquels il est logique de s’attarder brièvement.

Premièrement, le comportement des plus hauts fonctionnaires de l’UE continue à être étrange. Se pourrait-il que le voyage aux Philippines fin juillet lors de la visite en RPC du président de la Commission Européenne U. von der Leyen, qui a eu lieu début avril, ne soit pas devenu une sorte de « piqûre réciproque » à l’accueil recent à Pékin. Compte tenu de la nature complexe des relations de Manille avec toujours le même Pékin et de la dérive de plus en plus perceptible de la politique extérieure de la première vers les adversaires géopolitiques de la seconde, que sont principalement Washington et Tokyo.

Dans l’adresse de l’invité au président philippin F. Marcos Jr., composée de cinq points, une attention particulière a été attirée sur deux points. Dans le troisième paragraphe, l’intention est annoncée « d’étendre jusqu’à l’Asie du Sud-Est » et plus précisément « aux Philippines » (ce pays est censé être transformé en un « hub numérique ») le câble de communication sous-marin prévu depuis l’Europe « à travers l’Arctique jusqu’au Japon ».

Le cinquième point est consacré à la « coopération dans le domaine de la sécurité ». Tout en constant la « nature changeante du paysage géopolitique » dans laquelle « les dirigeants autoritaires manifestent leur intention d’agir à l’aide de menaces », l’invitée s’est limitée à désigner la Russie comme un exemple précis de source de telles menaces.

Le deuxième « leader autoritaire » n’a pas été identifié par son nom officiel. Mais, comme on dit, cela ressortait facilement du contexte, qui reposait sur la thèse de « l’inséparabilité » des problèmes de sécurisation de la région Indo-Pacifique et de l’Europe. Et tout devient tout à fait clair lorsque le mantra qui a été établi ces dernières années sur « la liberté et l’ouverture de la RIP », ainsi que l’engagement de l’UE envers la décision bien connue de la Cour permanente d’arbitrage de l’été 2016 concernant le territoire différends en mer de Chine méridionale, est reproduit. Pour rappel, cette décision a été prise en réponse à une demande des Philippines en 2013.

Toutes ces attaques à peine couvertes, ne sont pas bien sûr passées inaperçues auprès de leur destinataire. Un éditorial du Global Times chinois, qui a commenté les déclarations ci-dessus, fournit une opinion d’expert selon laquelle le chef de la Commission européenne « semble transformer l’UE en une organisation militaire dirigée par les États-Unis ». Et, à en juger par du concret des activités des plus hauts fonctionnaires de l’UE (principalement sur le continent européen), une telle évaluation ne semble plus exagérée.

Cependant, même parmi ces derniers, apparemment, il n’y a pas d’unanimité d’opinions quant à la stratégie optimale de comportement dans le domaine de la politique extérieure. Ainsi, J. Borrell qui répond de la politique étrangère de l’UE, nie l’intention des Européens de « soutenir l’affrontement des camps ». C’est ce qu’il a affirmé lors d’une rencontre avec Wang Yi, qui a retrouvé le poste de ministre chinois des Affaires étrangères (et a conservé un poste plus élevé au Comité central du PCC), tenue à Jakarta mi-juillet en marge d’un événement de l’ASEAN. En  ce qui concerne la prétendue « réduction des risques », il a également été dit qu’elle n’était en aucun cas dirigée contre la RPC.

Apparemment,  avec l’objectif de « lever les malentendus » dans les relations bilatérales, du moins de clarifier les positions, J. Borrell voilait se rendre à nouveau en RPC (« cet automne »). Cette visite (si elle a lieu, car elle a déjà été reportée plus tôt) aura un caractère préparatoire au prochain sommet RPC-UE prévu pour la fin de l’année. Cependant, il n’y a encore rien de précis concernant cette visite.

Un plan similaire de « divergences et hésitation dans les esprits » (et presque de « douleurs dans les âmes ») est observé dans les élites politiques actuelles de certains grands pays européens. Cela est particulièrement visible lorsqu’il s’agit de choisir le comportement optimal dans le domaine des forces, qui, avec les mêmes Européens, se constitue par d’autres acteurs mondiaux importants. Le problème à résoudre dans ce cas se présente approximativement comme suit: ne pas mettre de mauvaise humeur (particulièrement fortement) à «grand frère» d’outre-mer et, en même temps, ne pas rompre les relations mutuellement avantageuses avec la RPC.

Ce problème a sans doute été au centre des pourparlers qui ont eu lieu fin juillet à Washington entre le Premier ministre italien G. Meloni et le président américain J.  Biden. Celui cette fois-ci non seulement n’a pas dormi lors d’un événement public important, mais a probablement  compris ce que cette jolie femme essayait d’obtenir de lui.

De l’avis de l’auteur, entre autres, elle ne pouvait qu’être intéressée par l’opinion de l’interlocuteur concernant le sujet de plus en plus pertinent pour l’Italie, en raison de l’approche de la date (à la fin de cette année) de la fin de la participation du pays au projet clé de la PRC Belt and Road Initiative. A propos, l’Italie est le seul membre de la BRI dans le groupe de pays du G7. Malgré le fait que G.  Meloni elle-même nie que J.  Biden lui ait jamais demandé de commenter ce fait lui-même.

En effet, dans la Déclaration conjointe étendue, signée à la suite des pourparlers à Washington, le « thème chinois » dans son ensemble est indiqué de manière assez indirecte, mais dans des tons plutôt méfiants. Le gouvernement de l’Italie devra donc assumer l’entière responsabilité de la résolution du problème de l’extension de la participation à la BRI. Bien qu’il n’y ait pas d’accord parmi les collègues du premier ministre sur ce sujet, le même Global Times chinois ne perd pas espoir à une réponse « correcte » du gouvernement italien. Ce qui, suppose-t-on en RPC, devrait servir exemple à la fois pour l’UE dans son ensemble et pour les autres grands pays européens.

Cependant, il est difficile pour le moment de juger dans quelle mesure ces espoirs sont justifiés. Car les signaux en provenance de ces derniers concernant divers aspects des relations avec la RPC sont, nous le répétons, les plus contradictoires.

En particulier, parmi eux, ceux qui témoignent l’intention des dirigeants européens de désigner leur présence militaire dans la RIP sont de plus en plus remarqués. A cet égard, le fait d’une forte augmentation de l’ampleur des manœuvres militaires internationales Talisman Sabre organisées en Australie a été discuté plus tôt dans la NPO. Cette fois, les Européens étaient représentés par des unités du Royaume-Uni (pour la deuxième fois), ainsi que (pour la première fois) de la France et de l’Allemagne. Il est difficile d’expliquer rationnellement la participation des Européens aux cliquetis d’armes d’une orientation manifestement anti-chinoise, qui se déroulent de l’autre côté du globe. Avec des problèmes internes de plus en plus évidents et graves.

Mais telles tentatives ont été prises, et leur initiateur est le président français E. Macron, qui a effectué fin juillet une tournée dans plusieurs territoires insulaires de l’océan Pacifique, dont certains appartiennent à son pays. C’est le président français qui est l’auteur du néologisme « Nouvel Impérialisme » prononcé après les échecs de Paris en Afrique, et cette fois-ci ce néologisme a été reproduit lors de ce voyage.

Le destinataire évident de cette attaque politique (apparemment tout à fait inattendue pour lui) ne pouvait, bien entendu, prétendre qu’il ne s’était rien passé. D’autant plus que précédemment, le même E. Macron a montré quelques allusions d’opposition par rapport au parcours anti-chinois du « grand frère ».

La folie mondiale qui accompagne le processus toujours mondial du processus en cours de reformatage de l’ordre mondial ne contourne personne et se manifeste de diverses manières. En particulier, sous la forme d’un tonnerre croissant de tambours militaires, initié, remarquablement, par des gilets piqués publics. C’est-à-dire qu’il ne s’agit en aucun cas de militaires professionnels.

La rhétorique au sujet « d’une menace mortelle émanant de quelqu’un » s’accompagne d’une forte augmentation des budgets militaires. Plus tôt dans la NPO, ce sujet a été délibéré en relation avec le Japon, où ils ont l’intention de doubler les dépenses militaires au cours des cinq prochaines années. Bien que cette « menace mortelle » soit de nature purement interne et soit essentiellement liée au problème de l’exaltation de l’hystérie militaire.

La France suit désormais la même voie. A la mi-juillet, un projet de loi a été adopté par le parlement du pays, selon lequel plus de 450 milliards de dollars seront alloués à des fins militaires au cours des sept prochaines années. Au niveau actuel des dépenses annuelles de défense d’environ 50 milliards de dollars. Et tout cela dans le contexte de problèmes internes récemment et clairement manifestés.

Qui ne sont qu’aggravés par l’attisement de la situation d’hostilité mutuelle. En conséquence directe des mesures prises récemment par la Chine (en réponse à des années de piqûres des États-Unis dans le domaine du commerce bilatéral), il a été signalé qu’au Japon, les stocks de gallium, qui est essentiel dans les processus de production modernes, ne seront suffisants que pour les six prochains mois.

Des problèmes similaires pour eux-mêmes (y compris avec l’aide des prétendues sanctions) ont été créés par tous les pays de « l’Occident », y compris les Européens. Apparemment, U. von der Leyen était également engagée dans la recherche des mêmes métaux de terres rares aux Philippines. Bien qu’ils soient, comme on dit, « en vrac » très proches des Philippines, c’est-à-dire sur le territoire où elle a apparemment été offensée par un « accueil inapproprié ».

Probablement, les gens s’ennuient à vivre sans créer de problèmes complètement inutiles.

 

Vladimir Terekhov, expert des problèmes de la région Asie-Pacifique, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook »

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