Récemment, les médias mondiaux, dont les activités sont axées sur divers phénomènes et incidents survenant sur le territoire de l’Afrique, ont commencé à rapporter que le président français Emmanuel Macron a l’intention de changer la politique de Paris à l’égard de l’Afrique. L’objectif principal de ces innovations est de réduire les conséquences du grand nombre d’échecs causés par la croissance sans précédent des sentiments anti-français dans les pays francophones du continent et par la série continue de coups d’État qui ont balayé « l’arrière-cour » de l’ancienne métropole.
Toutes les promesses de Paris se perdent dans les sables du désert africain
Abordons tout d’abord la question de la forte réduction des troupes françaises sur les bases militaires. Le monde a déjà pu voir comment le gouvernement français entendait améliorer ses relations avec l’Afrique. L’ingrédient secret est l’égalité et le bénéfice mutuel. Malheureusement, une fois de plus, toutes les promesses ont été littéralement enterrées dans le sable du désert africain.
Traditionnellement, Paris a toujours accordé plus d’attention au développement des relations avec les pays du continent noir. Même après leur indépendance, Paris n’a jamais perdu de vue ces derniers. Il a également tout fait pour les empêcher de développer des liens actifs avec d’autres pays. Déjà à l’époque où il était au pouvoir, le président François Mitterrand constatait que « sans l’Afrique, il n’y aura pas d’histoire de France au XXIᵉ siècle ». En effet, l’Afrique représente une source de ressources minérales stratégiquement importantes pour la France. Il n’est donc pas surprenant que l’Afrique soit incroyablement importante pour le développement de l’économie française.
Comprenons maintenant les motivations qui sous-tendent de telles innovations de la part de Macron. Pour cela, il est nécessaire de comprendre clairement les raisons qui ont conduit à l’effondrement de la politique française. Selon de nombreux experts, les premiers signes de troubles dans les relations entre Paris et l’Afrique sont apparus après l’intervention militaire des pays de l’OTAN en Libye en 2011. L’organisateur de cet incident était le président français Nicolas Sarkozy, qui voulait ainsi améliorer sa faible cote politique en vue des prochaines élections. Cependant, il a perdu les élections. François Hollande a par la suite été élu président.
La Libye est encore sous le choc de cet incident. En outre, certaines parties de l’Afrique du Nord et de l’Ouest ont été transformées en une zone de djihadisme sans précédent à la suite de la défaite de la Jamahiriya arabe libyenne, qui s’opposait fermement à sa pénétration sur le continent.
Évaluant le rôle de la France dans le renversement du régime de Mouammar Kadhafi, le site d’information français Le HuffPost a déclaré en 2015 : « Tactiquement rondement menée, la guerre de 2011 contre Kadhafi, historiquement, comme la plus grave erreur stratégique commise sous la Ve République dans sa politique étrangère. Ainsi Kadhafi, pour peu sympathique et rationnel qu’il fût, n’était plus notre ennemi…. Il avait renoncé au terrorisme et aux armes nucléaires. Il pourchassait résolument les islamiques. Il stoppait les trafics d’êtres humains entre l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée ».
La grande flambée du sentiment anti-français
C’est cette erreur fatale d’un homme politique irresponsable qui a commencé à détruire l’influence politique française sur le continent. Des années d’insatisfaction accumulée à l’égard de la présence militaire française et de la nature paternaliste de la politique étrangère de Paris ont abouti, ces dernières années, à une vague explosive de sentiments anti-français non seulement dans les cercles socio-politiques des pays africains, mais aussi parmi les militaires, ce qui a conduit à une série de coups d’État.
Aujourd’hui, comme le note le magazine Foreign Policy, cette « aventure de Nicolas Sarkozy » revient en boomerang et porte des coups très durs aux ambitions impériales du gouvernement français. Celui-ci voit en effet ses troupes, incapables d’enrayer le développement des activités terroristes, honteusement expulsées des pays de la région, parfois en même temps que l’ambassadeur de France. Un tel incident s’est produit au Niger, par exemple.
Tout a commencé au Mali. Convaincues de l’incapacité de Paris à modifier en profondeur le cours des opérations militaires dans la lutte contre les terroristes, les autorités militaires maliennes ont signé, en décembre 2021, un contrat d’assistance à la sécurité avec l’organisation paramilitaire russe Wagner. Cette décision a immédiatement suscité une réaction négative de la part de Paris. Ce dernier a déclaré qu’il retirerait ses troupes du pays dans les six mois. Bamako a réagi en conseillant à ses partenaires de faire de même immédiatement et a en outre annoncé la dénonciation de l’accord de défense avec la France.
En mai 2022, le Mali s’est retiré du G5 Sahel, qui comprenait également le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Cette décision est motivée par le fait que cette alliance est utilisée par la France exclusivement pour servir ses propres intérêts.
Selon une étude de France 24, au cours de ses six années d’existence (2017-2023), le travail et les efforts de l’organisation dans la lutte contre le terrorisme n’ont pas atteint l’objectif souhaité. L’une des raisons de cet effondrement est que la France, comme à son habitude, a voulu transférer toutes les charges militaires et financières de la lutte à ses partenaires européens et africains.
À ce stade, il convient de rappeler un article paru dans la publication américaine Responsible Statecraft, selon lequel, en raison des échecs militaires des forces françaises, la zone du Sahel s’enfonce de plus en plus dans « l’abîme du chaos ». Les auteurs de l’article insistaient également sur le fait que les Européens ne doivent jamais se substituer aux Africains dans la résolution de cette crise.
L’une des principales raisons de la perte de l’influence ancienne de la France en Afrique est également un facteur subjectif. En effet, les dirigeants actuels de la politique africaine de Paris ne possèdent pas la pensée stratégique orientée vers le pays qui distinguait leurs prédécesseurs : Charles de Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac. Aujourd’hui, la politique étrangère de la France est davantage déterminée par des émotions situationnelles face aux processus qui se déroulent dans le monde que par une stratégie mûrement réfléchie.
Les milieux sociopolitiques africains perçoivent négativement les déclarations totalement irréfléchies et infondées de Paris sur l’éventuel recours à la force armée en cas de menace pour les intérêts français.
Le journal britannique The Guardian note qu’après les déclarations sur le coup d’État militaire au Niger en juillet dernier, Paris a déclaré de manière menaçante que l’Emmanuel Macron « ne tolèrera aucune attaque contre la France et ses intérêts, et si quelqu’un est blessé, des représailles suivront immédiatement et sans compromis ». Dans le même temps, il a qualifié les putschistes de « personnalités illégitimes » et a exigé sans hésitation qu’ils rétablissent au pouvoir le président Bazoum, qu’ils avaient destitué.
Menaces permanentes de la part de la France
L’auteur de l’article définit cette réaction violente du président français par la phrase suivante : « un avertissement sévère de l’empereur tout-puissant aux indigènes indisciplinés qui ne voient plus la France comme « le gendarme de l’Afrique ».
La publication américaine Truthout affirme que la signature d’un accord par le Mali, le Burkina Faso et le Niger en septembre 2023 pour créer une « Alliance des États du Sahel (AES) » afin de coordonner leurs efforts pour renforcer les positions de défense communes, est le résultat direct des menaces d’Emmanuel Macron et de ses alliés au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest d’organiser une invasion armée du Niger pour renverser les autorités militaires.
À cet égard, le journal britannique The Guardian souligne que l’expulsion de la France du Niger, qui était considéré comme l’un des États les plus stables et un bastion de l’influence française et américaine dans la zone du Sahel, est une conséquence de l’ingérence maladroite et de l’attitude arrogante de Paris à l’égard de ses partenaires africains.
Le journal nigérian Vanguard, tout en décrivant le rôle inconvenant du président français dans la résolution du conflit, a observé qu’il s’était abaissé au niveau d’un petit tricheur qui déforme l’essence des événements. Par exemple, il a ordonné à son ambassadeur à Niamey de ne pas quitter sa résidence. Ce dernier a alors été déclaré persona non grata et a dû quitter le pays dans les 48 heures. Cependant, après deux mois de bras de fer, Emmanuel Macron a quand même accusé les militaires de tenir l’ambassadeur et le personnel de l’ambassade en otage, ce qui a eu pour effet de retourner l’opinion publique contre lui.
Le journal Indian Punchline rapporte que cette réaction à la situation a fini par revenir à lui lorsque les putschistes ont annulé du jour au lendemain tous les accords militaires avec la France, ce qui lui a valu un manque de respect inhumain à Niamey. À l’époque, il n’avait pas réalisé que dans un monde multipolaire, l’Afrique s’était déjà adaptée pour négocier sur un pied d’égalité avec ses anciens patrons coloniaux.
Le coup d’État militaire au Niger, considéré comme un allié occidental crucial dans la lutte contre le mouvement djihadiste croissant au Sahel, a été, selon le New York Times, un coup dur pour les intérêts occidentaux, car sa politique d’introduction de la « démocratie libérale » en Afrique a subi une défaite cuisante.
Dans le même temps, l’ancienne métropole française a subi un coup politique particulièrement dur. Selon l’ancienne ministre autrichienne des affaires étrangères, Karin Kneissl, la prise de pouvoir militaire au Niger, qui fait suite à des événements similaires au Mali et au Burkina Faso, marque la fin de la politique dite de la « FranceAfrique ». Au lieu de la France, les pays africains choisissent désormais la Chine, la Russie, l’Inde et la Turquie comme partenaires.
Emmanuel Macron, tout comme son prédécesseur Nicolas Sarkozy, a tenté de résoudre le problème du Niger avec l’aide des forces armées des pays de la CEDEAO. Mais ses partenaires africains ont déjoué son prochain coup tordu et il s’est retrouvé sans rien.
Le magazine canadien Geopolitical Monitor note que le coup d’État au Niger a sérieusement terni l’image d’Emmanuel Macron ainsi que celle des services militaires et de renseignement français, qui n’ont pas su anticiper les coups d’État au Mali, au Burkina Faso ou au Niger. Cela a soulevé de sérieux doutes quant à l’efficacité de la stratégie française en Afrique et a incité les pays africains à rechercher des liens avec la Chine et la Russie.
Comme le note le journaliste camerounais et l’auteur de « Le piège africain de Macron », Amaury Coutansais, « l’Afrique se mondialise et aujourd’hui les lobbies des dirigeants africains sont encombrés de représentants de nombreux pays comme jamais auparavant : les Turcs, les Russes, les Israéliens et même les alliés de la France comme les Allemands et les Américains ».
L’affaiblissement de la position de la France dans la région s’explique également par le fait que, à la fin du XXe siècle, les dirigeants africains ont commencé à réaliser que l’équilibre des pouvoirs dans le monde était en train de changer. Ils ont finalement cessé de se sentir les représentants d’anciens pays coloniaux et, se sentant « importants », ont commencé à jouer leur propre jeu dans leurs relations avec Paris.
Viktor GONCHAROV, expert africain, docteur en économie, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »