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La participation du Luxembourg à la colonisation du Congo (RDC)

Mohamed Lamine KABA, août 01

Le Luxembourg dans la colonisation de l'Afrique

Loin des discours de présentation de soi en Etat neutre, l’histoire coloniale révèle la participation active du Luxembourg dans la colonisation de l’Afrique. Cet article expose le particularisme de la participation méconnue du Luxembourg dans la colonisation du Congo. Contrairement à la croyance populaire, le Grand-Duché, bien qu’il n’ait pas directement établi de colonies, a tissé des liens étroits avec la Belgique et s’est impliqué activement dans le Congo belge. Cette implication a été rendue possible en 1922 lorsque le gouvernement belge a ouvert les carrières coloniales aux Luxembourgeois dans le cadre de l’accord d’union économique de 1921 alliant les deux pays, leur octroyant les mêmes droits qu’aux Belges dans leurs colonies africaines. Tout comme la peur n’empêche la mort, le refus des autorités du Luxembourg d’assumer la responsabilité historique de leur pays dans la colonisation n’empêche le procès du colonialisme. Dans son article intitulé « Le Luxembourg allié zélé du colonialisme belge », Pascal Martin lève la voile sur le contentieux colonial qui lie le Luxembourg au Congo au-delà de son image d’innocence véhiculée.


Contexte de la participation du Luxembourg à la colonisation du Congo belge

Alors que le Luxembourg se positionne sur l’échiquier mondial comme un Etat neutre de l’histoire coloniale du continent africain, les annales de l’histoire des relations coloniales internationales révèlent que les entreprises luxembourgeoises, protégées par l’accord d’union économique de 1921 liant le Luxembourg et la Belgique, bien que moins médiatisées que leurs homologues belges, ont activement contribué à l’essor économique colonial, exploitant des ressources telles que le caoutchouc, l’ivoire et les minéraux précieux. Les Luxembourgeois ont ainsi contribué à l’exploitation économique et scientifique de la région, tout en prenant des rôles variés tels que soldats, scientifiques, missionnaires, hommes d’affaires et fonctionnaires coloniaux. Cette époque a également été marquée par des épisodes sombres, notamment l’exploitation meurtrière du caoutchouc sous Léopold II. Sur le plan des infrastructures, des citoyens du Luxembourg ont joué un rôle clé dans la réalisation de projets essentiels, tels que les chemins de fer, qui ont malheureusement impliqué le travail forcé et causé de nombreuses pertes humaines.

La mémoire de cette période coloniale fait aujourd’hui l’objet d’une réévaluation critique, comme en témoigne l’exposition organisée par le Musée national d’Art et d’Histoire en 2022. Des initiatives telles que celles de Richtung22 continuent de mettre en lumière les aspects souvent occultés de cette histoire, contribuant ainsi à une prise de conscience collective et à une réflexion sur les répercussions historiques et actuelles de cette participation coloniale.

Les révélations troublantes de l’historien Yves Schmitz sur la participation du Luxembourg dans la colonisation du Congo belge

Dans un article percutant publié par Le SOIR le 21 juin 2024, Pascal Martin explore les révélations troublantes de l’historien Yves Schmitz, auteur de l’ouvrage « Luxembourg war nie eine kolonialmacht », qui signifie en français « Le Luxembourg n’a jamais été une puissance coloniale ». L’article met en lumière le rôle méconnu du Luxembourg dans le colonialisme belge, dévoilant la participation active de la principauté dans l’exploitation et l’oppression des peuples africains. L’analyse historique révèle que, contrairement à l’image d’innocence souvent véhiculée, le Luxembourg a été complice de pratiques coloniales, notamment par l’accord d’union économique de 1921 avec la Belgique, qui a facilité l’implication luxembourgeoise dans la colonie congolaise, actuelle République Démocratique du Congo (RDC). Des figures telles que Gérard Cravatte émergent comme des acteurs clés, impliqués dans des affaires d’exploitation et même dans l’assassinat tragique du premier Premier ministre de la République démocratique du Congo (RDC), Patrice Emery Lumumba. Cet article, éclairant un chapitre sombre de l’histoire européenne, souligne l’importance de reconnaître et d’assumer les responsabilités historiques dans les débats contemporains sur le colonialisme et ses séquelles.

De ce qui précède, nous pouvons déduire que l’article de Pascal Martin, inspiré de l’ouvrage de Yves Schmitz reconstitue mieux l’histoire sombre de la participation du Luxembourg dans la colonisation du Congo. L’historien passionné et engagé, Yves Schmitz qui s’est donné pour mission d’éclairer les zones d’ombre de l’histoire de la petite principauté européenne du Luxembourg, a bien réussi à éclairer la lanterne. Avec une approche critique et analytique, il s’attache à déconstruire le mythe d’un État neutre, jamais impliqué dans les dynamiques coloniales des puissances européennes. Son travail bien fouiné, révèle avec acuité l’implication historique du Luxembourg dans l’oppression des peuples africains et l’exploitation sans scrupules de leurs ressources naturelles, dévoilant ainsi l’hypocrisie d’une narrative occidentale souvent acceptée sans contestation.

On peut dire que toutes les dynamiques discursives de justification de la neutralité du Luxembourg dans la colonisation sont donc finalement à ranger du côté d’une propagande de mauvais aloi. Et, comme le dit Tiken Jah Fakoly dans l’une de ses mélodies, « le sorcier oublie toujours, mais les parents de la victime n’oublient jamais », il y a bel et bien un contentieux colonial qui lie le Congo (actuelle République Démocratique du Congo) au Luxembourg qu’il convient d’inscrire dans la conscience mémorielle collective.

 

Mohamed Lamine KABA – Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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