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La guerre à Gaza se transforme en une crise internationale majeure

Vladimir Mashin, juin 04

Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou

La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé son intention de poursuivre non seulement les dirigeants du Hamas, mais aussi de délivrer un mandat d’arrêt pour crimes de guerre à l’encontre du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et de son ministre de la Défense. Cette annonce a suscité une vague d’indignation en Israël, tant de la part des autorités que des associations publiques : Israël a catégoriquement refusé de se conformer à la décision de la CPI, la qualifiant de honteuse. Le président américain s’est également désolidarisé de la décision de la Cour, la qualifiant de « scandaleuse ».

Cependant, tous les Etats occidentaux n’ont pas adopté cette position ; la France, contrairement au Royaume-Uni et à l’Italie, a rapidement exprimé son soutien à la CPI.

Tel Aviv ne reconnaît pas la Charte des Nations unies et condamne les actions de l’administration de Washington.

Israël défie ouvertement les Nations unies, par la décision desquelles il a été créé. Son représentant aux Nations unies, au vu et au su de la communauté internationale, a détruit de manière flagrante la Charte de l’Organisation.

En outre, ce représentant a sévèrement critiqué le Conseil de sécurité pour avoir observé une minute de silence à la mémoire du défunt président iranien Ebrahim Raïssi.

Ce faisant, Israël ne se contente pas de polémiquer avec les États-Unis, mais ne manque pas de condamner certaines des mesures prises par l’administration américaine.

Le 17 mai, le Jerusalem Post a qualifié de « suicidaire » l’intention du président Biden de suspendre partiellement les livraisons militaires à Israël – « l’acte de Biden le fait apparaître non seulement comme peu fiable, mais aussi comme faible » : pour les ennemis de l’Amérique, c’est un coup dans le bras, pour les intérêts de l’Amérique, c’est un coup dans la jambe, et pour les dirigeants de Biden, c’est un coup dans la tête.

Quelques jours plus tard, le même journal affirmait que la guerre à Gaza ne pouvait être localisée comme un conflit entre Israéliens et Palestiniens, mais devait être considérée comme faisant partie du conflit entre la civilisation occidentale et l’islam radical, qui a formé un axe avec la Russie et la Chine, des pays qui veulent affaiblir l’Amérique.

Il convient de noter que la question du soutien aux Palestiniens ou à Israël est devenue un élément de la campagne électorale américaine : le 20 mai, le Washington Post a rapporté que l’équipe de Trump s’engageait à soutenir les Américains arabes et musulmans mécontents de la position pro-israélienne de l’administration Biden.

La « règle Bouteflika » parviendra-t-elle à s’appliquer à Israël ?

Les États arabes, qui ont élaboré un plan concret pour résoudre la question palestinienne et mettre fin à la guerre à Gaza, envisagent à présent de recourir à la « règle Bouteflika » au sein de l’Assemblée générale des Nations unies. En 1974, A. Bouteflika, alors ministre algérien des affaires étrangères, a présidé une session de l’AGNU et a suspendu la participation de l’Afrique du Sud, la privant des droits et privilèges d’un État membre : elle ne pouvait plus siéger, s’exprimer ou voter à l’Assemblée générale ou dans d’autres organes de l’ONU. L’Afrique du Sud de l’apartheid est alors soumise à une pression internationale croissante. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont alors opposé leur veto à une initiative africaine visant à exclure l’Afrique du Sud de l’Organisation.

La décision de Bouteflika a été soutenue par 91 voix contre 22, les Nations unies comptant alors 133 États membres. L’Afrique du Sud a fini par changer de cap, le pays devenant un paria et un régime isolé. La décision de Bouteflika s’inscrit dans ce processus.

En ce sens, les Arabes s’attendent à ce que le fait de priver Israël des droits et privilèges de l’ONU exerce une pression supplémentaire sur le régime de Tel-Aviv pour qu’il change de cap.

S’il n’y a pas de foyer pour les Arabes en Palestine, il n’y aura pas non plus de foyer pour les Juifs. 

Bien que les États-Unis aient opposé leur veto à la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU, ce veto n’annule pas le statut juridique et politique de la Palestine, un État, bien que sous occupation étrangère, reconnu par les trois quarts des 193 États membres de l’organisation. Récemment, la Jamaïque, la Barbade et Trinité-et-Tobago ont officiellement reconnu l’État de Palestine.

Suite à l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale soutenant la création d’un État palestinien le 10 mai dernier, la République d’Irlande a officiellement annoncé qu’elle reconnaîtrait l’État dans les semaines à venir. La Belgique, Malte, l’Espagne et la Slovénie ont également fait récemment une déclaration dans ce sens.

Si l’adhésion à part entière de la Palestine aux Nations unies est tributaire du veto américain au Conseil de sécurité, elle a, selon certains analystes politiques arabes, détourné l’attention d’une question bien plus importante et significative, à savoir le statut d’Israël au sein des Nations unies.

Compte tenu du génocide dans la bande de Gaza, un journal saoudien se demande combien de temps les partisans de l’épuration ethnique israélienne – le président américain, le chancelier allemand, le premier ministre britannique – soutiendront la politique de Netanyahou consistant à pratiquer une discrimination systématique à l’encontre des non-Juifs.

En Israël même, il existe un public de plus en plus pragmatique et large d’esprit, dont les idées ont été exprimées par l’écrivain le plus célèbre du pays, David Grossman, qui a déclaré que s’il n’y a pas de foyer pour les Arabes en Palestine, il n’y aura pas de foyer pour les Juifs.

 

Vladimir MASHIN, candidat aux sciences historiques, observateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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