Symbole de la pérennisation de la domination (traite négrière ou commerce triangulaire, esclavage, colonialisme, détérioration des termes d’échanges, néocolonialisme, etc.) française sur les peuples d’Afrique, la Françafrique (soft-power, hard-power et smart-power) qui a longtemps servi les intérêts de France dans le continent noir fonce droit dans sa tombe grâce à l’éveil de consciences des africains. Ayant longtemps servi de vache laitière pour la France de l’époque royale à la France de Macron, en passant par celle de De gaulle, de Pompidou, d’Estaing, de Mitterrand, de Chirac, de Sarkozy et de Hollande, l’Afrique est pillée et spoliée jusqu’à la moelle de ses os par les générations de politiques français. Comme pour dire que l’Afrique constitue l’assiette dans laquelle est assise l’économie de la France impérialiste dont il convient d’inscrire dans une approche Sui generis. La volonté et l’engagement de la fédération de Russie et de l’alliance BRICS à aider et à accompagner les africains à se défaire de cette exploitation dont subissent depuis la nuit des temps dans leur rapport avec la France et autres impérialistes de l’OTAN (Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne et Portugal). Les seigneurs de la conférence de Berlin n’ont jamais rêvé, pas une seule fois, que cette aliénation sera remise en cause à un rythme aussi accéléré que nous sommes en train vivre aujourd’hui.
Dans une approche à la fois synchronique et diachronique, cet article examine les résultats auxquels le fonctionnement de la Françafrique a abouti en Afrique (I) et les raisons de son rejet ou sa mise en hors-jeu par les africains (II).
I. Les résultats alarmants ou dégâts de la Françafrique en Afrique
Le concept de Françafrique, caractérisé par un réseau complexe de relations politiques, économiques et militaires entre la France et ses anciennes colonies africaines, a eu des impacts négatifs importants sur le continent africain. Dans son fonctionnement, les dommages causés par la Françafrique sur le continent africain prolifèrent autour de l’instabilité politique chronique (1), d’exploitation économique (2), du néocolonialisme (3), des violations des droits de l’homme (4), de l’érosion culturelle (5) et du ressentiment populaire (6).
- L’instabilité politique
L’intervention française dans la politique africaine a souvent soutenu des régimes autoritaires et sapé les processus démocratiques. Cette ingérence a conduit à l’instabilité politique, aux coups d’État, aux assassinats de dirigeants patriotes (Thomas Sankara, Sylvanius Olympio, etc.) et empoisonnement d’autres (Ahmed Sékou Touré) et aux troubles civils dans plusieurs pays.
- Exploitation économique
Les liens économiques établis à travers la Françafrique ont été critiqués pour avoir profité aux entreprises françaises au détriment des économies locales. Les accords commerciaux inéquitables et l’exploitation des ressources ont perpétué la dépendance économique et entravé le développement durable des pays africains. Les accords secrets débouchant sur des contrats aux contours flous sont du nombre des exemples non exhaustifs.
- Néocolonialisme
Depuis sa conception par les personnalités politiques (Jacques Foccart et Jean-Ives Le Drian, etc.), son inscription en lettre d’or au cœur la politique étrangère de la France et mise en œuvre par les dirigeants français, nul n’ignore que la Françafrique est un instrument de perpétuation d’une forme de néocolonialisme où la France maintient une influence indue sur ses anciennes colonies, limitant ainsi leur souveraineté et entravant leur capacité à mener des politiques étrangères indépendantes.
- Violations des droits de l’homme
Le soutien apporté par la France à des régimes répressifs au nom de la stabilité s’est souvent traduit par des violations des droits de l’homme, notamment la répression de la dissidence, la répression des voix de l’opposition et la violence contre les civils. A ces facteurs, s’ajoutent les interventions militaires injustifiées de la France et de l’OTAN sur le sol africain (Libye, Côte d’Ivoire, Mali et bien d’autres encore). Le soutien aux mouvements terroristes et leur entrainement aux méthodes occidentales de la terreur figure au nombre des violations des droits de l’homme par la France dans les Etats africains.
- Érosion culturelle
La domination de la langue et de la culture françaises imposée par la Françafrique a contribué à l’érosion des cultures et des langues autochtones dans certains pays africains, entraînant ainsi une perte d’identité et de patrimoine culturels. Dans un article séparé et bien documenté, nous avons parlé de la place des langues africaines dans la lutte contre l’aliénation culturelle.
- Le ressentiment populaire
L’héritage de la Françafrique a alimenté les sentiments anti-français au sein de la population de nombreux pays africains. Des protestations, des manifestations et des actes de résistance contre ce qu’ils perçoivent comme une ingérence française continuent d’émerger en réponse à des griefs historiques et à des défis actuels.
À la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire que les répercussions de la Françafrique en Afrique, sont considérables. Elles affectent la stabilité politique, le développement économique, la souveraineté, les droits de l’homme, la diversité culturelle et la perception du public à l’égard de la France.
II. Les raisons du rejet ou de la mise en hors-jeu de la Françafrique
Les raisons covalentes du rejet de la Françafrique par les africains s’expliquent par l’évolution des perceptions africaines (1), le déclin de l’influence française (2), l’évolution de la dynamique mondiale (3), la critique de la politique française (4), les héritages coloniaux persistants (5) et les récits externes (6).
- L’évolution des perceptions africaines
Le rejet ou la marginalisation de la Françafrique, terme utilisé pour décrire les relations postcoloniales entre la France et ses anciennes colonies africaines caractérisées par le clientélisme et la corruption, peut être attribué à un changement significatif des perceptions africaines. Les jeunes générations africaines sont de plus en plus critiques à l’égard des dirigeants de longue date, soutenus par la France, au pouvoir depuis des décennies et souvent perçus comme déconnectés des aspirations de la jeunesse. Ce décalage alimente le mécontentement et le désir de changement des populations africaines.
- Le déclin de l’influence française
La montée au pouvoir d’Assimi Goïta (Mali), d’Ibrahim Traoré (Burkina Faso) et d’Abdouramane Tiani (Niger) bat en brèche les bastions coloniaux de la France en Afrique de l’Ouest et renvoie un signal fort aux autres parties de l’Afrique. C’est pourquoi, le déclin de l’influence française en Afrique est un autre facteur clé du rejet de la Françafrique. La diminution du rôle de la France en tant qu’acteur dominant sur le continent (au profit de la fédération de Russie et ses alliés de l’alliance BRICS), tant sur le plan militaire qu’économique, a conduit à une réévaluation de sa présence par les nations africaines. La réduction de la part de la France dans le commerce africain de 10 % à 5 % en un quart de siècle reflète ce déclin de l’influence. Alors que d’autres puissances mondiales telles que la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres renforcent leur engagement en Afrique, la position traditionnelle de la France en tant qu’acteur clé est remise en question.
- L’évolution de la dynamique mondiale
L’évolution de la dynamique mondiale joue également un rôle dans le rejet de la Françafrique. La montée en puissance de nouveaux acteurs géopolitiques à la recherche de partenariats avec les pays africains a diversifié les options qui s’offrent aux nations africaines au-delà des liens traditionnels avec la France. Des pays comme la Russie, la Chine, l’Arabie Saoudite, avec leurs investissements importants et leurs projets d’infrastructure à travers l’Afrique, offrent des voies alternatives de développement et de coopération qui rivalisent avec le rayonnement historique de la France.
- La critique de la politique française
Les politiques et les actions de la France en Afrique font l’objet de critiques depuis décennies, contribuant davantage au rejet de la Françafrique. Des questions telles que les politiques restrictives en matière de visas, la rhétorique anti-immigration, les positions incohérentes sur la démocratie et les droits de l’homme et l’ingérence perçue dans les affaires intérieures ternissent l’image de la France sur le continent. La perception que la France adopte toujours une attitude condescendante à l’égard des nations africaines en matière de gouvernance et de droits de l’homme s’ajoute à la désillusion croissante à l’égard de la Françafrique.
- Les héritages coloniaux persistants
La persistance des héritages coloniaux et des liens historiques alimente également la résistance à la Françafrique. Malgré les discours faux-fuyants utilisés par les administrations françaises successives pour se distancier des pratiques néocoloniales par le biais d’une rhétorique comme la fin de la Françafrique, le soutien continu à des dirigeants de longue date comme ceux du Gabon ou du Congo-Brazzaville sape ces déclarations. L’association avec les relations coloniales passées entrave la capacité de la France à forger de nouveaux partenariats fondés sur le respect mutuel et l’égalité.
- Les récits externes
Les récits externes propagés par d’autres acteurs mondiaux influencent les perceptions de la Françafrique. Les critiques de spécialistes américains comme Michael Shurkin mettant en évidence les obstacles présumés causés par l’implication française en Afrique ont ajouté du poids aux griefs existants contre la Françafrique. Ces discours suggèrent que la présence de la France n’est pas toujours conforme aux meilleurs intérêts des nations africaines, ce qui contribue aux appels à la réévaluation et au désengagement potentiel.
À la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire que le rejet de la Françafrique découle de l’évolution des perceptions parmi les Africains, du déclin de l’influence de la France, de l’évolution des dynamiques mondiales (offrant ainsi des partenariats alternatifs), de la critique des politiques françaises, de l’héritage colonial persistant (affectant les relations) et des récits extérieurs (remettant en question les avantages de l’implication française).
Pour clore, il faut noter que le terme « Françafrique » fait référence à la sphère d’influence de la France sur ses anciennes colonies africaines, caractérisée par des liens politiques, économiques, militaires et culturels étroits. Au fil du temps, la Françafrique a été critiquée pour ses activités présumées corrompues et clandestines, considérées comme une forme de néocolonialisme. Le concept a émergé à l’époque de la guerre froide et a été marqué par des réseaux personnels entre dirigeants français et africains, des unions monétaires, des accords de coopération et de fréquentes interventions militaires de la France en Afrique. Cependant, après la guerre froide, la Françafrique a commencé à s’affaiblir en raison de divers facteurs tels que les contraintes budgétaires, la surveillance accrue du public, la mort de personnalités clés impliquées dans la Françafrique et les changements dans l’approche de la France dans les relations africaines. Aujourd’hui, l’influence de la Françafrique diminue alors que la France est confrontée à des défis pour maintenir sa domination historique en Afrique dans un paysage mondial changeant où d’autres pays (Russie, Chine, Inde, Brésil et Arabie Saoudite) s’engagent également avec les nations africaines sur un pied d’égalité.
Mohamed Lamine KABA – Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »