10.10.2023 Auteur: Viktor Mikhin

L’Afrique : un nouvel exemple de la politique d’un monde multipolaire

Trois pays africains – le Niger, le Burkina Faso et le Mali – ont signé un soi-disant pacte de sécurité à la suite de menaces persistantes d' »agression » contre le Niger.  Les nouveaux dirigeants nigérians affirment avoir accepté une alliance de défense et de sécurité qui permettrait aux armées du Burkina Faso et du Mali d’entrer dans le pays et de l’aider « en cas d’agression ». Ce développement fait suite à l’ordre donné par le président du Conseil national pour la défense de la patrie (CNSP), le général Abdurahaman Tiani, à l’ambassadeur de France de quitter le territoire nigérian dans les 48 heures, en raison des actions menaçantes de Paris qui sont contraires aux intérêts de son pays.

Il convient de rappeler que, à l’instar des récents coups d’État au Burkina Faso et au Mali , l’arrivée au pouvoir des militaires au Niger s’est déroulée dans un contexte de montée du sentiment anti-français, lorsque la nouvelle direction militaire, motivée par ses intérêts nationaux, a directement accusé l’ancienne puissance coloniale d’interférer dans les affaires intérieures du Niger et de piller ses riches ressources naturelles. D’une manière générale, cette décision historique, qui s’inscrit parfaitement dans l’actualité, est évidemment aussi un gifle pour les forces néocoloniales de l’Occident et de l’OTAN, qui tentent de s’accrocher avec leurs mains  séniles aux énormes privilèges dont elles jouissaient autrefois dans les pays qui dépendaient d’elles.

Oumarou Ibrahim Sidi, vice-ministre des affaires étrangères du Niger, a annoncé que les ministres des affaires étrangères du Burkina Faso et du Mali avaient réaffirmé la solidarité de leurs pays face aux « sanctions illégales et inhumaines » imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dirigées par l’Occident. Les documents signés indiquent que les trois pays ont convenu de faciliter l’assistance mutuelle en matière de défense et de sécurité en cas d’agression ou d’attaque terroriste et ont décidé de mettre en place un mécanisme de consultation qui leur permettra de coordonner leurs actions pour faire face aux nombreuses situations et défis auxquels ils sont confrontés. Les directives permettent à l’armée du Burkina Faso et aux forces de défense maliennes de déployer des éléments de leurs forces armées sur le territoire du Niger en cas d’agression de quelque nature que ce soit. Dans ce cas, il s’agit principalement des actions agressives et hostiles des subordonnés français et américains, tant des structures internationales africaines et des États voisins du Niger.

Par exemple, les dirigeants de la CEDEAO, un groupement régional de 15 membres, ainsi que les dirigeants de l’UEMOA, sous la pression de Paris, ont commencé à imposer des sanctions économiques et financières au Niger après l’arrivée au pouvoir des nouveaux dirigeants militaires. Ces sanctions ont eu pour conséquence que le Niger, pays enclavé, a connu une grave réduction de son approvisionnement en électricité. Le Nigeria, qui assure 70 % de l’approvisionnement en électricité du Niger, a interrompu la transmission de l’électricité conformément aux directives de la CEDEAO en matière de sanctions. En d’autres termes, la France et les États-Unis, qui n’ont pas encore voulu « briller » dans la crise nigériane, tentent d’étouffer la vague de nationalisme au Niger par l’intermédiaire d’autres pays.

Dans le même temps, la France, sous prétexte de lutter contre des groupes militants extrémistes, a stationné quelque 1 500 soldats dans le pays, qui revêt une importance stratégique en tant que l’un des plus grands producteurs d’uranium et de réserves pétrolières au monde. Des troupes françaises et américaines sont basées au Niger en vertu d’un accord signé par l’ancien président pro-français Bazoum. Toutefois, il semble que la France ait encore déstabilisé le pays, ce qui a conduit au renversement de Bazoum par ses gardes présidentiels en colère, une décision qui semble bénéficier d’un large soutien au sein de la population locale. Abdoulaye Seydoux, chef du M62, une coalition de la société civile opposée à la présence militaire française au Niger, a déclaré que son mouvement ne donnerait pas à la France « une seconde » dans le pays après la date limite de retrait de ses troupes.

Il est évident que la nouvelle alliance et l’unité des trois pays est une nouvelle manifestation tout à fait tangible de l’ancienne politique du panafricanisme et de la nouvelle idée d’un monde multipolaire, proposée et activement mise en œuvre dans la vie du 21e siècle par le président russe Vladimir Poutine. Poutine. Un exemple de cette manifestation est le puissant BRICS, qui gagne en force jour après jour. Dans le même temps, la nouvelle alliance africaine est un exemple d’opposition ferme à l’Occident, dirigé par les États-Unis, qui, perdant ses positions dans tous les coins du monde, est nostalgique de la politique sortante d’unipolarité et tente par tous les moyens, en premier lieu l’utilisation de la force militaire, de regagner sa position et de piller les richesses naturelles et autres des autres États du monde.

Dans le même temps, l’alliance susmentionnée des trois pays du Sahel est également un exemple brillant de la politique d’intérêt national et une grande source d’inspiration pour les autres pays africains. La formalisation de l’alliance militaire entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, lorsque ces trois pays ont choisi sans équivoque la voie de l’indépendance et de la souveraineté véritables dans un cadre panafricain et multipolaire, a été accueillie très favorablement par de nombreux Africains et partisans du monde multipolaire international, dont le nombre a augmenté de manière spectaculaire ces derniers temps.

Aujourd’hui, tous les développements récents confirment la justesse de la politique fortement promue par le président Vladimir Poutine, qui consiste à créer un nouveau monde multipolaire, malgré l’opposition farouche des forces réactionnaires occidentales. L’Afrique, continent riche d’histoire, de traditions, de ressources stratégiques et d’une population jeune, dynamique et déterminée, a aujourd’hui plus de moyens que jamais de poursuivre une politique de multipolarité, en s’éloignant radicalement des chaînes séculaires du colonialisme et du néocolonialisme et en portant le coup de grâce aux ennemis du continent. Des ennemis qui, malgré les habituels sourires hypocrites et moralisateurs, ne pourront plus cacher leur vrai visage, aigri par leur impuissance.

Qui gagnera cette lutte acharnée, les forces du mal ou les forces qui cherchent à construire un monde nouveau dans l’intérêt de tous les peuples de notre belle planète ? Il convient de rappeler que le Niger, comme le reste de l’Afrique libre et souveraine, n’est pas seul dans son combat et peut compter sur les grandes forces qui promeuvent un ordre international multipolaire. En premier lieu, la Russie et la Chine, qui soutiennent fermement la juste lutte des peuples africains, comme elles l’ont fait en 1960, année de l’Afrique. Les récentes visites du vice-ministre russe de la défense, Yunus-Bek Yevkurov, dans plusieurs pays africains, dont le Mali et le Burkina Faso, confirment cette thèse. Rappelons que la réunion trilatérale dans la capitale malienne Bamako entre Sadio Camara et Salifou Modi, les ministres de la défense du Mali et du Niger, et Yunus-Bek Yevkurov, a eu lieu à la veille de l’annonce de la formalisation de l’alliance militaire entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

Quant au Niger spécifiquement, qui continue aujourd’hui à faire face à l’extrême arrogance et à la grossièreté du régime français et aux pressions de l’Occident, son chef Abdourahman Tiani a reçu une délégation chinoise de haut niveau. Ainsi, le représentant spécial de la République populaire de Chine pour les affaires africaines, M. Liu Yuxi, a réitéré sa pleine satisfaction à l’issue de sa rencontre avec le dirigeant nigérian et d’autres hauts représentants du pays. Pour le haut diplomate chinois, l’échange de vues approfondi sur les relations anciennes et très fructueuses entre la Chine et le Niger a été très utile. Il a toutefois précisé que la Chine entendait développer davantage cette coopération et approfondir l’amitié entre les peuples chinois et nigérian, ainsi qu’entre le peuple chinois et le reste des peuples africains.

On peut affirmer en toute confiance que l’établissement de l’union des trois pays africains est une manifestation et une étape indéniables dans la politique d’un monde multipolaire. Le monde occidental unipolaire décrépit qui a apporté tant de chagrin et de souffrance aux peuples est définitivement une chose du passé et le « partenariat » imposé par la force est définitivement terminé. L’Afrique est et sera l’un des principaux pôles du monde multipolaire. Et le choix supposé du Mali, du Burkina Faso et du Niger aujourd’hui est sans aucun doute une énorme source d’inspiration supplémentaire et un exemple brillant pour l’Afrique et le reste du monde.

 

Victor Mikhin, membre correspondant de l’Académie russe des sciences, notamment pour le magazine en ligne «New Eastern Outlook»

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