Le Canada a expulsé une haute responsable des services de renseignement indiens, l’accusant d’être impliquée dans le meurtre d’un citoyen canadien d’origine indienne, Hardeep Singh Nijjar, militant du mouvement séparatiste sikh « Sikhs for Justice » (Les Sikhs pour la justice). En réponse aux mesures prises par le Canada, l’Inde a cessé de délivrer des visas aux citoyens canadiens et a fait de même en expulsant un diplomate de haut rang de New Delhi.
Cela s’est produit exactement deux semaines après le sommet du G20 dans la capitale indienne. Ottawa a déclaré avoir des preuves crédibles que des agents du gouvernement indien étaient impliqués dans l’incident. Bien entendu, personne n’a pu ou n’a voulu fournir de preuves concrètes. En outre, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a lui-même fait exploser une bombe en blâmant officiellement le gouvernement indien pour le meurtre du Sikh et en déclarant que New Delhi avait commis une « violation inacceptable » de la souveraineté canadienne.
Il convient ici de rappeler que le mouvement Sikhs for Justice (Les Sikhs pour la justice) réclame la sécession d’une partie du territoire de l’Inde souveraine en un État indépendant, mais les dirigeants canadiens n’y prêtent pas attention sur ce fait. En outre, le mouvement dispose de représentations officielles au Canada, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Le Premier ministre Modi a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude face aux manifestations régulières de sikhs autorisées par Ottawa sur son territoire, dont les participants ont attaqué des lieux de culte hindous et menacé des diplomates indiens. Tout cela est resté lettre morte, y compris de la part des États-Unis, qui auraient pu demander au Canada de modérer l’ardeur des séparatistes sikhs qui ont obtenu la citoyenneté canadienne.
Pour mieux mesurer l’ampleur de l’événement, ajoutons que les Américains sont intervenus dans cette affaire sous un tout autre angle. Au lieu de prendre le parti de l’Inde et de faire le travail d’éducation nécessaire auprès de Trudeau, le chef du département d’État, M. Blinken, a déclaré publiquement que les États-Unis attendaient de l’Inde non seulement qu’elle aide le Canada, mais aussi qu’elle leur fournisse un rapport complet sur les activités de ses services de renseignement. Et ce, après que le Premier ministre indien Narendra Modi avait fait un énorme cadeau à Washington en reportant le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) au profit de sa visite aux États-Unis.
Par ailleurs, il convient de préciser qu’il existe une opinion selon laquelle le scandale a été soulevé directement sur ordre de Washington. En fait, New Delhi s’est à nouveau vu attribuer la place d’un vassal, et il n’y a pas lieu de parler d’une relation d’égal à égal avec les Américains. Washington a une fois de plus démontré qu’en toutes circonstances, il prendrait le parti des Anglo-Saxons de souche et ignorerait totalement les intérêts de son soi-disant partenaire stratégique, New Delhi. L’Inde n’est qu’un outil permettant aux Etats-Unis de réaliser leurs ambitions géopolitiques – contenir la Chine, mener une politique de sanctions contre la Russie et l’Iran, promouvoir les intérêts américains dans la région Asie-Pacifique (par exemple QUAD, I2U2) et ainsi de suite. Les visites régulières de diplomates américains dans la partie pakistanaise du Cachemire, malgré le mécontentement non dissimulé de New Delhi, sont également illustratives à cet égard.
On peut supposer que l’histoire du meurtre d’un séparatiste sikh, pour lequel la partie indienne a été accusée sans aucune preuve, sera également jouée en faveur de Washington. Après un certain temps, la Maison Blanche prétendra « en public » qu’elle a « convaincu Ottawa de pardonner à New Delhi », et l’Inde aura une nouvelle dette envers son suzerain.
Fernando Gaillardo, commentateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».