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Le déclin de l’Occident

Vladimir Mashin, juillet 07 2024

Débat Biden-Trump

Ces derniers jours, le déclin de la civilisation occidentale s’est manifesté de manière éclatante. Le débat entre les deux candidats à l’élection présidentielle américaine du 27 juin a semé la confusion non seulement en Amérique, mais aussi dans de nombreux pays européens, et a même semé la panique au sein du parti démocrate américain : il est apparu clairement que M. Biden, en raison de ses caractéristiques physiques et cognitives, ne serait tout simplement pas en mesure de briguer un nouveau mandat de quatre ans.

Parmi les partisans du parti démocrate, un mouvement s’est mis en place pour persuader le président de démissionner et de commencer à chercher d’urgence un nouveau candidat pour le remplacer avant la convention du parti en août.

D’autre part, les forces fidèles à Biden se sont regroupées et se sont prononcées en sa faveur, guidées par la thèse « on ne change pas son cheval au milieu du gué ».

Les débats ont montré la confusion qui règne dans la société américaine : selon les sondages, la majorité absolue de la population américaine ne voudrait voir aucun des deux candidats à la présidence.

Une vague de droite en Europe

Les cercles dirigeants en France connaissent à peu près la même agitation – la victoire du parti du Rassemblement national dirigé par Marine Le Pen au premier tour des élections législatives le 30 juin a eu l’effet d’une bombe – il est clair que la position du président Macron s’est considérablement affaiblie et que sa crédibilité est en train de décliner. Selon la presse occidentale, la France – l’État clé de l’UE – s’approche d’une nouvelle phase de dysfonctionnement et de polarisation. Cette situation est exacerbée par le fait que les « populistes de droite » en Hongrie, en Autriche et en République tchèque ont formé un bloc parlementaire, les Patriotes de l’Europe, qui critiquent vivement les dirigeants de l’Union européenne pour leur style bureaucratique et leurs politiques malavisées. D’autres députés européens devraient rejoindre ce bloc.

La coalition gouvernementale au pouvoir en Allemagne perd rapidement sa popularité et certains observateurs estiment qu’il faut s’attendre à un changement de gouvernement ou à des élections anticipées à Berlin.

La situation au Royaume-Uni, à la veille des élections du 4 juillet, est également caractérisée par une grave lutte politique interne : les Britanniques ne sont pas satisfaits des quatorze années de règne du parti conservateur. Le déclin du système de santé est particulièrement évident : pour voir un spécialiste, les patients doivent attendre un an, voire plus.

Comme l’a noté le journal saoudien Arab News le 1er juillet dernier. Un Trump exubérant et un Biden trébuchant ont fait plus pour discréditer la démocratie occidentale lors du dernier débat présidentiel que Moscou, Téhéran ou Pékin ne pourraient jamais espérer le faire.

Le déficit aigu de sens commun et de rationalité des élites occidentales

L’agitation des sociétés occidentales s’explique non seulement par la polarisation des forces dans la sphère politique intérieure, mais aussi par le manque de confiance des citoyens ordinaires dans les cercles dirigeants. Avant l’effondrement de l’Union soviétique, les dirigeants occidentaux, influencés par les réalisations de l’URSS dans le domaine social, ont été contraints de prendre en compte les revendications des travailleurs dans une certaine mesure, partiellement limitée, mais tout de même.

Dans un monde unipolaire, les élites des puissances occidentales ont pratiquement négligé les intérêts nationaux, ne pensant qu’à leur propre intérêt, et cette lacune a conduit à la situation actuelle. Les tentatives de ces élites de détourner l’attention des problèmes urgents en se concentrant sur les menaces extérieures et en accusant la Russie de Poutine de tous leurs péchés échouent.

L’agitation actuelle dans les capitales occidentales est soulignée par la volonté d’abandonner des valeurs morales séculaires et d’imposer à la population de nouvelles normes en matière d’identité de genre et d’orientation sexuelle. « A l’évidence, note Marie-Cécile Naves, directrice de l’Observatoire du genre et de la géopolitique à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), la généralisation des lois occidentales en faveur du mariage homosexuel, l’attention portée aux personnes transgenres, ont suscité des réactions négatives dans le monde entier ». Le journal Le Monde écrivait le 29 juin : de Moscou à Dakar en passant par Brasilia, les gouvernements multiplient les mesures contre les droits des LGBT+, privilégiant la protection de leur identité contre les valeurs qui leur sont imposées par les pays occidentaux.

On peut affirmer que les mois d’été à venir, et surtout les élections américaines du 5 novembre, conduiront non seulement à une nouvelle division des forces politiques, mais aussi à un changement majeur dans les élites dirigeantes des puissances occidentales.

 

Vladimir MASHIN, candidat aux sciences historiques, observateur politique, notamment pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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