19.06.2024 Auteur: Viktor Mikhin

La carrière politique de Netanyahou est en fin de course

Benjamin Netanyahou

Les événements dans la Bande de Gaza rapprochent progressivement le moment où Benjamin Netanyahou devra répondre devant la communauté internationale pour les crimes qu’il a commis contre les civils palestiniens. Les démarches de la Cour pénale internationale, de la Cour internationale de Justice des Nations Unies, la reconnaissance de l’État Palestinien par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège en sont la preuve. Au total, 147 pays reconnaissent actuellement l’État de Palestine. Tous ces événements ont commotionné la communauté mondiale.

Netanyahou est en proie à une angoisse et à un anxiété constantes

Les messages du service de sécurité du premier ministre israélien lui causent encore plus d’angoisse et d’anxiété. Israël n’a jamais encore été entraîné dans une guerre d’épuisement de huit mois qui a dévasté moralement ses soldats et le peuple israélien tout entier, a complètement terni son image et, comme les médias mondiaux aussi bien qu’ israéliens ont été forcés de reconnaître, Netanyahou semble de plus en plus incapable de décider de l’issue de la bataille en faveur d’Israël. Il doit également faire face non seulement à la guerre contre le Hamas, mais aussi contre le Hezbollah dans le sud du Liban et aux attaques sensibles sur le territoire israélien par certains groupes irakiens et aux attaques des houthis du Yémen contre les navires en mer Rouge.

Netanyahou peut donner l’ordre de tuer un plus grand nombre de Palestiniens, mais il ne peut pas mettre fin à la guerre et à la vague de haine toujours croissante que ressentent les Palestiniens à l’égard des occupants israéliens. L’invasion de Rafah coûtera cher à Tel-Aviv et a déjà suscité un flot d’appels en faveur d’un État palestinien indépendant. Même les États-Unis, qui ont toujours été généreux dans leur soutien, ont maintenant changé d’avis et estiment qu’Israël ne sera jamais en sécurité si que les Palestiniens n’obtiennent pas leur propre État.

Netanyahou croit à tort que les Palestiniens n’ont jamais cru en paix avec Israël. Il estime que Yasser Arafat, qui a serré la main à Itzhak Rabin à la Maison Blanche, cherchait tout simplement un point d’appui dans les territoires palestiniens à partir duquel il pourrait commencer à étendre son État. Netanyahou a longtemps cru à tort qu’un « État palestinien » était un projet à long terme visant à détruire l’État d’Israël.

Voilà pourquoi il a passé une grande partie de son très long mandat à essayer de détruire tout ce qui pouvait servir de base pour que cet État devienne la réalité. Il a lancé une campagne à grande échelle de la création des colonies afin d’annexer les territoires palestiniens. Il a utilisé tous les moyens à sa disposition pour saper le prestige de l’Autorité palestinienne et l’empêcher de jouir de la légitimité dont elle jouit dans le monde. Il a misé sur la scission entre le Fatah et le Hamas et sur le renforcement de la position d’Israël dans la région sans nécessité d’avaler la dragée amère de la reconnaissance d’un État palestinien.

Netanyahou n’est pas le seul à se tromper profondément sur le sort des Palestiniens. Ariel Sharon, l’ancien Premier ministre d’Israël, n’a jamais abandonné son rêve criminel de détruire les Palestiniens. Il a profité du bouleversement mondial après les attentats du 11 septembre (les véritables coupables n’ont toujours pas été trouvés ni identifiés) pour assiéger la résidence du président palestinien, comme s’il n’avait jamais pardonné à Arafat d’avoir quitté Beyrouth vivant et d’être revenu vivre sur les territoires palestiniens.

Le Premier ministre rejette pathologiquement un cessez-le-feu

Netanyahou est bien conscient qu’un cessez-le-feu lui porterait un coup fatal. Il le sait grâce aux protestations des familles des otages et aux appels à le tenir pour responsable et à le traduire en justice. C’est pourquoi il poursuit cette guerre criminelle, accompagnée d’une effusion de sang massive d’enfants, de femmes et de vieillards palestiniens. Les reportages ne font qu’intensifier son obsession maniaque d’obtenir une victoire qui éclipserait les attaques des hommes politiques locaux qui se préparent à l’attaquer de l’intérieur et de l’extérieur de son gouvernement.

Il n’a jamais connu une telle crise. Les États-Unis tentent toujours d’être complaisants avec lui, mais ils le considèrent également comme un lourd fardeau pour Israël, les Palestiniens, la région dans son ensemble et l’Amérique elle-même. Il ne peut pas refuser le soutien américain, mais pour continuer à en jouir, il doit payer un certain prix, que Netanyahou, qui a perdu tous ses repères, n’est pas encore prêt à payer. Les États-Unis, du moins en paroles, n’ont commencé que récemment à parler de la décision de créer deux États. Au moins, le Département d’État estime qu’il est nécessaire de mettre un terme au conflit israélo-palestinien, de soutenir les modérés en Israël même et au-delà, et de priver l’Iran de la possibilité de pénétrer dans d’autres pays arabes et de faire pression sur eux sous prétexte de lutter pour les droits des Palestiniens.

Netanyahou reconnaît également que les pays arabes modérés, menés par l’Arabie Saoudite, ont joué un rôle essentiel pour convaincre les capitales occidentales qu’il ne peut y avoir de stabilité au Moyen-Orient sans établissement d’un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme la capitale. Les ministres des Affaires étrangères des États arabes ont souligné que le cessez-le-feu devait être accompagné d’un processus politique qui mènerait à la création d’un État palestinien dans un certain délai.

La bataille pour la création d’un État palestinien

La bataille pour la création d’un État palestinien est engagée mais le chemin qui y mène n’est pas facile. Un gouvernement israélien devrait être constitué qui serait capable de prendre des décisions que les Israéliens considèrent comme des « décisions difficiles ». La décision clé est l’acceptation de l’idée d’un État palestinien et le retour au respect des résolutions internationales. Le gouvernement d’extrême droite actuel dirigé par Netanyahou n’en est pas capable et doit partir – et le plus tôt sera le mieux, principalement pour les Israéliens eux-mêmes.

Les Palestiniens devraient également s’unir pour profiter pleinement du soutien dont bénéficierait la décision de créer un État palestinien. Les Palestiniens appellent le monde à défendre leurs droits et ils ont raison. Mais le monde a aussi le droit d’appeler les Palestiniens à prendre en considération le fait que la création de leur propre État doit être conditionnée par la reconnaissance d’Israël et par des garanties internationales de la part de l’État de Palestine.

Le Hamas pourra-t-il accepter cela, même par l’intermédiaire de l’Organisation de libération de la Palestine ? Quelle serait l’opinion de ce qu’on appelle l’Axe de résistance, notamment de l’Iran, d’autant plus qu’un État palestinien ne peut naître – et nous devons l’admettre amèrement – qu’ avec l’approbation des États-Unis ? Enfin, les États-Unis doivent adopter une position ferme pour forcer Israël à accepter une solution à deux États, étant donné qu’il n’existe pas d’autre option viable.

Dans son discours préliminaire prononcé récemment à l’Académie militaire de West Point, le président des États-Unis Joe Biden a souligné l’importance de son pays. Il a dit en termes ampoulés : « Grâce aux forces armées des États-Unis, nous faisons ce que seule l’Amérique peut faire en tant que nation essentielle, la seule superpuissance mondiale ». Cette déclaration souligne la responsabilité de l’Amérique pour l’élimination de l’injustice à l’égard du peuple palestinien et pour l’extinction de l’incendie chronique qui a ravagé le Moyen-Orient. Les États-Unis doivent de toute urgence mener des consultations, compte tenu des événements tragiques survenus récemment dans la Bande de Gaza, pour trouver un mécanisme sérieux et garanti, car la grande majorité du monde estime désormais qu’un État palestinien est indispensable si l’on veut que le Moyen-Orient puisse reprendre haleine.

 

Viktor Mikhine, membre correspondant de l’Académie russe des sciences naturelles, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook »

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