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Réunion des ministres des Affaires étrangères de la Chine et de la République de Corée ; contexte politique et perspective du sommet « Chine-Japon-République de Corée»

Vladimir Terehov, mai 27

Cho Tae-yul, ministre des Affaires étrangères de la République de Corée

Les 13 et 14 mai dernier, Cho Tae-yul, ministre des Affaires étrangères de la République de Corée a effectué une visite officielle dans la République populaire de Chine (la première depuis six ans). L’événement principal de ce voyage a été ses négociations avec son homologue chinois Van I. Le ministre sud-coréen a également rencontré des représentants des milieux d’affaires chinois et des hommes d’affaires sud-coréens opérant dans la RPC.

L’événement faisant partie de cette visite mérite l’attention, ne serait-ce que parce qu’il est l’un des rares exemples qui (difficilement, mais tout de même) pourraient être qualifiés de positifs dans le flux de la négativité entourant les processus politiques non seulement dans la Région indopacifique mais aussi dans le monde entier. Une nouvelle démonstration en est le flou des formulations dans le commentaire officiel de cette visite concernant le sujet longuement discuté de la tenue du Sommet « RPC-Japon-RC ». Le sommet précédent a eu lieu en décembre 2019, il y a donc longtemps.

Qu’est-ce qui entrave l’intégration Chine-Japon-Corée du Sud ?

 

Cependant ce sujet a constitué le contenu principal de la réunion à Busan en Corée du Sud des chefs des MAE des trois pays mentionnés, qui avait eu lieu six mois plus tôt. Et il y a un mois ou deux seulement, la date (fin mai) du Sommet attendu était plus ou moins certaine. Mais, selon le même commentaire, lors des négociations tenues à Beijing, un accord n’a été conclu que sur la tenue (également « fin mai ») d’un certain forum d’affaires trilatéral à Séoul. En ce qui concerne le Sommet, on ne parle que de la volonté de la République de Corée de lui accorder les services d’un organisateur.

Notons que le fait même de la formation progressive (depuis la fin des années 1990) de la plateforme « RPC-Japon-RC » s’inscrivait dans l’ambiance généralement positive des années 2000 (et de la première moitié des années 2010) concernant les perspectives de développement du puzzle politique mondial, dont l’accent avait déjà commencé à se déplacer vers la Région indopacifique. Cependant, depuis la fin de la dernière décennie, des processus tellement négatifs se sont manifestés qu’aujourd’hui, ces sentiments ressemblent à « un rêve, un brouillard matinal ». Notamment, la représentation de la RPC au Sommet de 2019 par le Premier ministre de l’époque, et non par le leader chinois Xi Jinping, semblait déjà inquiétante.

Au cours des six derniers mois seulement, depuis la réunion susmentionnée de Busan, un certain nombre d’événements se sont produits dans la région qui ont contribué à aggraver encore la situation dans la RIP en général, dans la mer de Chine Méridionale en particulier, ainsi qu’à la tension persistante autour de Taiwan.

Contre qui se forme l’alliance trilatérale de Washington, Tokyo et Manille ?

 

Signalons principalement la tenue en avril dernier à Washington, tout d’abord du sommet « États-Unis – Japon », qui a ensuite également acquis un format trilatéral, mais en joignant à ses participants non pas la République de Corée, mais les Philippines. Et si le résultat du sommet américano-japonais a poursuivi une politique vieille de plus d’un demi-siècle (c’est-à-dire tout à fait « habituelle ») de renforcement global de cette alliance bilatérale, l’inclusion de fait des Philippines est l’innovation la plus remarquable dans l’évolution de la situation régionale.

Cette tendance, assez significative en soi, s’est également confirmée dans d’autres innovations, à savoir celles du scénario des exercices militaires annuels américano-philippins Balikatan, tenus du 22 avril au 10 mai en mer de Chine méridionale. Pour la première fois, leur géographie a dépassé les eaux territoriales des Philippines et le scénario prévoyait la simulation (également pour la première fois) d’opérations de débarquement offensif sur des îles dont la propriété fait l’objet de différends entre Manille et Beijing. La possibilité d’un débarquement (américano-philippin, soulignons-le) sur Taiwan a également été simulée. La liste des armes de la partie américaine impliquées dans ces exercices comprenait (également pour la première fois) des missiles à moyenne portée. En ce qui concerne la nécessité de leur « déploiement avancé » dans la Région indopacifique, les dirigeants des forces armées des États-Unis en parlent depuis longtemps.

L’émergence de toutes ces innovations alarmantes s’accompagne d’une propagande brandissant la « menace militaire chinoise croissante ». On entend par là principalement (mais pas seulement) un processus tout à fait naturel de la modernisation des forces armées de la deuxième puissance mondiale. Laquelle dépense d’ailleurs trois fois moins de fonds publics que la première puissance.

La réponse à ce cliché propagandiste consiste à condamner « l’expansionnisme américain » dans une région située à une distance entre 10 et 15 000 km des côtes des États-Unis. Mais en l’occurrence, il semble approprié de préciser que les puissances mondiales, dont la Chine actuelle, tendent à manifester leur présence partout dans le monde.

Dans le cas des exercices Balikatan, le fait que des unités des forces armées américaines soient arrivées aux Philippines à l’invitation du gouvernement de ce pays dirigé par le président Ferdinand Marcos Jr. depuis la mi-2022, revêt une importance non négligeable. Cependant, lors de son élection à ce poste, il n’a fait aucune allusion à l’actuelle orientation pro-américaine (et de plus en plus pro-japonaise) de la politique extérieure.

La position du Japon, qui participe, répétons-le, à la configuration tripartite avec la République de Corée et la République populaire de Chine, acquiert un caractère d’opposition, voire de confrontation, de plus en plus clairement exprimé par rapport à la RPC. Sur la scène mondiale en général, mais surtout dans la RIP, Tokyo agit principalement et jusqu’à présent en collaboration avec Washington. Ce qui a été de nouveau démontré par les sommets mentionnés ci-dessus. L’un des principaux sujets des négociations entre le président Joseph Biden et le Premier ministre Fumio Kishida a concerné les projets visant à améliorer la gestion des opérations conjointes des forces armées des États-Unis stationnées en l’océan Pacifique et des Forces d’autodéfense japonaises.

Il convient également de noter un message sur le départ imminent d’un groupe de navires de la marine de guerre et des gardes-frontières japonais vers les Îles Marshall. Cela fait inévitablement penser aux événements d’il y a 80 ans, lorsque la question de contrôle de l’océan Pacifique a acquis le caractère d’une lutte armée acharnée. Toutefois aujourd’hui les deux principaux ennemis de l’époque agissent, répétons-le, comme une seule équipe s’opposant à la Chine. Celle-ci manifeste également un intérêt accru pour les processus qui se déroulent ici.

Néanmoins, il est peu probable que les expressions vigoureuses, dont le « militarisme japonais » fait inévitablement partie, correspondent aux réalités actuelles. Etant donné notamment que le budget de la défense du Japon commence à peine à croître à partir d’un niveau de 1 % du PIB national maintenu pendant plusieurs décennies. Il reste, donc, l’un des plus bas au monde (en unités de mesure relatives, bien sûr). Bien qu’il existe une tendance émergente à la « militarisation » du Japon, ce qui cependant (et malheureusement) devient un phénomène presque universel.

La participation de la délégation japonaise de plus de trente parlementaires du Parti libéral-démocrate au pouvoir, déjà annoncée, promet d’être assez « bruyante » lors de l’investiture du nouveau président taïwanais William Lai, prévue pour le 20 mai. Le Parti libéral-démocrate s’est depuis longtemps et fermement « installé » sur l’île, mais une telle ampleur de manifestations ouvertement antichinoises n’a pas encore été observée.

Le « grand frère » du Japon contribue également à créer une frénésie à l’occasion de cette procédure, comme en témoigne notamment l’infox de l’agence Reuters (avec référence à une « source anonyme ») sur les exercices conjoints des marines de guerre des États-Unis et de Taïwan qui ont été menés en avril dernier. Cette fuite d’informations a suscité une réaction compréhensible en Chine.

Quant au troisième participant à la configuration tripartite discutée, à savoir la République de Corée, après l’échec aux récentes élections au parlement des forces politiques dirigées par l’actuel président Yoon Seok Yeol qui prône un déplacement de la ligne politique du pays vers les États-Unis et (surtout) le Japon, on peut s’attendre à une certaine reprise de la politique d’équilibre. Laquelle prendra en compte les intérêts et les préoccupations du principal partenaire commercial et économique et du grand voisin géopolitique en la personne de la RPC.

Apparemment, c’est ce qui a constitué le noyau des activités du chef du MAE de la RC Cho Tae-yul lors de sa visite à Beijing. Les résultats de ses négociations avec son homologue Wang Yi ont reçu une évaluation en RPC qui, répétons-le, peut être qualifiée de positivement modérée. Compte tenu d’un certain nombre de reproches qui ont été exprimées vis-à-vis de l’invité.

D’une manière générale, dans le contexte politique émergent dans la Région indopacifique et décrit dans cet article, la participation, en premier lieu, de la RPC au processus de reprise de la tenue de sommets avec la participation du Japon et de la Corée du Sud semblerait plutôt étrange. Sans parler de redémarrage du projet de création d’une Zone commune de libre-échange, qui a servi de l’une des principales raisons pour mettre en place cette plateforme trilatérale.

En particulier, la réponse donnée le 8 mai dernier par le secrétaire de presse du MAE du Japon à une question tout à fait précise sur les perspectives de tenue du Sommet évoquée ici, a semblé tout aussi vague que le texte du commentaire mentionné sur la visite du chef du MAE de la RC à Beijing.

Il semble qu’il soit nécessaire avant tout d’indiquer au moins une tendance visant à corriger tout ce qui précède et d’autres aspects négatifs qui se sont accumulés ces dernières années dans la Région indopacifique dans son ensemble, mais principalement dans les relations sino-japonaises. Et on ne peut pas dire que ces dernières soient dépourvues du moindre signe positif. Il s’agit notamment d’une nouvelle concernant un prochain voyage au Japon d’un groupe d’« officiers supérieurs » de l’Armée populaire de libération de la Chine.

Mais l’auteur rattache toujours ses espoirs d’un changement radical dans les relations entre les deux principaux pays d’Asie de l’Est, à la perspective de l’échec électoral du Parti libéral-démocrate qui détient le pouvoir au Japon depuis de nombreuses années. Cela pourrait bien arriver lors des prochaines élections parlementaires dans ce pays.

 

Vladimir TEREKHOV, expert sur les problèmes de la région Asie-Pacifique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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