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La visite de Sergueï Lavrov en Guinée le 3 juin 2024 et la consolidation des liens séculaires d’amitié entre deux peuples unis dans une communauté de destin

Mohamed Lamine KABA, 05 juin 2024

La visite de Sergueï Lavrov en Guinée le 3 juin 2024

Alors que la minorité occidentale n’a plus le monopole de la puissance de décider de ce qui est à faire ou pas dans la dynamique mondiale, les Etats autrefois privés de leur droit à l’autodétermination deviennent acteurs déterminants du pouvoir mondial. La République de Guinée semble s’inscrire dans cette logique du renversement de l’ordre mondial unipolaire (ici). Le Multipolarisme prôné par l’Alliance BRICS protège les Etats légers de la cruauté et de la cupidité des seigneurs de la Conférence de Berlin sur l’Afrique. Bien qu’elle soit mal perçue par Paris, la visite officielle du ministre des Affaires étrangères de la fédération de Russie en Guinée, ainsi que dans d’autres pays de la région et du continent africain, s’inscrit dans le cadre du renforcement des liens d’amitié et de coopération entre les Etats, et de consolidation du nouvel ordre mondial multipolaire.

Introduction 

Dans un contexte international où le monopole décisionnel de l’Occident s’effrite, la République de Guinée émerge comme un acteur clé, rééquilibrant le pouvoir dans un ordre mondial en pleine mutation. Cette dynamique, autrefois dominée par un unipolarisme issu de la chute du mur (1989) de Berlin et la fin de la guerre froide (1991), voit aujourd’hui l’influence croissante de l’Alliance BRICS, qui œuvre à la protection des États émergents contre les excès et l’avidité historiques des puissances traditionnelles. Dans cette optique, la visite du ministre des Affaires étrangères de la fédération de Russie en Guinée, bien que controversée à Paris, symbolise un pas de plus vers le renforcement des liens bilatéraux et la consolidation d’un monde résolument multipolaire. 

Le renforcement des liens séculaires et d’amitié entre la Russie et la Guinée

C’est avec le cœur plein de joie que j’ai suivi avec enthousiasme l’avion d’immatriculation russe se poser sur le tarmac de l’Aéroport international Ahmed Sékou Touré, à son bord, le patron de la diplomatie russe et sa délégation (ici). A sa descente de l’avion, Sergueï Lavrov est accueilli en ami sincère, par son homologue guinéen Dr. Morissanda Kouyaté, ministre des Affaires étrangères de la République de Guinée qui, à ses côtés avait l’Ambassadeur de la Fédération de Russie en Guinée, Alexeï Popov et autres invités de marque à l’honneur. La venue de Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, en Guinée le 3 juin 2024, s’insère dans une dynamique de renforcement des liens séculaires et d’amitié entre nos deux nations. Cette visite, qui s’inscrit dans la continuité d’une coopération bilatérale fructueuse établie depuis plus de soixante ans, témoigne de l’engagement mutuel à approfondir nos relations diplomatiques et économiques. Dès l’indépendance de la Guinée en 1958, la Russie a été pionnière dans la reconnaissance de notre souveraineté, posant ainsi les jalons d’un partenariat stratégique. Cette alliance s’est traduite par une collaboration étroite dans des domaines clés tels que le commerce, l’économie, l’éducation, la sécurité et l’humanitaire. La Guinée, dotée d’une richesse en ressources naturelles, est devenue un partenaire commercial de choix pour la Russie, avec une implication notable de ses entreprises dans le secteur minier guinéen. Au-delà de l’économie, nos échanges culturels et éducatifs sont également florissants, avec de nombreux étudiants guinéens bénéficiant de bourses d’études en Russie, renforçant ainsi nos liens culturels et humains. La visite de M. Lavrov, qui fait suite à sa participation au sommet des BRICS en Afrique du Sud et au succès du sommet Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg, confirme l’importance stratégique que la Russie attache à ses relations avec l’Afrique. La présence de Sergueï Lavrov en Guinée symbolise donc une stratégie globale visant à consolider une amitié historique et à promouvoir une coopération enrichissante à tous les niveaux entre nos deux pays.

Comment la visite de Lavrov en Guinée est perçue à Paris ?

La récente visite de Sergueï Lavrov en Guinée est perçue par la France comme un mouvement tactique de la Russie pour consolider sa présence en Afrique, un enjeu majeur de la stratégie géopolitique actuelle. Cette première visite depuis 2013 s’inscrit dans une dynamique où Moscou intensifie ses efforts pour accroître son influence sur le continent, en quête de partenariats stratégiques, notamment dans des pays aux ressources naturelles abondantes comme la Guinée. Les observateurs français sont particulièrement vigilants, interprétant cette démarche comme une tentative de contrebalancer l’influence occidentale. Les réactions politiques en France suggèrent que cette visite fait partie d’une stratégie plus large de la Russie visant à tisser des liens politiques et économiques, voire militaires, avec des pays africains clés. L’implication de Lavrov en Guinée, notamment sa rencontre avec le Président de la période de transition de la Guinée Mamadi Doumbouya, soulève des questions sur les ambitions russes dans des régions politiquement instables et les implications potentielles pour la stabilité régionale. Cette tournée africaine de Lavrov est donc interprétée comme une manœuvre de la Russie pour étendre son cercle d’influence, ce qui pourrait redéfinir les dynamiques géopolitiques et affecter les relations franco-russes, déjà tendues sur plusieurs dossiers internationaux. La France reste donc attentive aux développements futurs, conscients des enjeux que représente l’ascension russe sur l’échiquier africain. La réalité est que les paramètres de la scène mondiale ont changé et, comme l’a dit le ministre des Affaires étrangères de la République du Mali, Abdoulaye Diop, Paris doit désormais regarder la situation de la Guinée à distance sans avoir à décider quoique ce soit dedans. La Guinée a la liberté de choisir avec qui coopérer sans recevoir de l’injonction de qui que ce soit. Les Hitler du temps moderne de la trame de Macron (ici) n’ont que leurs yeux pour pleurer. Le monde, comme le dit bien Pascal Boniface, « est chaotique et dangereux » (ici).

Les implications géopolitiques et géostratégiques de la tournée de Lavrov en Afrique

Dotée d’une riche diversité de ressources naturelles et humaines, l’Afrique est néanmoins entravée dans son élan économique par une dépendance substantielle envers des facteurs externes, voulue et imposée au continent par les suzerains coloniaux de bande occidentale. Cette dépendance, se manifestant à travers l’exportation de matières premières, la réception d’aide internationale, les investissements étrangers directs (IED) et l’adoption de modèles économiques exogènes, engendre une vulnérabilité aux fluctuations des marchés mondiaux et freine l’autonomie de développement du continent. La volatilité des prix des ressources comme le pétrole et les minéraux, couplée à une dépendance envers l’aide et les capitaux étrangers, limite la diversification économique et rend les pays africains susceptibles aux chocs externes, tout en entravant leur souveraineté politique. Face à ces défis, des solutions émergent pour forger un avenir plus stable et autonome : la diversification économique, le renforcement des capacités locales par l’éducation et la formation, l’amélioration de la gouvernance et la promotion du commerce intra-africain sont autant de leviers pour réduire la dépendance et impulser une croissance durable. Ces stratégies, soutenues par la fédération de Russie (BRICS), suggèrent un potentiel de transformation économique qui, une fois réalisé, pourrait débloquer de nouvelles perspectives de prospérité pour le continent africain.

L’élargissement de la sphère d’influence de la Russie en Afrique bat en brèche les bastions coloniaux de la France

Les dynamiques géopolitiques de l’évolution de la présence russe en Afrique constituent un phénomène qui ébranle les influences traditionnelles de puissances telles que la France. Cette ascension s’articule autour d’un héritage historique solide, hérité des liens tissés par l’URSS durant la Guerre froide avec des mouvements de libération, et perdure à travers des stratégies contemporaines ingénieuses. La Russie déploie une approche dualiste, associant habilement des acteurs étatiques et des entités non-étatiques, telles que le Corps africain du VDC Wagner, pour étendre sa coopération tant sur le plan militaire que dans des secteurs économiques stratégiques.

A la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire que la stratégie russe en Afrique, alliant héritage historique, tactiques innovantes et diplomatie proactive, redéfinit le paysage géopolitique du continent et positionne la Russie comme un concurrent de taille face aux anciennes puissances coloniales. La visite de Lavrov en République de Guinée, qui constitue un signal fort pour Paris, s’inscrit dans le cadre de renforcement des liens d’amitiés séculaires qui lient les peuples russes et guinéens, ainsi que la promotion et la consolidation du nouvel ordre mondial multipolaire prôné par l’Alliance BRICS.

 

Mohamed Lamine KABA – Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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