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La « déclaration de Bakou » et l’Asie centrale

Boris Kushhov, avril 08

La « déclaration de Bakou » et l'Asie centrale

Le 15 mars 2024, les ministres des affaires étrangères de la Turquie, de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan se sont rencontrés à Bakou. Le principal résultat des négociations trilatérales a été la signature de la « Déclaration de Bakou », dans laquelle les parties ont défini les principales orientations du développement de la coopération.

La réunion s’est tenue en marge du XIe Forum mondial de Bakou « Restaurer un monde fracturé », auquel ont participé des délégations de plus de 70 pays.

La déclaration accorde une attention particulière à la promotion globale du « corridor médian », une voie de transit multimodale continentale conçue pour relier les plus grandes économies du continent, l’UE et la Chine, en passant par les États d’Asie centrale et de Transcaucasie, ainsi que par la mer Caspienne. Les parties ont convenu d’accélérer le rythme de mise en œuvre de cette initiative.

Pour mieux comprendre le sens de la « déclaration », il semble nécessaire d’identifier le facteur centrasiatique dans la signature de cet accord ainsi que le partenariat en matière de transport et d’infrastructure entre la Turquie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan dans son ensemble. À ce propos, il convient de noter le succès de la visite à Bakou du président du Kazakhstan Tokaïev, qui s’est achevée deux jours avant la signature du document susmentionné. Les parties ont conclu un certain nombre d’accords importants pour l’interaction bilatérale dans le domaine des transports, à savoir l’accord sur la reconnaissance mutuelle des diplômes professionnels des membres d’équipage des navires, l’accord sur le partenariat stratégique entre Samruk-Kazyna JSC et Azerbaijan Investment Holding, ainsi que l’accord sur l’augmentation progressive du volume de transit du pétrole kazakh par le territoire de la République d’Azerbaïdjan.

Cette réunion a été précédée par l’ouverture d’un terminal de transport kazakh à Xi’an, en Chine, début mars 2024, ainsi que par des négociations entre le Kazakhstan et la RPC fin 2023, au cours desquelles les parties sont parvenues à un accord mutuel sur le développement des voies de transport transfrontalières. Il convient également de mentionner le forum Global Gateway, qui qui s’est tenu à Bruxelles à la toute fin de l’année 2023, au cours duquel l’UE a exprimé son intérêt pour le développement du potentiel de transit du Kazakhstan.

Il est évident que le développement de projets de transport et d’infrastructure en Asie centrale (en particulier les autoroutes est-ouest) a un impact direct sur la promotion d’initiatives similaires par l’Azerbaïdjan, la Turquie et la Géorgie. Toutefois, ce schéma fonctionne également dans le sens inverse. C’est pour ces raisons que le développement des contacts entre Bakou et Astana semble être une garantie importante du succès des efforts décrits dans la « Déclaration de Bakou ».

Dans le même temps, il ne semble pas opportun de combiner le projet trilatéral avec une initiative spécifique en Asie centrale : Le Kazakhstan et l’Ouzbékistan promeuvent activement des projets avec la Chine qui demeurent similaires dans leur fonction et partiellement alternatifs l’un à l’autre. Par conséquent, si l’un de ces pays est invité au « corridor du milieu » d’Ankara, Bakou et Tbilissi, le second (surtout si le choix est fait en faveur du Kazakhstan) sera contraint de se tourner vers un projet alternatif au « corridor du milieu » lui-même et notamment vers la création d’un « corridor du sud ». Ses progrès ne sont actuellement pas aussi dynamiques : ses participants potentiels, à savoir l’Iran et le Turkménistan, sont beaucoup moins activement impliqués dans les négociations sur le transit que le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et l’Azerbaïdjan. Cependant, il conserve son potentiel. De plus, à « l’autre bout » des projets liés à l’Ouzbékistan, il y a aussi des succès notables : par exemple, la Chine, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan discutent activement des détails de la mise en œuvre d’une autoroute de transit trilatérale.

C’est pourquoi les pays d’Asie centrale ne participent pas actuellement aux négociations trilatérales, mais les acteurs négocient avec eux dans le cadre de consultations bilatérales, Bakou jouant de plus en plus le rôle de trait d’union. Il convient de noter que cette situation est observée alors que le Kazakhstan dispose d’un avantage évident sur l’Ouzbékistan dans l’établissement de relations de partenariat avec l’Azerbaïdjan.

Par conséquent, nous nous trouvons dans une situation où l’initiative trilatérale se développe de jure séparément des projets d’Asie centrale, mais où elle est de facto étroitement liée à ces derniers. C’est pour cette raison que l’étude des processus politiques et économiques en Transcaucasie exige de plus en plus que les chercheurs prêtent attention aux processus similaires en Asie centrale.

 

Boris Kushkhov, département de la Corée et de la Mongolie de l’institut d’études orientales de l’Académie des sciences de Russie, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook »

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