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Les clivages Est/Ouest et la naissance du Multipolarisme

Mohamed Lamine KABA, 25 mars 2024

Les clivages Est/Ouest et la naissance du Multipolarisme

Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est une galaxie vielles des millénaires. Il porte en son sein les insignes des mutations multiples et diverses qui font l’histoire de l’humanité et des relations internationales, une histoire caractérisée par la « lutte des classes », pour reprendre la thèse de Karl Marx. Ainsi, tout comme « nul n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres » disait Diderot, la domination de l’Occident sur le reste du monde n’est pas un fait divin irrévocable. C’est exactement ce que l’élargissement de la sphère d’influence de l’Alliance BRICS (guidée par la fédération de Russie) invite à comprendre dans la dynamique de la scène mondiale. L’on a comme l’impression que le schéma de Francis Fukuyama sur « la fin de l’Histoire » semble se schématiser au sens non désiré des nostalgiques de l’unipolarisme et même à la grande surprise de l’Occident qui a classé cet ouvrage dans le lot des best-sellers, pendant des décennies de gloire de la manipulation occidentale. Alors que le « Léviathan » de Hobbes évoque l’instinct de survie comme moteur de l’histoire des crises sociétales, « le choc des civilisations » de Samuel P. Huntington nous enseigne mieux sur les fondements historiques des clivages Est/Ouest. Et, comme sur la planète-terre, nous sommes obligés de cohabiter malgré tout, il convient d’apprécier les ruptures et les continuités, les innovations et les résistances de ces clivages pour cerner la tendance actuelle des relations internationales.

Cet article se propose d’examiner les tensions qui s’exacerbent et le clivage Est/Ouest qui s’impose autour des deux pôles de puissance (Russie et États-Unis), autour desquels les relations internationales s’organisent (I), pour justement, cerner les fondements du multipolarisme du monde (II).

I. Les tensions et le clivage Est/Ouest autour des deux pôles de puissance

Parler du fonctionnement de la scène mondiale, revient à s’intéresser, à comprendre et à interpréter les tensions qui s’exacerbent dans les rapports entre Etats (A) et le clivage Est/Ouest autour de l’équilibre de la puissance dans la dynamique des relations internationales (B).

A. L’exacerbation des tensions entre Russie et Etats-Unis

L’auto-proclamation des Etats-Unis comme gendarme du monde (depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide) a engendré un ensemble lié de catastrophes humanitaire, alimentaire et sécuritaire à travers le monde, réduisant ainsi au néant, les efforts de pacification des relations internationales. Pour s’en convaincre, il suffit de lire une page de l’histoire de leurs interventions militaires en Iraq, en Afghanistan, Libye et maintenant par procuration en Ukraine et en Palestine. La liste des pays détruits par les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN est si longue que nous laissons le soin aux lecteurs de la parcourir. La fédération de Russie de l’Alliance BRICS, riche de ses valeurs ancestrales humanistes et respectueuse du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, s’est toujours constituée en pôle de contestation cet ordre Etasunien et ce, malgré les tentatives de déstabilisation orchestrées par l’Occident collectif. La Perestroïka (avril 1985-décembre 1991) et la Glasnost (1986) sous Mikhaïl Gorbatchev, illustrent bien cette approche d’analyse. D’où les rivalités entre les Etats-Unis et la Russie qui posent donc la question de l’équilibre de la puissance sur la scène mondiale.

B. Le clivage Est/Ouest autour de l’équilibre de la puissance dans la dynamique des relations internationales

L’équilibre de la puissance, autrement dit, entre les Etats-Unis de l’OTAN et la fédération de Russie de l’Alliance BRICS, qui décide de quoi dans la dynamique de la scène internationale. Alors qu’ils constituent chacun une puissance nucléaire, les Etats-Unis et la Russie dont l’affrontement direct dans une guerre ouverte est assimilable une apocalypse (fin du monde), se livrent la guerre par procuration ou par alliés interposés (Syrie, Ukraine, etc.) depuis le début des clivages. L’émergence de nouveaux pôles dans le rang des pays autrefois classés dans le Sud global change donne de la configuration historique de la scène mondiale. D’où la transitologie vers le Multipolarisme qui signifie que dans l’ère où nous entrons, l’Occident ne sera plus le centre de gravitation du monde, autrement dit, le lieu de réceptacle de toutes les valeurs culturelle et civilisationnelle du monde. Le monde est désormais multipolaire et rien marchera plus comme avant. Car, les nouveaux maîtres du monde sont autres qu’occidentaux. Occidentaux qui n’ont semé que peur et désolation dans le reste du monde et qu’ils appelleraient « démocratie », au nom de laquelle aucune frontière et barrière ne peut leur empêcher de s’immiscer dans les affaires intérieures des Etats qui ne font pas partie de la géographie occidentale. La fédération de Russie de l’Alliance BRICS porte la voix des contestateurs de cet ordre injuste et déshumanisant.

II. Les fondements du nouvel ordre mondial multipolaire

Alors que le monde est en mutation sempiternelle et comme nul ne peut empêcher l’humanité de transiter, il est essentiel de s’intéresser aux facteurs de cette mutation qui, d’ailleurs fondent le nouvel ordre mondial multipolaire. Il s’agit bien des inégalités dans la gestion des affaires internationales (A) et les tentatives d’instrumentalisation et d’occidentalisation des institutions internationales (B).

A. Les inégalités dans la gestion des affaires internationales

Comme évoque le titre, la gestion des affaires internationales semblent arrimée aux humeurs des Etats-Unis depuis la constitution des macrocosmes géostratégiques. Malgré les actions subversives de l’OTAN, le bloc de l’Est n’entend jamais baisser la garde depuis le début de l’équilibre de la terreur d’avec le bloc de l’Ouest. Les inégalités étant les caractéristiques fondamentales des rapports qui lient l’Occident au reste du monde, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique Latine ont toujours payé et continuent de payer le lourd tribut des attitudes illogiques de l’Occident collectif., excepté les nouvelles puissances qui émergent de ces coins du monde : l’Afrique du Sud pour l’Afrique, la Chine pour l’Asie et le Brésil pour l’Amérique Latine. Toutes de l’Alliance BRICS, ces nouveaux pôles de puissance font véritablement peur aux Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN. L’annale politique de l’histoire des relations internationales enseigne mieux sur le fait que les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine ont été de force dépossédés et continuent d’être de déposséder de leurs propres ressources par les firmes multinationales occidentales. L’exemple de la République Démocratique du Congo (qui subit la malédiction des ressources naturelles) illustre mieux cette thèse. L’équilibre social et la justice sociale sur la scène mondiale vacillent sous l’effet de l’orgueil occidental. Les valeurs cultures et civilisationnelles des peuples sont reléguées des primates faute ne pas se plier à la démocratie à géométrie variable.

B. L’occidentalisation des institutions internationales

Depuis des décennies d’hostilité et de positionnement géostratégique entre les puissances qui se disputent le leadership de la gouvernance mondiale, celles de l’Occident se sont inscrites dans la logique de la manipulation des institutions internationales qui, pourtant conçues et mises en œuvre pour réglementer et pacifier les relations internationales. C’est dans cette perspective que les conventions de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et de 1964 sur les relations consulaires furent élaborées par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et ratifiées les nations qui siègent. Cependant, à la grande surprise, les peuples non occidentaux se sont rendus compte que les organisations onusiennes s’éloignent de plus en plus des idéaux de leurs fondateurs pour se mettre au service de l’Occident. D’où la naissance et la montée en puissances des pôles de contestation à la dimension de l’Alliance BRICS sans ignorer d’autres l’alliance de taille telles que, l’ASEAN et le MERCOSUR. L’Alliance des Etats du Sahel (AES) en Afrique de l’Ouest est noyau central de la constitution du pôle de contestation de l’ordre mondial unipolaire. La perte d’influence la France et l’élargissement de la sphère d’influence de la fédération de Russie dans cette région de l’Afrique constitue un pas de géant dans la transition vers un monde juste et multipolaire. L’Alliance BRICS avec son puissant levier de la « Nouvelle de Banque de Développement » pourrait à coup sûr changer le cours de l’histoire des relations internationales et refonder la configuration géostratégique de la scène mondiale.

 

Mohamed Lamine KABA – Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, notamment pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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