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Les nouvelles réalités économiques d’un monde multipolaire

Mikhail Gamandiy-Egorov, janvier 17 2024

La domination de l’Occident dans les relations internationales touche à sa fin non seulement sur le plan géopolitique, mais également sur le plan géoéconomique. Malgré les déclarations bruyantes des élites occidentales et les tentatives visant par tous les moyens à ralentir ce processus, tout indique que la part de la minorité occidentale dans les relations économiques internationales poursuivra le chemin à la baisse.

Ce qui a été observé au cours des dernières années, bien que ce processus ait commencé avant, c’est qu’en principe tout se déroule non pas seulement selon le scénario des partisans de l’ordre mondial multipolaire contemporain, mais plus généralement parlant dans le cadre de la logique ordinaire. À savoir que la part des régimes occidentaux dans l’économie mondiale perd du poids face au développement actif des pays ne faisant pas partie de l’espace occidental, en d’autres termes – la majorité mondiale.

Désormais, moins de la moitié des dix premières puissances économiques du monde en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat (PIB-PPA) est représentée par des Etats occidentaux. De plus, si les Etats-Unis occupent la deuxième place dans ce classement derrière la Chine et conserveront fort probablement pendant un certain temps encore l’un des rôles de premier plan dans l’économie mondiale, et que l’Allemagne, en tant que principale force économique de l’UE conserve encore la sixième place (derrière la Russie), dans les cas de la France et du Royaume-Uni tout semble moins agréable. Occupant respectivement les neuvième et dixième positions du classement, des pays comme la Turquie ou encore le Mexique les talonnent déjà sérieusement.

Cela signifie qu’à moyen terme, la part de l’Occident dans ce Top 10 mondial ne fera que diminuer. Et dans lequel seuls les Etats-Unis et l’Allemagne sont encore appelés à rester. Bien sûr, il est possible d’y ajouter le Japon (actuellement la 4ème puissance économique mondiale en termes de PIB-PPA, légèrement devant la Russie), qui, bien que n’étant pas un pays occidental d’un point de vue civilisationnel, fait toujours partie du club autrefois élitiste du G7. Et d’une manière générale, Tokyo appartient évidemment pour le moment au camp occidental des nostalgiques de l’ère unipolaire.

En parlant justement du G7, faut-il rappeler qu’à l’issue de l’année 2022, les pays des BRICS, sur la base des cinq premiers Etats membres (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), ont collectivement dépassé le fameux club des sept en termes de PIB combiné, de même que le fait que depuis 2020 les BRICS soient en avance sur le G7 en termes de contribution à la croissance économique mondiale ? Cela en tenant compte que selon les analystes, y compris occidentaux, cette tendance ne fera que s’intensifier, y compris au cours des prochaines années. Et sans parler du fait que les BRICS comptent désormais, à partir de cette nouvelle année 2024, non pas cinq, mais bien dix Etats membres, parmi lesquels se trouvent les principaux poids lourds mondiaux dans de nombreux domaines, notamment et particulièrement l’énergie.

Encore une fois, cela sans prendre en compte le fait que les BRICS vont très certainement continuer à s’élargir, à la grande différence du G7. Et non pas en raison que l’Occident ne le souhaiterait pas, surtout dans la conjoncture actuelle. Au contraire, la minorité occidentale comprend désormais et plus que jamais que le club pseudo-privilégié des régimes occidentaux + Japon est définitivement une option perdante. Mais le fait est qu’aucun pays souverain sérieux, quel que soit d’ailleurs son poids dans l’économie mondiale, n’est aujourd’hui intéressé par une interaction active avec le G7, contrairement à celle possible avec les BRICS.

Et outre les BRICS, il y a aussi l’OCS. Qui a peut-être une part légèrement inférieure dans l’économie mondiale que celle des BRICS, mais qui représente néanmoins ¼ de ce même PIB mondial aujourd’hui (un chiffre plus de 13 fois supérieur à celui de 2001, lors de la création de l’OCS). Par ailleurs, les deux structures internationales sont appelées à se compléter mutuellement, en qualité de véritables représentants de la majorité mondiale et de la communauté internationale. Cela sans oublier qu’au-delà de leur puissance économique, les BRICS et l’OCS sont également des géants territoriaux et démographiques. Ensemble avec les Etats du Sud global – la majorité mondiale indiscutable.

Ce n’est pas tout. Parmi les 20 économies mondiales qui devraient, selon les prévisions, afficher les taux de croissance les plus élevés en 2024 – 12 sont des Etats africains. Oui, c’est aussi l’autre réalité du monde contemporain. Et maintenant, tout le monde devrait certainement comprendre pourquoi les régimes occidentaux ne souhaitent si désespérément pas perdre leur domination en Afrique, qui n’a que trop duré et qui aujourd’hui, non sans l’aide de la Chine et de la Russie, touche à sa fin.

Quoi qu’il en soit, les éléments indiqués ci-dessus suivent simplement la simple logique. À savoir qu’une minorité planétaire ne peut pas dominer la majorité de l’humanité. Par conséquent, lorsque certains experts considèrent les processus mondiaux actuels comme quelque chose d’extraordinaire, il est particulièrement important de leur rappeler cette loi ordinaire de la logique. Non, ce ne sont pas les partisans de l’ordre mondial multipolaire contemporain qui détruisent un pseudo-ordre « basé sur des règles », mais simplement la majorité mondiale qui apporte cette simple vérité, dans laquelle une minorité ne peut en aucun cas dicter quoi que ce soit à la majorité.

 

Mikhail Gamandiy-Egorov, entrepreneur, observateur politique, expert en Afrique et au Moyen-Orient, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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