17.11.2023 Auteur: Vladimir Mashin

Les États-Unis perdent du terrain dans le monde arabe

La presse arabe est pleine de critiques à propos de la politique américaine au Moyen-Orient.

Tandis que la bataille terrestre se déroule entre Israël et le Hamas, notait le journal Al-Ahram le 7 novembre, la responsabilité de la gestion du conflit revient à Washington : jusqu’à maintenant, les efforts de l’administration Biden ont été en décalage avec le moment présent et constituent une menace sérieuse pour la position mondiale des États-Unis et la fortune politique du président Biden.

La presse saoudienne note que l’issue finale de la guerre de Gaza pourrait amener les relations avec Washington à un point critique : aucun pays arabe ne peut risquer d’abandonner la cause palestinienne.

Selon le journal Le Monde, l’engagement de la Maison Blanche en faveur d’Israël a pour effet de l’isoler et de créer un décalage par rapport à l’opinion arabe et à une grande partie de l’électorat démocrate américain.

Progressivement, l’administration Biden commence à réaliser que le caractère intransigeant d’Israël joue en sa défaveur : alors que de plus en plus de Palestiniens meurent, les États-Unis brûlent davantage de capital politique au niveau mondial.

Lorsque le secrétaire d’État américain Blinken s’est rendu au Moyen-Orient il y a quelques jours, il a reçu un accueil glacial. À Amman, son collègue jordanien A. Safadi conseille à Blinken d' »arrêter la folie ». Le langage qu’il a pu entendre en privé dans toute la région était encore plus dur. Sa rencontre avec le dirigeant palestinien M. Abbas a duré moins d’une heure et s’est conclue sans déclaration commune. Le président turc Erdogan n’a même pas pris la peine de le rencontrer.

Lors de la rencontre de M. Blinken avec M. Abbas à Ramallah, le dirigeant palestinien a déclaré que son administration pourrait retourner à Gaza après la guerre, mais que cela ne se ferait que « dans le cadre d’une solution politique globale ». En d’autres termes, comme une étape vers la solution à deux États que le Premier ministre Netanyahou a combattue tout au long de sa carrière politique. Le magazine anglais The Economist estime que s’il reste au pouvoir, on ne pourra pas parler sérieusement d’un dénouement à Gaza.

Cependant, les agences de presse rapportent que des négociations sont en cours au Qatar pour la libération de 10 à 15 otages en échange d’un cessez-le-feu d’un ou deux jours, sous la direction des chefs du Mossad et de la CIA et du premier ministre qatari.

De fait, un nombre croissant d’Américains plaident aujourd’hui pour que nous ne nous limitions pas à des pauses humanitaires, mais que nous cherchions à obtenir un arrêt inconditionnel des affrontements.

Tout cela intervient alors qu’Israël n’a pas cessé de bombarder les civils à Gaza, où, selon les Nations unies, près de 45 % de tous les bâtiments résidentiels ont été détruits ou endommagés. Si les combats se poursuivent, une ville comme Gaza deviendra inhabitable.

Les citoyens arabes ordinaires font de plus en plus pression sur leurs dirigeants pour qu’ils empêchent de nouveaux massacres de palestiniens. Des sentiments similaires se propagent dans de nombreux pays du monde islamique.

Le sommet de la Ligue arabe se tient à Riyad le 11 novembre et celui de l’Organisation de la coopération islamique le 12 novembre.

Il est évident que les manifestations anti-américaines dans le monde arabe vont s’intensifier à mesure qu’Israël poursuit ses bombardements sauvages sur la bande de Gaza. Des opinions similaires sont également exprimées dans l’Union européenne, la vice-première ministre belge Petra De Sutter ayant déclaré le 8 novembre que « le temps des sanctions contre Israël est venu. Les pluies de bombes sont inhumaines ». M. De Sutter a souligné que l’Union européenne devrait suspendre immédiatement l’accord d’association avec Israël, interdire les importations de produits provenant des territoires palestiniens occupés et ne pas permettre aux « colons brutaux, aux politiciens et aux soldats responsables de crimes de guerre » d’entrer dans l’UE.

La presse arabe considère que Washington n’a pas joué le rôle d’intermédiaire honnête dans le conflit israélo-arabe, que les États-Unis ont ignoré les avertissements de leurs alliés arabes selon lesquels la région est en ébullition et que le chaos éclatera si la question palestinienne n’est pas résolue de façon équitable. Et c’est exactement ce qui se passe en ce moment.

Le journal saoudien Arab News estime que le monopole des États-Unis sur le prétendu processus de paix doit cesser. Le fait qu’Israël ait commis de nombreux crimes de guerre dans la bande de Gaza ne peut être dissimulé. Après la guerre, il faut immédiatement organiser une conférence internationale sur la paix, dans laquelle la Russie, la Chine, la région arabe et le reste du Sud joueront un rôle clé. On ne peut pas faire confiance aux États-Unis pour présider seuls un nouveau cycle de négociations de paix qui, en fin de compte, donnera à Israël le temps d’achever son usurpation de ce qui reste de la terre palestinienne. Le droit à l’existence d’Israël a été inscrit dans les traités de paix et dans l’initiative de paix arabe. Mais il ne s’agit pas d’un chèque en blanc à encaisser aux dépens des millions de palestiniens qui ont droit à l’autodétermination et à un État qui leur soit réservé. La guerre à Gaza nous a conduits à l’heure de vérité : Israël veut éliminer la question palestinienne une fois pour toutes. Cela ne se produira pas.

 

Vladimir Mashine, candidat en histoire, commentateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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