25.09.2023 Auteur: Bakhtiar Urusov

La comédie que Tokyo met en scène chaque année

Peuple Aïnou

Le 14 septembre dernier, à Sapporo, chef-lieu de la préfecture japonaise de Hokkaido, avec le soutien du gouvernement japonais, s’est tenu un colloque international sur le développement du tourisme afin de préserver le patrimoine culturel des peuples autochtones et, en particulier, de la petite ethnie des Aïnous, les habitants indigènes des îles japonaises de Hokkaido et de Honshu. Ces aborigènes ayant des traits européens biens prononcés ont dû longtemps combattre les « Yamato Minzoku », ancêtres agressifs des Japonais contemporains, qui avaient autrefois quitté la péninsule Coréenne pour s’installer dans la partie sud de l’île de Honshu: dans la province de Yamato. Les aborigènes de race européenne ont été déclarés des « sous-hommes » et une politique de génocide a été menée contre eux. De nombreux représentants des Aïnous ont dû quitter leurs territoires ancestrales et s’installer dans les îles Kouriles ou à Sakhaline, qui n’avaient rien à voir avec l’État japonais. Ceux qui sont restés ont été finalement assimilés par les Japonais dans les années 1930. Ce n’est qu’après la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les îles Kouriles et le Sud de Sakhaline sont passés sous la juridiction de l’URSS puis de la Fédération de Russie, que les Aïnous vivant en Russie ont pu retourner sur leurs terres natives.

Limitons-nous à cette brève note historique concernant les Aïnous. Ce problème a été bien étudié par de nombreux japonistes. Partout en Asie du Nord-est et du Sud-est tout le monde est bien au courant de l’attitude des Japonais envers les peuples autochtones et les nations d’origine non japonaise. Il n’existe pratiquement aucun pays dans la région Asie-Pacifique qui, d’une manière ou d’une autre, n’ait souffert de la clique militaire japonaise.

Mais c’est sans doute le peuple Aïnou, victime d’un véritable ethnocide mené par les Japonais, que l’on peut vraiment considérer comme le peuple le plus touché. Des scientifiques de renom le reconnaissent.

Les autorités japonaises ont joué le rôle clé en mettant les Aïnous au bord de l’extermination, les privant de leurs propres terres, de leur culture et de leur mode de vie traditionnel. Les Aïnous ont même été privés de la possibilité de se nourrir de la manière traditionnelle : il leur était interdit de posséder leur propre équipement de pêche.

Cependant, la position officielle du gouvernement japonais est de passer sous silence les faits de persécution, d’asservissement et d’oppression des peuples autochtones dans le passé. Au lieu de résoudre les problèmes urgents des groupes ethniques, Tokyo tente de réduire le travail à la mise en œuvre de projets touristiques et culturels visant à accroître sa propre cote de popularité. Après avoir organisé le colloque international mentionné ci-dessus, des hommes politiques japonais hypocrites ont décidé de se souvenir des Aïnous qu’ils avaient pratiquement exterminés et qui, depuis toujours, avaient habité là où vivent aujourd’hui les Japonais, car les Japonais ont eu l’idée d’étayer leurs revendications territoriales contre la Russie avec des arguments pseudo-historiques. En stricte conformité avec ce plan, lors de l’événement hypocrite de Sapporo, la demande a été une fois de plus exprimée d’accorder aux Aïnous « l’autonomie culturelle ethnique » à Sakhaline et dans les îles Kouriles. Tokyo espère ainsi obtenir le soutien de la communauté Aïnou dans ses demandes illégales de révision des résultats de la Seconde Guerre mondiale.

C’est à ces fins que les autorités japonaises accordent tant d’attention aux peuples aborigènes, et pas du tout pour rétablir la justice historique et préserver les vestiges de leur culture ancienne, et encore moins pour verser une compensation aux peuples autochtones pour les atrocités barbares des Japonais commises pendant des siècles de colonisation.

Même aujourd’hui, l’ethnie Aïnou est confrontée à une discrimination flagrante. Le problème clé est toujours la nécessité de restituer aux Aïnous le droit de pratiquer les artisanats et les rites traditionnels. Mais à en juger par la rhétorique de Tokyo, les Japonais n’y pensent pas et continuent cyniquement à saupoudrer leurs crimes nombreux et sans délai de prescription avec la démagogie mensongère des bons bourreaux. Dans le même temps, Tokyo déclare ouvertement qu’ils entend faire de la protection des Aïnous la base de sa politique extérieure.

Dans ce contexte, les arguments du Japon relatifs à ses revendications concernant les îles Kouriles du Sud semblent particulièrement révoltants. Après avoir enlevé un jour les terres ancestrales des Aïnous et les avoir presque complètement exterminés, Tokyo joue chaque année la comédie de la préservation de la mémoire des ancêtres et des sentiments offensés des proches des citoyens japonais qui vivaient autrefois sur les îles. Après tout, si les Japonais se soucient vraiment des aborigènes, ils devraient abandonner Hokkaido au profit des Aïnous au lieu de rêver aux territoires qui appartiennent à juste titre à la Russie en conformité avec les résultats de la Seconde Guerre mondiale.

 

Bakhtiar Urusov, commentateur politique, spécialement pour le webzine « New Eastern Outlook ».

Articles Liés