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Le premier sommet de l’Alliance des Etats du Sahel du 6 juillet 2024 : enjeux géopolitiques et géostratégiques régionales et internationales

Mohamed Lamine KABA, juillet 16 2024

Le premier sommet de l’Alliance des Etats du Sahel

Depuis déjà quelques années, il se passe quelque chose de plus important sur l’échiquier politique de la région ouest-africaine. C’est la rupture des accords coloniaux déshumanisants et la montée en puissance de la désapprobation de l’impérialisme français dans la région, à la pointe, l’Alliance des Etats du Sahel (AES). En tant qu’expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, il est important pour nous de porter un regard minutieux sur la résolution du tout premier sommet le plus attendu de l’Alliance des États du Sahel (AES), tenu le 6 juillet 2024 à Niamey au Niger. Ce sommet historique, qui a réuni les dirigeants de transition du Mali, du Burkina Faso et du Niger, a pour ambition de concrétiser la Confédération des États du Sahel (CES), un projet de coopération régionale visant à renforcer l’autonomie et la résilience de ces nations.

La rupture avec la CEDEAO marque une nouvelle ère de souveraineté pour les trois nations, qui aspirent à une indépendance renforcée loin de l’influence des anciennes puissances coloniales. Les dirigeants de l’AES s’emploient donc à mutualiser leurs ressources dans des secteurs clés, tels que l’agriculture et la sécurité, pour faire face aux défis économiques et sécuritaires, notamment la menace djihadiste. Ce sommet est donc perçu comme un pas de géant vers la stabilisation de la région et la consolidation de leur souveraineté régionale. La création de l’AES le 16 septembre 2023 (ici) qui suscita un intérêt international croissant pourrait redéfinir les relations avec les puissances occidentales, tout en ouvrant la voie à de nouveaux partenariats stratégiques avec des acteurs mondiaux comme la Russie et la Chine de l’Alliance BRICS (ici). L’engagement des trois Etats dans ce processus témoigne de leur capacité à naviguer dans des contextes géopolitiques complexes et à contribuer à la redéfinition des alliances régionales et internationales. S’alignant ainsi aux objectifs de création de l’Alliance, l’impact de ce sommet sur la scène internationale n’est pas à sous-estimer. Il s’agit d’une démarche audacieuse visant à redéfinir les rapports de force et à ouvrir la voie à de nouveaux partenariats stratégiques, notamment avec des acteurs tels que la Russie et la Chine.

Contexte et objectifs du sommet de l’Alliance des Etats du Sahel

Longtemps attendu, le premier sommet de l’Alliance des États du Sahel (AES) s’est tenu à Niamey, la capitale du Niger, le 6 juillet 2024. Ce sommet a réuni les présidents de transition des trois pays membres de l’AES : le colonel Assimi Goïta du Mali, le capitaine Ibrahim Traoré du Burkina Faso, et le général Abdourahamane Tiani du Niger. L’objectif principal de ce sommet est de définir la forme juridique et l’opérationnalisation de la Confédération des États du Sahel. En février 2024, une réunion ministérielle à Ouagadougou (ici) avait déjà permis de réviser la Charte de l’Alliance (ici) et d’élaborer un traité portant sur la création d’une Confédération (ici) regroupant ces trois pays. Les experts avaient alors réfléchi à des sujets d’intérêt commun pour les peuples des trois États et formulé des propositions pour une architecture institutionnelle (ici) efficace pour l’AES.

Enjeux géopolitiques régionales du sommet de l’Alliance des Etats du Sahel 

Le 28 janvier 2024, les trois pays membres de l’AES ont conjointement annoncé leur départ (ici) de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qu’ils accusent d’être instrumentalisée par la France, leur ancienne puissance coloniale. Cette décision marque de facto une rupture significative avec le reste du bloc ouest-africain. Le général Abdourahamane Tiani a affirmé que les peuples des trois pays avaient « irrévocablement tourné le dos à la CEDEAO ». Cette rupture est également symbolisée par les sanctions économiques imposées par la CEDEAO après le coup d’État au Niger le 26 juillet 2023 (ici), qui ont été levées le 24 février 2024 (ici) mais ont laissé des relations tendues entre les deux entités. Les pays membres de l’AES actionnent donc ensemble pour mutualiser leurs moyens dans plusieurs secteurs stratégiques tels que la sécurité, l’agriculture, l’eau, l’énergie et les transports. Cette coopération vise à renforcer leur autonomie et leur résilience face aux défis économiques et sécuritaires persistants (ici).

Enjeux géostratégiques régionales et internationales du sommet de l’Alliance des Etats du Sahel

L’un des enjeux majeurs pour les pays membres de l’AES est la lutte contre les groupes djihadistes qui opèrent dans la région. Le 7 mars 2024 (ici), ils ont formé une force commune pour lutter contre ces menaces. La mutualisation des moyens militaires et sécuritaires est donc cruciale pour stabiliser cette région en proie à une violence endémique que nous avons bien documentée dans un article précédent (ici). Le sommet vise également à renforcer la souveraineté régionale en construisant une communauté éloignée de « la mainmise des puissances étrangères », notamment celle française. Cela reflète un désir croissant parmi ces trois nations de réduire leur dépendance vis-à-vis des anciennes puissances coloniales et autres acteurs internationaux influents, les Etats-Unis.

Enjeux géopolitiques régionales et internationales du sommet de l’Alliance des Etats du Sahel

La résolution du sommet (ici), portant sur la création de la confédération des pays de l’Alliance pourrait avoir plusieurs implications régionales et internationales. Les anciennes puissances coloniales comme la France pourraient percevoir cette initiative comme un défi direct à leur influence historique dans la région. La CEDEAO devra adapter sa stratégie face à cette nouvelle réalité géopolitique. Un sommet prévu à Abuja discutera probablement des rapports avec l’AES. L’AES pourrait chercher à établir ou renforcer ses partenariats avec d’autres acteurs internationaux comme la Russie ou la Chine de l’Alliance BRICS multipolaire (ici), qui ont montré un intérêt croissant pour l’Afrique.

A la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire que ce tout premier sommet de l’Alliance des États du Sahel du 6 juillet 2024 marque un tournant significatif dans les dynamiques régionales et internationales. En officialisant leur confédération, le Burkina Faso, le Mali et le Niger cherchent non seulement à renforcer leur coopération interne mais aussi à affirmer leur indépendance vis-à-vis d’influences extérieures perçues comme néfastes. Les enjeux géopolitiques et géostratégiques sont nombreux, allant de la lutte contre le terrorisme à la redéfinition des alliances régionales et internationales. Il (sommet) est donc le reflet de l’engagement des trois présidents de transition envers le renforcement de la coopération régionale et de la souveraineté des États, tout en étant à la pointe des enjeux géopolitiques et géostratégiques actuels. La rupture avec la CEDEAO, initiée par les pays membres de l’AES, marque un changement stratégique majeur qu’ils ont su anticiper et intégrer dans leur vision de coopération. De plus, la mutualisation des moyens militaires et sécuritaires contre la menace djihadiste démontre leur capacité à instaurer une stabilité régionale.

Dans un contexte mondial émaillé du retour de l’Etat militaire qui implique le retour de l’état de guerre sur la scène mondiale, le monde est si chaotique et si dangereux (ici). Le multipolarisme a un bel avenir.

 

Mohamed Lamine KABA – Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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