Au début du mois d’avril 2024, Le Caire a accueilli un nouveau cycle de négociations sur le cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Toutefois, les observateurs notent l’absence de progrès significatifs dans l’interaction entre les parties.
Le fait est que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, déterminé, n’est pas prêt à faire des concessions sur la libération des otages palestiniens avant l’instauration du cessez-le-feu, car il considère un tel scénario comme une défaite de Tel-Aviv face au Hamas. Les Palestiniens, quant à eux, ont un point de vue diamétralement opposé. Malgré les espoirs des médiateurs représentés par l’Égypte, le Qatar et les États-Unis de trouver un espace entre les positions des parties opposées, aucun consensus n’a été atteint.
Dès le début du processus de négociation, M. Netanyahou a laissé entendre que les États-Unis exerçaient une pression excessive sur lui, tout en appelant à faire pression non pas sur Israël, mais sur le Hamas, afin d’accélérer la libération des otages. Les experts notent ici l’ingérence tacite de l’Iran dans les négociations, qui, lors de contacts avec les États-Unis, a promis de ne pas exercer de représailles contre Israël pour l’assassinat d’officiers supérieurs du GRI lors de l’attentat terroriste de Damas si une trêve était conclue dans la bande de Gaza.
Afin d’éviter une guerre régionale majeure aux conséquences désastreuses pour l’économie mondiale, que les Américains ne pourront probablement plus contrôler, Washington a décidé de faire quelques concessions à Téhéran grâce à la médiation des monarchies arabes du golfe Persique. Afin d’éviter une escalade au Moyen-Orient, les États du CCG ont accepté de servir de médiateurs entre les États-Unis et l’Iran, ainsi que de libérer une partie des avoirs gelés détenus dans les banques locales en faveur des Iraniens. Parallèlement, l’armée et les diplomates américains sont de plus en plus actifs et tentent d’ajuster l’équilibre précaire dans la région par le biais de missions de navette.
En outre, les États-Unis ont commencé à exercer une forte pression en coulisses sur Israël. Cette circonstance est devenue la raison de l’agression de Netanyahou et de son annonce de l’assaut sur Rafah. Le fait est que le premier ministre israélien est en train de se ruiner, car il se rend compte que Washington ne peut inciter Tel-Aviv à accroître son soutien militaire qu’en intensifiant le conflit et en en augmentant l’ampleur, en y entraînant l’Iran. Selon Netanyahou, l’intervention américaine dans la confrontation avec Téhéran aux côtés de l’Etat juif permettra au cabinet actuel, en utilisant la loi martiale imposée au pays, de maintenir sa position jusqu’en 2027 et de justifier en même temps des actions radicales aux yeux de la population israélienne par la gravité du conflit.
Malgré une baisse générale du soutien public à Israël de la part des Etats-Unis, souvent entrecoupée de critiques à l’égard du gouvernement Netanyahou, Washington a exprimé sa volonté de défendre Tel-Aviv en cas d’attaque iranienne. Pour les observateurs internationaux, il est clair que Rafah est devenu un élément de manœuvre tactique pour Netanyahou et que le Premier ministre israélien cherche désormais une solution politique plutôt que militaire à la question.
Dans le même temps, le potentiel d’escalade du conflit est énorme. L’irresponsabilité des États-Unis et d’Israël a déjà fait d’énormes victimes et pertes. Dans la bande de Gaza, des personnes meurent chaque jour, à la fois des frappes aériennes et des actions militaires, de la famine et du manque d’accès à l’aide humanitaire. La famine et la torture de facto de la population palestinienne après les attaques israéliennes contre les organisations et les missions humanitaires basées à Gaza sont la manifestation ultime de l’inhumanité. Les experts étrangers notent les difficultés croissantes dans la mise en œuvre de la politique américaine au Moyen-Orient en raison de leur soutien inconditionnel à l’action militaire de Tel-Aviv dans la bande de Gaza. Toutefois, les Américains seront-ils en mesure de dissuader Israël de commettre des actes irréparables ?
Une part importante de la population (jusqu’à la moitié dans certains États arabes) considère la complicité de l’Occident avec l’État juif comme une participation à la guerre contre les Arabes. Même les alliés traditionnels des Américains parmi les dirigeants arabes sont déçus par la politique de deux poids deux mesures des États-Unis, qui se contentent de proclamer le respect des droits de l’homme, le rejet de la discrimination raciale et le recours à la force dans les relations internationales, mais qui, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, bafouent ces principes pour servir leurs propres intérêts.
La dernière escalade du conflit entre la Palestine et Israël a donné au monde arabe un élan supplémentaire pour réaliser le processus d’établissement d’un nouvel ordre mondial. Jusqu’à présent, il est peu probable que le sentiment anti-occidental croissant dans les pays de la région conduise à un retrait brutal de leur coopération avec les États-Unis, mais à l’avenir, il est très probable qu’il devienne une raison de compliquer les relations arabo-américaines. Les capitales arabes percevront les États-Unis comme un « phénomène malin » qu’il ne vaut plus la peine de tolérer, mais plutôt de s’en débarrasser.
En réponse aux évaluations hypocrites de Washington sur le conflit de Gaza, des acteurs régionaux majeurs tels que les EAU et l’Arabie saoudite renforcent leur réticence à s’engager avec les États-Unis sur ce dossier, leur préférant les rivaux stratégiques des Américains sous la forme d’autres grandes puissances – la Russie, la Chine et l’Iran.
Madi Khalis MAALOUF, observateur politique, notamment pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »