22.04.2024 Auteur: Mohamed Lamine KABA

La fin de l’Etat marchand et le retour de l’Etat militaire sur la scène mondiale

La fin de l’Etat marchand et le retour de l’Etat militaire sur la scène mondiale

La multiplication des escalades qui, depuis des décennies caractérise la gouvernance mondiale, suscite des interrogations quant à l’avenir l’humanité. Le monde connaît actuellement de multiples guerres majeures, notamment des conflits entre Israël et le Hamas, entre Israël et l’Iran, entre la Russie et l’Ukraine, au Burkina Faso, en Somalie, au Soudan, au Yémen, au Myanmar, au Nigeria et en Syrie. Ces conflits ont déjà fait de nombreuses victimes et ont déjà causé des destructions massives. En effet, l’augmentation des conflits armés et la multiplication des foyers de tension dans le monde soulèvent des inquiétudes quant à la résurgence de l’Etat militaire et au retour potentiel à l’état de guerre.

Dans une approche à la fois synchronique et diachronique, cet article se propose d’établir un aperçu des guerres actuelles dans le monde (1) en vue d’en déterminer les facteurs influençant leur visibilité (2), pour justement, appréhender le retour de l’Etat militaire qui implique le retour de l’état de guerre (3).

  1. Aperçu des guerres actuelles dans le monde

Au regard des développements récents dans la dynamique mondiale, nous pouvons, sans prétendre être exhaustif, établir le nombre de grandes guerres en cours dans le monde depuis 2023 autour de douze (12). Ces conflits comprennent la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza1, entre Israël et l’Iran2, les opérations militaires spéciales de la fédération de Russie en l’Ukraine3, ainsi que d’importants conflits armés au Burkina Faso4, au Mali5, au Niger6, en Somalie7, au Soudan8, au Yémen9, au Myanmar10, au Nigeria11 et en Syrie12. Ce qui indique que le nombre de conflits dans le monde est en augmentation exponentielle, avec une augmentation substantielle des décès liés aux combats depuis le début des années 2000.

  1. Facteurs influençant la visibilité des guerres

La visibilité des guerres et des conflits sur la scène mondiale est influencée par divers facteurs. Certains conflits attirent davantage l’attention en raison de leur potentiel de propagation et d’implication d’autres pays, en particulier ceux qui ont des capacités nucléaires. Le bombardement de l’Israël par l’Iran le 13 avril 2024, en réponse aux raids israéliens sur le consulat iranien à Damas en Syrie est illustratif. La proximité des grands centres urbains, les restrictions imposées aux journalistes et aux ONG, la disponibilité d’une couverture médiatique sur les plateformes sociales et la familiarité culturelle jouent également un rôle dans la détermination des conflits qui attirent l’attention internationale. D’où la ramification régionale, continentale et mondiale des conflits avec une proportion inquiétante.

  1. Retour de l’Etat militaire et de l’état de guerre

Le concept d’« Etat militaire » ou de « forces étatiques armées » fait référence à un Etat organisé pour la guerre, doté d’une industrie militaire, de personnel et de doctrines axées sur le conflit. L’idée que l’ère des Etats militaires était terminée reposait sur des transformations telles que le passage à la puissance commerciale après la chute du mur de Berlin en 1989 et l’illusion de la fin la guerre froide en 1991. Cependant, les récents développements géopolitiques et géostratégiques suggèrent une résurgence des Etats à vocation militaire et un retour à l’état de guerre.

A la lumière de l’escalade des tensions entre les grandes puissances comme la Russie, qui adoptent de nouvelles politiques étrangères et considèrent l’Occident comme une menace existentielle et approfondissent les relations russo-chinoises au sein d’alliances plus larges comme les BRICS, des questions se posent sur la nature des changements en cours dans la gouvernance mondiale. L’expansion des coalitions et des alliances, les révisions des doctrines de défense, l’augmentation des budgets de défense, les exercices militaires, les confrontations indirectes par le biais de sanctions économiques et de guerres par procuration ou par alliés interposés, sont autant d’éléments qui pointent vers un changement fondamental dans les relations internationales vers des rivalités violentes potentielles.

Pour clore, nous pouvons déduire que le paysage géopolitique actuel suscite des inquiétudes quant à savoir si nous nous dirigeons vers des affrontements violents entre rivaux. La question posée du retour des Etats militaires et de l’état de guerre nécessite d’examiner le concept d’Etat militaire par rapport aux conditions de guerre, tout en envisageant les perspectives d’avenir de la dynamique des conflits. Le multipolarisme prôné par la fédération de Russie et l’alliance BRICS propose les conditions du retour à l’Etat marchand et la fin du brigandage de la minorité occidentale sur la scène mondiale.

 

Mohamed Lamine KABA – Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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