Selon le service statistique du Kazakhstan, le trafic ferroviaire entre le Kazakhstan et la Chine a atteint 23 millions de tonnes dès 2022 et a connu une croissance record de 22 % l’année dernière.
Ce volume de trafic de marchandises, qui a clairement tendance à augmenter, exige des autorités du Kazakhstan qu’elles investissent massivement dans le développement de nouvelles lignes ferroviaires capables d’assurer à la fois la croissance du chiffre d’affaires du fret et la livraison la plus efficace et la plus rapide des marchandises à travers le pays. Cette tâche semble particulièrement urgente dans le contexte des projets de corridors Asie-Europe dans d’autres pays, qui se sont intensifiés en 2022-2023 et qui pourraient réduire l’importance du Kazakhstan dans le transport continental. Il s’agit de plusieurs projets en Mongolie (corridors central, occidental et oriental), au Kirghizstan (ligne principale Chine-Kirghizstan-Ouzbékistan) et au Tadjikistan (projet de corridor multimodal Chine-Tadjikistan-Ouzbékistan-Turkménistan), qui sont en mesure de concurrencer, à un degré variable, les routes kazakhes. Par ailleurs, les autorités kazakhes doivent garder à l’esprit l’instruction donnée par le président russe Vladimir Poutine au gouvernement d’étudier les perspectives de création d’un corridor ferroviaire vers la Chine via la Mongolie.
C’est dans ces conditions que le monde a appris la décision des autorités kazakhes de construire une nouvelle ligne de chemin de fer contournant la plus grande ville de la république et son ancienne capitale, Almaty.
La nouvelle ligne ferroviaire Zhetygen – Kazybek bek, qui contourne l’agglomération d’Almaty et passe entre la périphérie nord d’Almaty et le réservoir de Kapshagai, devrait devenir un tronçon de la ligne ferroviaire principale d’importance continentale, qui reliera les points de passage à la frontière entre la Chine et le Kazakhstan (comme le font déjà les lignes existantes, Altynkol-Khorgos, qui connaît un développement dynamique, ainsi que les projets de nouveaux passages, qui en sont à différents stades de mise en œuvre, à savoir Bakhty-Chuguchak et Kalzhat) avec la Transcaucasie et l’Europe.
La construction du chemin de fer a été annoncée par les autorités de la république dès 2022, et lancée le 14 novembre 2023. Il est indiqué que la composante technique et financière nationale du projet est dominante : la part du contenu local dans les travaux sera d’au moins 85 %, et la principale source de financement est le budget de la République. La longueur de la nouvelle ligne ferroviaire est de 130 kilomètres. Le coût des travaux est estimé à 212 millions de dollars États-Unis (96 milliards de tenges).
L’ancienne ligne principale desservant les passages frontaliers existants était non seulement incapable de faire face au flux croissant de fret, mais présentait également une configuration très inefficace pour l’itinéraire est-ouest : venant de la frontière entre le Kazakhstan et la Chine, elle « descendait » de Zhetygen brusquement vers le sud jusqu’au centre d’Almaty pour ensuite traverser la ville en direction de l’ouest. La seconde branche part de Zhetygen strictement vers le nord, ne pouvant servir au transit eurasiatique que dans la configuration « Chine-Kazakhstan-Russie-Europe ». Cependant, elle ne pourrait pas non plus constituer une alternative efficace à l’itinéraire à partir de l’autre point de passage ferroviaire à la frontière entre le Kazakhstan et la RPC, Dostyk-Alashankou, qui est plus au nord et donc plus proche des principales lignes de chemin de fer chinoises et de la Fédération de Russie. La création d’une nouvelle ligne Zhetygen – Kazybek bek permettra d’accélérer le passage des trains traversant la région d’Almaty de 24 à 48 heures.
Au début de l’année 2024, de nouveaux détails directement liés à ce projet ont été annoncés : ainsi, par décret du Président de la République en date du 9 janvier 2024, la localité de Zhetygen, qui deviendra le principal centre de transport de toute la région d’Almaty après l’achèvement des travaux de cette ligne ferroviaire, devient désormais une ville « d’importance régionale » et s’appelle Alatau (en l’honneur de la « montagne colorée » du même nom). Cette décision a certainement été prise pour développer l’infrastructure soutenant le nouveau chemin de fer – après tout, une partie importante des entreprises et des installations desservant le chemin de fer restent à Almaty – sur le tronçon qui ne sera plus utilisé dans le cadre du transit eurasiatique. Peu après ce décret, des plans ont été publiés concernant des projets de développement de la nouvelle ville qui prévoyaient sa participation à la nouvelle zone économique libre.
Ainsi, le chemin de fer Zhetygen – Kazybek bek, tout comme d’autres projets ferroviaires actuellement mis en œuvre par le Kazakhstan (Darbaza-Maktaaral, Bakhty-Ayagoz et Dostyk-Moyinty), ainsi qu’un projet prospectif visant à créer de nouveaux passages frontaliers ferroviaires avec la Chine (Bakhty-Chuguchak et Kalzhat) sont conçus pour améliorer de manière significative la compétitivité des itinéraires de transit eurasiens passant par le Kazakhstan. Et si Dostyk-Moyinty et Bakhty-Ayagoz ont pour but d’optimiser les corridors existants (Chine-Kazakhstan-Russie-Europe), les lignes ferroviaires telles que Darbaza-Maktaaral et surtout Zhetygen (Alatau) – Kazybek bek dont il est question dans cet article sont conçues pour offrir des itinéraires de configurations fondamentalement nouvelles : « Nord-Sud » (Russie-Kazakhstan-Ouzbékistan), ainsi que de nouvelles modifications de l’itinéraire « Ouest-Est » avec des liaisons Chine-Kazakhstan-Turkménistan, Chine-Kazakhstan-Ouzbékistan-Turkménistan et Chine-Kazakhstan-Azerbaïdjan.
Boris KUSHKHOV, département de Corée et de Mongolie, Institut d’études orientales de l’académie des sciences de Russie, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »