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Les perspectives d’adhésion du Nigeria aux BRICS

Mikhail Gamandiy-Egorov, mars 12

Les perspectives d’adhésion du Nigeria aux BRICS

Le Nigeria envisage la possibilité de rejoindre les BRICS – selon la déclaration du chef de la diplomatie nigériane. Quelles sont les perspectives de cette orientation pour l’une des principales forces du continent africain et pour les BRICS eux-mêmes, dans leur composition actualisée ? Si, d’une part, il existe un certain nombre de facteurs qui contribuent en faveur de la candidature du Nigeria, il convient de résoudre également au préalable un certain nombre d’autres points, ce qui rendrait alors cette candidature clairement positive pour l’organisation internationale multipolaire.

Il convient de noter que Yusuf Tuggar, le ministre des Affaires étrangères du Nigeria, a annoncé la volonté de son pays à postuler pour rejoindre l’alliance des BRICS lors de sa visite officielle en Russie. À l’heure où notre pays préside l’une des principales structures internationales de l’ordre mondial multipolaire, composée actuellement, outre la Fédération de Russie, d’autres grands et influents Etats à l’échelle mondiale, régionale et continentale – à savoir la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Iran, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.

Lors de sa récente visite, le chef de la diplomatie nigériane a souligné plusieurs points importants qui concernent à la fois les relations d’Abuja avec Moscou, ainsi que de la motivation de son pays à rejoindre les BRICS. Ainsi, Yusuf Tuggar a rappelé la coopération militaire et dans le domaine de la défense de longue date entre la Russie et le Nigeria. Il a également déclaré que son pays apprécie l’énorme soutien et la solidarité de la Fédération de Russie avec le gouvernement nigérian sous la direction du président Bola Ahmed Tinubu. Le ministre nigérian des Affaires étrangères a également réaffirmé l’engagement du Nigeria envers les relations diplomatiques et économiques avec la Russie, en insistant que l’Etat nigérian s’engage à renforcer les relations diplomatiques et bilatérales avec Moscou.

Tout comme en ce qui concerne l’importance que le Nigeria attache à ses relations avec la Fédération de Russie, réaffirmant que la Russie reste un allié et un partenaire stratégique important pour son pays, notamment dans la lutte contre le terrorisme. Dans le domaine justement de la coopération militaire et de défense, Yusuf Tuggar a salué le soutien et l’assistance du gouvernement russe dans le partage de renseignements, ce qui a contribué à la lutte contre le terrorisme et la rébellion au Nigeria. Il était également question de projets économiques conjoints dans lesquels, selon le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, la Russie entend renforcer sa présence. Cela inclut l’énergie nucléaire avec la participation de la Société nationale pour l’énergie atomique (Rosatom), ainsi que la facilitation de la poursuite du financement et de la mise en œuvre du projet Ajaokuta Steel Company Limited (grande aciérie située dans la ville d’Ajaokuta, dans l’État de Kogi, au centre-sud du Nigeria), de même que la relance de la compagnie d’aluminium AC Rusal dans le pays.

Maintenant et en ce qui concerne les BRICS et le format multilatéral. Ici et outre la volonté déjà évoquée du Nigeria à rejoindre l’une des principales organisations internationales promouvant l’ordre mondial multipolaire, selon Yusuf Tuggar le Nigeria n’abandonne pas non plus ses ambitions à devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Concernant spécifiquement les BRICS – quelles sont les chances et les perspectives pour le Nigeria à recevoir une invitation pour rejoindre l’alliance ?

À ce sujet – il y a un certain nombre de points importants à noter. D’une part, il existe nombre de facteurs qui plaident clairement en faveur de l’acceptation de la candidature nigériane au sein des BRICS. Le pays d’Afrique de l’Ouest est la première force démographique du continent africain, avec une population de plus de 220 millions d’habitants. Sur le plan économique, c’est la deuxième puissance d’Afrique (après l’Egypte) en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat (PIB-PPA), de même qu’en termes de PIB nominal. Le pays est également une puissance énergétique importante – faisant partie des vingt plus grands producteurs de pétrole et de gaz au monde. Quant à la puissance militaire, le Nigeria figure parmi les cinq principales forces africaines. De manière générale – le Nigeria est clairement l’une des principales puissances du continent africain.

Quant à l’intérêt existant pour l’alliance des BRICS – le Nigeria, si sa candidature serait retenue, deviendrait alors le quatrième pays africain membre de l’organisation (après l’Afrique du Sud, l’Egypte et l’Ethiopie). Ce qui renforcerait certainement encore davantage les relations déjà stratégiques entre les BRICS et l’Afrique. Tout comme le poids des BRICS eux-mêmes – qui compteraient parmi leurs membres les principales puissances du continent africain. Cela sans oublier le volet énergétique, où les pays BRICS occupent déjà ensemble une part plus qu’importante du marché énergétique mondial.

Ceci étant dit, la candidature nigériane comporte également plusieurs nuances qui nécessiteront certainement une approche équilibrée avant que la candidature ne soit approuvée. Outre la forte influence des intérêts occidentaux sur le pays – particulièrement anglo-saxons – le Nigeria avait adopté une position très ambiguë à l’égard des autorités des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), étant même à un certain moment partisan d’une intervention militaire directe contre le Niger voisin, dans le but de renverser les nouvelles autorités nationales et de réimposer l’ancien président du pays, un protégé de l’Occident, Mohamed Bazoum. Cet événement avait grandement nui à la réputation du Nigeria dans la région auprès de la majorité des citoyens des pays de l’AES, et de manière générale parmi les partisans des valeurs panafricaines et du monde multipolaire. Nombreux étaient également les citoyens du Nigeria lui-même n’ayant pas soutenu ladite démarche.

Pour autant, il est bien possible que les autorités nigérianes aient pu tirer depuis un certain nombre de conclusions justes quant à cette situation. Et si tel est effectivement le cas, la candidature du pays peut certainement être considérée comme celle d’un candidat très sérieux à la poursuite de l’expansion des BRICS, dans le cadre de l’ordre mondial multipolaire contemporain.

 

Mikhail Gamandiy-Egorov, entrepreneur, observateur politique, expert en Afrique et au Moyen-Orient, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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