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L’Alliance des Etats du Sahel sur la voie de l’indépendance économique

Mikhail Gamandiy-Egorov, 06 décembre 2023

Les événements qui se déroulent aujourd’hui sur le continent africain et en particulier dans nombre d’Etats de la région du Sahel vont ouvertement en opposition aux plans longtemps entretenus par les régimes occidentaux. Tant pour la région elle-même que pour le continent tout entier. Ces processus, y compris ceux qui concernent l’indépendance économique, créent un réel espoir pour les habitants des pays africains, mais appellent aussi naturellement à la vigilance des partisans d’une Afrique souveraine dans le cadre des actions déstabilisatrices qui émanent de forces nostalgiques d’un ordre mondial unipolaire centré sur l’Occident.

L’Alliance des Etats du Sahel (AES), composée actuellement du Mali, du Burkina Faso et du Niger, renforce aujourd’hui de plus en plus la ligne panafricaine, avec un accent clairement affiché en faveur de l’ordre mondial multipolaire. Désormais, y compris dans la presse occidentale, il est possible d’observer clairement une vive inquiétude quant au fait que l’AES n’est plus seulement une alliance dans le domaine militaro-sécuritaire de trois Etats africains, où l’Occident possédait des positions et des intérêts très forts dans un passé récent, mais aussi une alliance qui évolue activement vers une union politique, diplomatique et économique.

Pour référence – le Mali, le Burkina Faso et le Niger représentent ensemble près de 2,8 millions de kilomètres carrés de territoire (soit 5 fois la France métropolitaine), ainsi qu’une population totale d’environ 67 millions d’habitants. Le Mali et le Burkina Faso comptent parmi les plus grands producteurs d’or d’Afrique et se classent parmi les vingt premiers producteurs à l’échelle mondiale. Le Niger représente quant à lui l’une des principales sources mondiales d’uranium.

Et si aujourd’hui la majorité des citoyens de ces pays perçoivent avec un enthousiasme assumé l’alliance militaire commune, qui avec le soutien massif des populations de ces pays a contrecarré les récents projets d’intervention militaire des forces occidentales et pro-occidentales contre le Niger (suite à la destitution par les militaires de ce pays de l’ancien président clairement orienté sur l’Occident), les questions économiques et financières sont bien entendu également une priorité absolue pour ces Etats dans l’objectif de surmonter les obstacles créés par les régimes occidentaux et leurs agents sur le continent africain. Ainsi que dans celui de poursuivre avec succès les processus déjà entamés.

Evidemment, l’un des principaux obstacles pour la pleine indépendance économique du Mali, du Burkina Faso et du Niger, de même que de nombreux autres pays d’Afrique de l’Ouest et centrale, n’est autre que l’instrument financier clairement néocolonial appelé franc CFA, monnaie régionale contrôlée par l’Hexagone. Et qui constitue par la même occasion l’un des principaux piliers de la longue domination de Paris sur un certain nombre de pays du continent.

Mais dans le cas des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel, la sortie de ce cercle négatif commence à s’accélérer. L’Agence de presse africaine APA News, basée dans la capitale sénégalaise Dakar, avait à ce titre il y a quelques jours posé la question sans détour : « Sahel : le Mali, le Burkina et le Niger vont-ils sortir du franc CFA ? ». Et ce n’est pas par hasard.

En effet, il y a de cela quelques jours, des experts financiers des trois pays s’étaient réunis dans la capitale du Mali, Bamako, et avaient souligné la nécessité à créer une union économique, ainsi que, et cela est très intéressant – une union monétaire. Outre un certain nombre d’autres mesures d’interaction commune dans les domaines du commerce, de l’amélioration des infrastructures et des mesures communes visant à garantir la sécurité alimentaire et énergétique, entre autres. Et comme le note APA News – pour plusieurs observateurs, le seul fait pour ces trois pays d’évoquer cette éventualité représente une menace réelle pour le système du franc CFA.

Ajoutons de notre part – d’autant plus, compte tenu de l’importance du Mali, du Burkina Faso et du Niger des points de vue de la superficie commune, du facteur démographique et de la présence de ressources naturelles importantes, et sans oublier bien évidemment le soutien massif à la ligne choisie par les trois Etats parmi les habitants d’autres pays de la région et du continent. De même que sans omettre le fait que les initiatives des trois pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel sont soutenues par les deux plus grandes puissances mondiales représentant l’ordre mondial multipolaire, à savoir la Russie et la Chine.

Pour autant, et comme le soulignent à juste titre de nombreux experts panafricains – les trois pays, de même que leurs alliés, se doivent d’être plus que jamais attentifs face à toute nouvelle tentative visant à contrecarrer les processus mentionnés, dans le cadre des méthodes occidentales traditionnelles et pas seulement. Nombreux sont également ceux qui se souviennent des conséquences quant aux projets de feu Mouammar Kadhafi qui visait à créer une monnaie africaine commune rattachée à l’or.

D’un autre côté, l’Occident est aujourd’hui plus limité que jamais dans ses actions, plus exactement en ce qui concerne l’obtention d’un résultat favorable pour lui-même dans le cadre de ses tentatives de déstabilisation – en raison de la présence de forces, y compris en Afrique, prêtes à résister activement à ces tentatives. A la fois en la qualité des autorités africaines souveraines et véritablement indépendantes, qui peuvent s’appuyer sur le soutien massif des citoyens de nombreux pays du continent, et de manière générale en tenant compte des processus en cours dans le cadre des changements globaux sur la scène mondiale.

 

Mikhail Gamandiy-Egorov, entrepreneur, observateur politique, expert en Afrique et au Moyen-Orient, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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