25.11.2023 Auteur: Mikhail Gamandiy-Egorov

L’enseignement et la transformation conjointe des matières premières comme domaines clés du partenariat Afrique-Russie

Aujourd’hui, les relations de la Russie avec les pays du continent africain sont plus que jamais d’actualité. Cette orientation deviendra encore plus notable dans les années à venir. Etant donné que les relations véritablement amicales russo-africaines continuent à se développer, comment faire en sorte que cette interaction ait une valeur ajoutée réellement puissante ?

Il existe un certain nombre de domaines et de secteurs dans lesquels les relations de la Russie avec l’Afrique ont des racines stratégiques et de longue date. Bien entendu l’un de ces domaines étant la coopération militaro-technique. Aujourd’hui plus que jamais, ce domaine prouve sa pertinence et son efficacité. Et désormais – aucun obstacle, menace ou pression de la part des régimes occidentaux ne peut stopper ce processus parfaitement naturel. Les succès récents et futurs de l’alliance militaire de la Fédération de Russie avec nombre de pays du continent ne feront que renforcer cette tendance.

Qu’en-est-il pour les autres domaines ? De manière générale dans le cadre des relations russo-africaines, le processus, comme cela se dit, est effectivement en cours. Le commerce continue de croître, mais jusqu’à présent le niveau des relations économiques et commerciales avec les pays du continent africain reste nettement inférieur à celui d’un certain nombre d’autres des principaux intervenants. D’un autre côté, il existe un réel potentiel de croissance future en cas de choix justes en termes de stratégies et d’orientations. L’objectif principal étant évidemment d’amener les performances bilatérales à un tout autre niveau.

Bien entendu, il est nécessaire de continuer à accroitre les exportations russes de biens et de services, y compris dans les secteurs traditionnellement forts – des céréales jusqu’aux engrais. Tout comme augmenter les exportations africaines vers la Russie. En parlant justement de céréales, la Russie possède dans ce secteur de nombreux avantages pour un certain nombre de raisons et il est possible aujourd’hui d’observer des tendances claires vers le renforcement des intérêts russes, qui sont de manière parfaitement attendue perçues avec très peu d’enthousiasme par les concurrents de la Russie. La France par exemple est aujourd’hui clairement mécontente du fait que la part des exportations russes de céréales continue à croître sur les marchés où Paris occupe traditionnellement des positions fortes, notamment au Maroc et en Algérie.

D’un autre côté, bien que cela déplait aux représentants des intérêts hexagonaux, au fond le déroulement des choses est assez évident. La France n’est que le quatrième exportateur mondial de céréales, avec une part d’un peu moins de 10% sur le marché international, tandis que la Russie est très clairement le principal acteur au monde du domaine, avec une part de pas moins d’1/5 du marché mondial. D’autant plus lorsque les fournisseurs russes sont, entre autres choses, en mesure d’offrir de meilleures conditions, y compris en termes de prix, que les concurrents français et autres occidentaux – dans la réalité contemporaine peu de pays refuseront cela, faisant passer leurs intérêts nationaux en priorité. Surtout dans un secteur aussi stratégique que le marché des céréales.

Mais quelle pourrait être la véritable valeur ajoutée pour la participation des intérêts russes dans des projets sur le continent africain ? Ici, il convient de considérer deux orientations : l’enseignement et la transformation conjointe des matières premières. Concernant la première position, en principe, la base est déjà établie. Un nombre important d’étudiants africains avait dans un cadre déjà traditionnel étudié, et continuent à le faire, en Fédération de Russie. Et ce dans divers domaines d’études, y compris ceux dans lesquels les pays occidentaux ne sont pas particulièrement intéressés à fournir des services éducatifs aux étrangers, voire pas du tout. A ce titre, il est beaucoup plus courant de retrouver en Afrique un grand nombre par exemple d’agronomes ayant fait leurs études en URSS et en Russie, plutôt que ceux ayant étudié ce domaine en Occident.

Cela est compréhensible : l’Occident a toujours eu besoin d’éléments d’influence en Afrique, et non pas de spécialistes qualifiés dans des domaines clés pour le continent. Ceci étant dit, de nombreux citoyens de pays africains formés dans l’espace occidental sont aujourd’hui également prêts à développer activement des relations commerciales avec la Chine et l’Inde – nombreux les développent déjà. Tout comme ils sont prêts à le faire avec la Russie. C’est un fait.

De manière générale, lorsque nous parlons de partenariat dans le domaine de l’enseignement entre la Russie et les Etats d’Afrique, il n’est pas nécessaire de le créer, puisqu’il existe déjà, uniquement de renforcer cette orientation. De sorte que le nombre de diplômés africains des universités russes continue d’augmenter. Aujourd’hui, il y a toutes les opportunités nécessaires à cet effet. Dans le cadre aussi bien de l’enseignement supérieur, que de la formation professionnelle et de diverses formations d’amélioration des qualifications – dans les domaines les plus importants et pertinents.

Quant à la transformation conjointe des matières premières et stratégiques, il est à penser que cette orientation doit précisément être développée. Et en ce sens, la Russie possède un atout unique. La plupart des pays africains sont riches en ressources naturelles, tandis que d’autres sont particulièrement intéressants pour leur situation géographique en qualité de hub, tant au niveau continental qu’international. La Russie, outre également la présence chez elle de ressources naturelles colossales, possède aussi les connaissances et technologies nécessaires à les traiter.

Et c’est ici que plusieurs orientations stratégiques s’ouvrent. Premièrement, aucun des partenaires dits « traditionnels » de l’Afrique, en premier lieu occidentaux, n’est prêt à promouvoir une telle orientation. Leur logique se résumant de manière suivante : « Nous avons besoins de vos ressources, et nous les transformerons chez nous en Occident ». Si la Russie proposera des solutions sur cette question, en multipliant ainsi la valeur ajoutée des produits traités et transformés – cela donnera une forte impulsion aux intérêts économiques russes, y compris même dans les pays où les positions occidentales restent fortes. Et renforcera encore davantage l’amitié historique du pays avec le continent, une amitié qui doit aller en parallèle des réalités modernes en matière de concurrence.

Deuxièmement, la mise en œuvre de cette orientation facilitera de nombreux processus à l’échelle locale des Etats concernés et renforcera considérablement l’attractivité des projets d’investissements russes. Troisièmement, et cela est particulièrement important, l’Afrique et la Russie, en qualité de terres extrêmement riches en ressources naturelles, dans le cadre de projets conjoints de transformation des matières premières dans les pays du continent, pourront par la même occasion ébranler davantage la domination des instruments financiers occidentaux. Après tout, il est absolument illogique que les nombreux centres de commercialisation de ressources clés et stratégiques soient situés en Occident – alors que l’Occident n’en est aucunement un quelconque propriétaire légal. Nombreux sont ceux qui en Afrique souhaitent s’éloigner de ce modèle longtemps imposé, et la Russie peut certainement y contribuer, tout en renforçant ses propres intérêts économiques et financiers.

Et bien sûr, l’autre avantage évident d’une telle approche sera le renforcement encore plus important des positions politiques et diplomatiques de la Russie sur le continent. Les relations russo-africaines traditionnellement amicales, la coopération réussie dans le domaine militaro-sécuritaire, l’interaction active dans les domaines politique, culturel, sportif et de la jeunesse, mais aussi bien évidemment des projets économiques conjoints à succès avec une réelle valeur ajoutée – représentent la clé du succès global de l’Afrique et de la Russie dans le cadre de l’ordre mondial multipolaire.

 

Mikhail Gamandiy-Egorov, entrepreneur, observateur politique, expert en Afrique et au Moyen-Orient, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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