28.10.2023 Auteur: Boris Kushhov

Président de la Mongolie en France : magnifique cérémonie et préparation de « l’affaire uranique » ?

Président de la Mongolie en France

Le 10 octobre, l’avion du président mongol Khurelsukh a atterri à l’aéroport de Paris. Le président a été accueilli au pied de l’avion par l’ambassadeur de la France en Mongolie, l’ambassadeur de la Mongolie en France et le ministre français de l’Énergie.

Le 11 octobre, une rencontre a eu lieu entre le président mongol et la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo. Parmi les sujets abordés lors de cette réunion figurent les enjeux les plus urgents pour la capitale de la Mongolie, Oulan-Bator : la maire de Paris a partagé son expérience en matière de la lutte contre la pollution de l’air, de la réduction des embouteillages, de l’urbanisme et du développement durable. La pertinence de ce sujet pour la Mongolie est soulignée par le récent changement des chefs de la mairie d’Oulan-Bator et du comité national de la lutte contre les embouteillages dans la capitale : ainsi, le nouveau chef de la ville a été nommé au lendemain de la réunion de Khurelsukh avec Hidalgo, le 12 octobre 2023, et le nouveau chef du comité national – le 5 octobre 2023.

Le 12 octobre, une cérémonie solennelle dédiée à l’arrivée du président mongol a eu lieu à l’Hôtel des Invalides. Y ont pris part le garde des Sceaux Eric Dupont et le général Christophe Abad, le gouverneur militaire de Paris. Malgré l’abondance de procédures cérémonielles, rappelant celles qui ont eu lieu lors de la réunion avec le président français il y a plusieurs mois, le vénérable homologue de M. Khurelsukh n’a pas été remarqué lors de cette réunion.

Lors de sa visite en France, M. Khurelsukh a participé au forum d’affaires franco-mongol. Dans son discours de bienvenue aux participants, le président a noté que plus de 80 % de tous les investissements français en Mongolie étaient concentrés exclusivement dans le secteur minier, il a partagé avec ses collègues français les succès de la Mongolie dans l’amélioration du climat d’investissement et la réduction des droits de douane, et en outre, mentionnant le programme national Années de visite en Mongolie, a invité les participants au forum à visiter la Mongolie.

Et le 12 octobre a eu lieu une rencontre des présidents des deux pays. La déclaration commune mentionne les domaines de coopération tels que l’industrie spatiale, l’énergie, l’exploitation minière, le développement durable, la coopération dans le domaine de l’éducation et la culture. Il a été annoncé que les parties coordonneraient leurs efforts pour mettre en œuvre des initiatives environnementales nationales. Dans le même temps, à la suite de la réunion des ministres des affaires étrangères, les parties sont convenues sur les plans pour atteindre le niveau de partenariat stratégique dans les relations bilatérales. En particulier, les chefs des ministères des affaires étrangères de Mongolie et de France ont signé le Programme de coopération bilatérale entre la Mongolie et la France. Il s’agit d’une sorte de feuille de route qui décrit en détails les événements et les projets des parties en matière de la coopération bilatérale pour 2023-2028, qui ont été généralement mentionnés dans la Déclaration commune signée à la suite de la visite d’Emmanuel Macron en Mongolie en mai 2023.

A la suite de la visite, un grand nombre de documents a également été signé concernant divers aspects de coopération entre les deux pays : il s’agit notamment de contrats sur le financement d’un projet de formation complémentaire de l’unité de sauvetage aérien de l’Agence principale pour les situations d’urgence, sur le financement des fournitures de camions de pompiers à l’Agence principale pour les situations d’urgence de Mongolie, un mémorandum sur la compréhension mutuelle entre le ministère des communications de Mongolie et le groupe français Thales Alenia Space, un accord de coopération dans le domaine des sciences géologiques et la technique, ainsi qu’une déclaration d’intention entre le Bureau des recherches géologiques et minières de la République Française, la Société générale de géophysique française et le Service géologique national de la Mongolie.

La visite a également été marquée par des transactions économiques majeures. Ainsi, le groupe aérospatial français Thales Alenia Space, mentionné ci-dessus, construira le premier satellite Chinggis-Sat pour la Mongolie, le mettra en orbite et formera les spécialistes nécessaires à sa maintenance pour 15 millions de dollars. Les collègues mongols ont également signé un protocole de groupe de travail avec la société minière française Orano pour explorer deux gisements d’uranium dans le sud-ouest de la Mongolie (gisements de Zovch-Ovoo et Dulaan-Uul). Le coût de mise en œuvre du projet prévu par le protocole atteint 1,6 milliard d’euros. Les parties devraient conclure un accord d’investissement final d’ici la fin de l’année. Les experts français suggèrent que si le projet est finalement mis en œuvre, l’uranium provenant des deux gisements mongols pourrait couvrir jusqu’à 4 % de l’ensemble du marché mondial de l’uranium. A l’aide de Zovch-Ovoo et Dulaan-Uul, la société française cherche à compenser la perte de ses positions dans l’un de ses pays les plus importants, le Niger, causée par l’aggravation de la situation politique qui y règne.

L’élément principal du programme culturel de la visite a été la visite du président de la Mongolie à l’exposition Gengis Khan : Comment les mongols ont changé le monde, qui se tient dans la ville française de Nantes. Cette exposition est le résultat de la coopération entre la France et les plus grands musées mongols, menés par le musée Gengis Khan récemment ouvert.

Aussi, dans le cadre de la visite de M. Khurelsukh en France, une exposition de l’artisanat national de la Mongolie a eu lieu, au cours de laquelle ont été présentés des produits fabriqués en Mongolie selon des recettes et des modèles traditionnels – des produits en cachemire, en cuir, des yourtes et des objets de décor.

Dans l’ensemble, une analyse détaillée de cette visite suggère que les progrès sur l’accord sur l’uranium entre la Mongolie et la France ont été la principale réussite du voyage de cinq jours du président mongol. Cependant, les partenaires de fraîche date ont encore beaucoup de travail à faire – le protocole préliminaire n’est qu’un démarche préalable car il ne résoudra probablement pas complètement les désaccords existants entre les parties. Si l’on considère cet accord comme une tentative d’Orano pour remplacer le Niger par la Mongolie, les contradictions éventuelles deviennent déjà plus ou moins évidentes : le coût de la création de nouvelles infrastructures et de transport de l’uranium depuis la Mongolie rendra l’uranium mongol plus cher pour la France que l’uranium africain. D’autant plus que malgré les travaux en cours en Mongolie pour améliorer le climat d’investissement dans le pays, dont le président Khurelsukh a parlé lors de la visite, la législation mongole et l’humeur de plus en plus protestataire de la population mongole envers les investisseurs étrangers dans le secteur minier ne permettront certainement pas de réaliser dans ce pays les mêmes super bénéfices que les Français ont obtenus en Afrique de l’Ouest au cours de plusieurs décennies de la « coopération fructueuse » avec les pays de la région.

 

Boris Kushkhov, département de la Corée et de la Mongolie de l’institut d’études orientales de l’Académie des sciences de Russie, spécialement pour le magazine en ligne  « New Eastern Outlook ».

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