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A propos des derniers événements au Pakistan

Vladimir Terehov, octobre 09

A propos des derniers événements au Pakistan

Les deux principaux pays de la sous-région de l’Asie du Sud, l’Inde et le Pakistan, continuent de s’approcher d’une étape importante de leur fonctionnement étatique, à savoir du prochain processus électoral général. Au Pakistan, on en a apparemment fixé les délais, soit la dernière semaine de janvier de l’année prochaine.

L’importance particulière de ces prochaines élections parlementaires est déterminée par plusieurs facteurs, parmi lesquels nous citerons en premier lieu la situation politique interne de plus en plus aggravée des deux pays, leur positionnement presque hostile l’un envers l’autre et la possession d’armes nucléaires.

Notons cependant la très rare présence de ce dernier facteur dans le discours public des deux pays (compte tenu de l’état extrêmement tendu des relations entre eux). C’est remarquable par rapport à la démagogie nécrophile permanente qui sévit dans d’autres pays appelant à « pilonner » avec des bombes atomiques. Quelqu’un ou quelque chose pour des raisons clairement biscornues.

Néanmoins, la présence de ces armes en Inde et au Pakistan, combinée à d’autres facteurs (y compris ceux mentionnés ci-dessus), ne peut que susciter une attention « externe » accrue envers le spectacle extrêmement important, mais à première vue purement interne, dans ces deux pays.

Quant au Pakistan, presque tous les aspects de la turbulence interne croissante y sont déterminés, nous le répétons, par le facteur de l’approche des élections générales. Car, à en juger par la rhétorique des fonctionnaires les plus éminents des groupes politiques d’opposition, les enjeux deviennent plus élevés que jamais dans l’histoire du pays des dernières décennies. Il est fort probable que le perdant sera déclaré « coupable de tout » par les gagnants et, surtout, de la situation financière et économique difficile.

Si le bloc au pouvoir depuis le printemps dernier, dirigé par le parti de la Ligue nationale musulmane (N) triomphe, alors son prédécesseur, le Mouvement pour la justice (dont le leader, l’ex-premier ministre Imran Khan, est en prison depuis début août) sera tenu responsable des graves conséquences de l’acceptation des conditions convenues par le FMI au cours de l’été dernier pour allouer 3 milliards de dollars au pays dans un délai de 9 mois. Cette somme suffira seulement à assurer le service de la dette publique et à « maintenir à flot » l’économie pendant la période mentionnée. Dès maintenant, les leaders de la LNM (N) parlent du caractère forcé de cette démarche, « puisque le gouvernement précédent a négligé la maladie, s’est engagé dans le populisme et n’a pas pris en temps opportun de mesures inévitablement difficiles et impopulaires dans le domaine des réformes économiques ».

Entre-temps, la première conséquence immédiate du respect de l’exigence invariable du FMI (« vivre selon ses moyens ») adressée au bénéficiaire de « l’aide » a été la suppression des subventions aux consommateurs d’électricité prévues dans le budget de l’État. Non seulement des personnes physiques, mais aussi de nombreuses entreprises n’ont pas été en mesure de payer les services des sociétés de fourniture d’électricité. En conséquence, ces dernières subissent d’énormes pertes. Les manifestations de masse des citoyens ont commencé par l’incinération publique des factures pour l’électricité utilisée.

Dans ces conditions, il est difficile de parler de perspectives de développement économique. Pour l’instant, le pays continue de vivre dans l’attente d’un afflux d’investissements étrangers provenant principalement de l’Arabie Saoudite et des EAU. Le FMI, en plus des promesses d’allouer la première tranche d’un montant de 1,2 milliard de dollars, a également donné un « conseil précieux » de compenser les coûts des consommateurs et des fournisseurs d’électricité en majorant les impôts des riches. Difficilement réalisable dans les conditions pakistanaises.

Pour les raisons évoquées ci-dessus, entre autre, en cas de victoire du MpJ (très hypothétique, cependant, compte tenu de la situation politique interne émergente), la LNM (N), actuellement au pouvoir, serait tenue « responsable de tout ». Autrement dit, le facteur de la « vendetta politique » qui détermine souvent le niveau de la lutte sans compromis entre les clans opposés du Pakistan actuel, a de fortes chances de fonctionner. On revaudrait sûrement aux dirigeants de la LNM (N) également la destitution du MpJ un an et demi plus tôt, ainsi que la persécution du premier ministre de l’époque, I. Khan.

C’est, selon l’auteur, essentiellement la raison pour laquelle tout est mis en œuvre (y compris dans le domaine de la législation de ces derniers mois) pour que ce dernier, qui bénéficie d’un soutien inconditionnel dans la province la plus peuplée du Pendjab (mais pas seulement), ne participe pas aux prochaines élections.

A cet égard, il convient de noter la remarque du premier ministre par intérim du pays, Anwar-ul-Haq Kakar, prononcée fin septembre à New York, où il est arrivé pour participer aux travaux de l’Assemblée Générale de l’ONU. Il a dit notamment qu’il ne verrait aucun défi à la légitimité du processus électoral à venir si I. Khan lui-même, ainsi que des centaines de fonctionnaires du MpJ actuellement en état d’arrestation, n’y participaient pas. Ces derniers sont accusés d’avoir organisé les émeutes antigouvernementales survenues le 9 mai (principalement dans la province du Pendjab). Alors que des « milliers » de membres ordinaires du MpJ, selon A. Kakar, pourront profiter du droit de participer aux prochaines élections.

D’ailleurs, l’ampleur des problèmes soulevés, ainsi que la radicalité des mesures proposées pour les résoudre, émanent d’un homme d’État qui, à partir du 14 septembre, c’est-à-dire après la dissolution du Parlement qui avait épuisé sa légitimité et la démission (pour cette raison) du gouvernement, s’est retrouvé à la tête du pays semblerait-il par hasard et pour une courte période (près de trois mois). L’ancien Premier ministre (« permanent ») Shahbaz Sharif ne s’est jamais permis une pareille chose. Le radicalisme des déclarations de M. Kakar concerne presque tous les aspects de l’activité de l’État, y compris la législation et le statut de l’armée, les transformations économiques et la politique extérieure.

Notamment, ses déclarations très élogieuses à l’égard des États-Unis, prononcées lors d’un discours au Conseil des affaires internationales, où il avait été invité lors de son séjour à New York, sont particulièrement remarquables. Elles contrastent fortement avec les déclarations adressées à Washington par I. Khan lors du mandat de Premier ministre de ce dernier. En ce qui concerne M. Sharif qui l’a remplacé, il a également exprimé son souhait d’améliorer les relations avec les États-Unis, mais il s’est montré plutôt prudent.

Cependant, le « pro-américanisme » public de M. Kakar (qui nie pourtant que le Pakistan puisse rejoindre un certain « bloc politique » et exprime son intention de continuer à entretenir des relations « à toute épreuve » avec la Chine) pourrait bien revêtir un caractère purement intéressé, lié au rôle que joue Washington dans les organisations financières internationales. C’est bien de ces dernières, répétons-le, qu’Islamabad attend désormais l’aide pour surmonter la crise financière.

En outre, un facteur important pourrait être la volonté de « ralentir » le développement accéléré des relations des États-Unis avec le principal opposant régional du Pakistan, à savoir l’Inde. Et il semblerait que Washington ait enfin réagi aux initiatives aguichantes qu’Islamabad avance depuis un an.

Ce qui est attesté par les voyages de certains représentants de la politique américaine dans la partie pakistanaise de l’ancien Cachemire (désignée en Inde par le terme Pakistan-occupied Kashmir, PoK), qui ont commencé l’automne dernier. Parmi eux, la députée d’origine somalienne Ilhan Omar et même l’ambassadeur américain au Pakistan Donald Blom. Lorsque la presse indienne a appris que ce dernier avait récemment effectué une autre tournée (« secrète ») d’une semaine en PoK, la maladresse commise dans les relations de Washington avec son partenaire (potentiellement l’un des plus importants) a dû être « réglée » par l’ambassadeur américain à New Delhi.

Pourtant, soulignons encore une fois que la principale intrigue des prochaines élections générales au Pakistan est déterminée par la situation intérieure extrêmement grave. Ces derniers mois, les dirigeants de la LNM (N), actuellement au pouvoir, lient la perspective de rester au pouvoir au retour imminent (annoncé pour le 21 octobre) au Pakistan de son fondateur Nawaz Sharif, c’est-à-dire du frère aîné du récent premier ministre Shahbaz. Nawaz (qui a occupé jadis ce poste à trois reprise) doit « revenir » de Londres, où il réside depuis 2017, officiellement pour des raisons de santé, mais en fait pour éviter des poursuites pour la corruption.

En été 2018, il est déjà « revenu » au pays (pour une période très courte, cependant) pour participer aux élections générales (parlementaires) qui se déroulaient à cette époque. Cependant l’armée toute-puissante a alors décidé que l’avenir du pays serait assuré par I. Khan. Nawaz s’est fait clairement expliquer (par un emprisonnement de deux semaines) qu’il serait de trop à ce « festival de la démocratie ». Après quoi, Sharif est reparti pour Londres « pour améliorer sa santé ».

Cependant, aujourd’hui, ses camarades du parti affirment qu’à l’âge de 74 ans, il s’est miraculeusement remis de tous ses maux et qu’il est « prêt à sortir le pays d’une situation catastrophique ». Toutefois, même certains représentants de la coalition du parti au pouvoir affirment qu’il serait quand même opportun que M. Sharif se rende d’abord dans les tribunaux, où certaines questions restent en suspens.

Le prochain « festival de la démocratie » au Pakistan s’annonce donc tout aussi haut en couleurs que le précédent.

 

Vladimir Terekhov, expert des problèmes de la région Asie-Pacifique, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook »

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