27.07.2023 Auteur: Alexandr Svaranc

«L’accord céréalier» est-il devenu une histoire de succès diplomatique ou une nouvelle étape est-elle attendue?…

Malheureusement, l’une des conséquences négatives des hostilités actives sont les restrictions objectives des relations commerciales extérieures des pays participant au conflit.  La zone de danger temporaire ne garantit pas la sécurité sur les voies de communication commerciale. La violation du régime commercial stable antérieur entraîne certains coûts dans la balance commerciale et conduit souvent à des crises humanitaires aiguës (par exemple, pour les pays dépendant de l’exportation d’un produit particulier). Certes, lorsqu’il s’agit de produits tels que les céréales (blé), le manque de volumes suffisants sur les marchés mondiaux constitue une grave menace pour la sécurité alimentaire de pays entiers.  Ce n’est pas un hasard si le proverbe russe dit : «Le pain est la tête de tout».

L’initiative en mer noire sur «l’accord céréalier» a été l’un des succès de la diplomatie turque.  Grâce à la mission de médiation d’Ankara, qui a maintenu son partenariat avec Moscou et Kiev, le 22 juillet 2022 à Istanbul, il a été possible de parvenir à un accord baptisé «initiative céréalière de la mer Noire ou accord céréalier» avec la participation de la Russie, de l’Ukraine, de la Turquie et de l’ONU, initialement signé pour 120 jours.  Cet accord prévoyait deux volets. Notamment :

la première partie impliquait la création d’un corridor maritime sûr dans la partie nord-ouest de la mer Noire pour l’exportation du blé ukrainien à partir de trois ports ukrainiens (Odessa, Tchernomorsk et Ioujny) sur des navires marchands étrangers à travers les détroits du Bosphore et des Dardanelles vers les marchés étrangers (principalement vers les pays d’Afrique et d’Asie, qui ont un besoin urgent de céréales);

la deuxième partie, garantie par les Nations unies, prévoyait l’exportation de blé russe et d’autres produits agricoles (en particulier les engrais) vers les marchés étrangers, vers les marchés étrangers, la connexion de la Banque agricole russe au système de paiement SWIFT, le déblocage des livraisons de machines agricoles et de pièces de rechange vers la Fédération de Russie, la reprise de l’exploitation du pipeline d’ammoniac Togliatti-Odessa et la levée des restrictions sur l’accès des navires russes aux ports étrangers.

Dans le cadre des accords conclus, un centre conjoint de coordination a été créé à Istanbul pour résoudre rapidement toutes les questions liées au fonctionnement de «l’accord céréalier».  Au cours de la dernière période, cet accord a été prolongé à trois reprises (en novembre 2022 pour 120 jours, en mars et mai 2023 pour 60 jours chacun).

La Russie s’est acquittée de toutes ses obligations de garantir la sécurité du corridor maritime humanitaire pour le transit du blé ukrainien, et la première partie de l’accord a été régulièrement mise en œuvre (tout en apportant des dividendes commerciaux considérables pour l’Ukraine, la Turquie et certains pays européens). Cependant, les intérêts de la Russie, reflétés dans le mémorandum avec l’ONU (c’est-à-dire sur la deuxième volet de l’accord global), n’ont jamais été satisfaits sur aucun des points. Une telle situation, ressemblant à un « jeu à sens unique », ne pouvait pas durer éternellement aux dépens et au détriment des intérêts de la Fédération de Russie, qui, en fait, représente le principal garant de la mise en œuvre de l’«accord céréalier».

En outre, le président russe V.V. Poutine a noté à maintes reprises que le bruit soulevé dans la presse occidentale sur l’approche d’une catastrophe alimentaire mondiale due à l’absence d’exportations de blé ukrainien vers les marchés mondiaux est quelque peu exagéré et ne correspond pas à la réalité. Le chef de l’État russe a notamment souligné à cet égard: «Le monde produit environ 800 millions de tonnes de céréales par an. L’Ukraine est prête à exporter 20 millions de tonnes, soit 2,5%. Si nous partons du fait que le blé ne représente que 20 % de l’approvisionnement alimentaire total dans le monde, cela signifie que ces 20 millions de tonnes de blé ukrainien ne représentent que 0,5%, donc un pourcentage quasi insignifiant».  Ceci étant dit, tout le bruit artificiel autour du blé ukrainien n’est qu’un autre bluff de l’Occident, qui ne représente en rien les conditions réelles du marché mondial.

De plus, le président russe V.V. Poutine, évaluant les résultats du transit de blé ukrainien dans le cadre de «l’initiative céréalière de la mer Noire» de la Turquie, a noté à juste titre que les livraisons préférentielles précédemment promises de ce produit aux pays particulièrement nécessiteux d’Afrique n’avaient pas eu lieu, puisque la majeure partie du blé a été achetée par les pays développés d’Europe, réapprovisionnant leurs greniers alimentaires.  À cet égard, le dirigeant russe a officiellement offert des fournitures gratuites de céréales russes dans le cadre d’une action humanitaire aux pays africains qui en ont particulièrement besoin.

En mai de cette année, lors de la prochaine (troisième) prolongation de «l’accord céréalier», la partie russe a averti les autres partenaires de l’accord d’Istanbul que si les intérêts de la Russie n’étaient pas satisfaits une fois de plus jusqu’au 17 Juillet, Moscou refuserait de prolonger ces accords. Le temps a passé, mais il n’y a eu aucun changement. Par conséquent, la Fédération de Russie a dû renoncer à participer à l’accord d’Istanbul, car la partie de l’accord céréalier concernant la Russie «n’a pas été remplie du tout» sur aucun point, tandis que l’exportation de produits alimentaires ukrainiens était assurée.

Malheureusement, le président turc R. Erdogan n’a jamais réussi à convaincre ses partenaires occidentaux de respecter les intérêts de la Russie, évidemment en raison de la position anti-russe pathologique de ce même Occident.  Maintenant, la Russie, selon le président V.V. Poutine et la déclaration du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, se déclare prête à envisager de revenir à «l’accord céréalier» uniquement si des résultats concrets sont obtenus, dans le respect de ses intérêts, et non des promesses et des assurances vides.  Si l’Occident, avec le secrétariat de l’ONU, chérit vraiment «l’initiative céréalière de la mer Noire», alors qui les empêche de lever leurs propres sanctions contre les aliments et les engrais russes?

Lors de la signature de «l’accord céréalier», la Russie comprenait naturellement qu’elle serait une fois de plus confrontée à une approche non constructive et catégorique de l’Occident à son égard.  Cependant, Moscou a évidemment accepté de signer cet accord, en tenant compte du fait qu’autrement, comme le note Piotr Akopov, l’Occident utiliserait la plate-forme onusienne pour accuser une fois de plus la Russie auprès de la communauté internationale de mener une politique internationale agressive et de créer artificiellement un problème humanitaire mondial pour les mêmes pays d’Asie et d’Afrique. En fait, l’Occident, mené par les États-Unis, a commencé à utiliser ce « thème du blé ukrainien » dans ses spéculations géopolitiques pour accuser la Russie de tous les péchés imaginables et inimaginables. C’est donc, dans ces conditions, que Moscou avait accepté la proposition d’Ankara et avait signé ce fameux «accord céréalier».  L’année dernière a clairement montré le vrai visage de la Russie et de l’Occident sur cette question.

L’autre raison importante de la signature de l’accord d’Istanbul, était naturellement le thème de la Turquie. Moscou a soutenu «l’initiative céréalière de la mer Noire» des partenaires turcs en raison des circonstances suivantes: la dynamique positive des relations russo-turques; le rôle de la Turquie dans le transit des marchandises russes vers les marchés étrangers et dans la garantie du « transit parallèle » des produits étrangers vers le marché russe ; les efforts de médiation du président Recep Tayyip Erdogan pour régler la crise russo-ukrainienne actuelle; tenant compte du vaste programme du partenariat russo-turc sur diverses voies diplomatiques (en particulier en Syrie, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale, dans le domaine de l’énergie et l’ouverture de nouvelles voies de transit).

En outre, en mai de cette année, la Russie a accepté la proposition de la Turquie de prolonger «l’accord céréalier» de 60 jours, en grande partie par respect pour la personne de R. Erdogan.  Ainsi, Moscou a effectivement soutenu Erdogan lors des élections présidentielles passées, qui d’ailleurs se sont avérées difficiles en termes de concurrence, dans l’espoir de maintenir et de développer un partenariat constructif entre nos deux pays.

Au cours de la période de validité de «l’accord céréalier» de juillet 2022 à juillet 2023, 32,9 millions de tonnes de marchandises ont été exportées des ports ukrainiens de la mer Noire, dont 51% (soit 16,9 millions de tonnes) de maïs, 27 % (soit 8,9 millions de tonnes) de blé, 6 % (soit 1,9 million de tonnes) de farine de tournesol, 5% (soit 1,7 million de tonnes) d’huile de tournesol et 11% provenaient des autres cargaisons (à savoir, l’orge, le soja, graines de colza et de tournesol). Le principal destinataire des marchandises a été la Chine (8 millions de tonnes), suivie de l’Espagne (6 millions de tonnes), de la Turquie (3,2 millions de tonnes), de l’Italie (2,1 millions de tonnes) et des Pays-Bas (2 millions de tonnes).

Le président turc R. Erdogan a qualifié «l’accord céréalier» de 2022 à 2023, qui, aujourd’hui, entre dans l’histoire, de succès diplomatique majeur.  Cependant, le dirigeant turc n’a pas précisé en même temps – pour qui cet accord a-t-il été un succès? Si nous prenons, par exemple, la Turquie elle-même, qui a reçu non seulement 3,2 millions de tonnes de nourriture ukrainienne, mais aussi des dividendes financiers considérables du transit de 32,9 millions de tonnes de marchandises par son détroit, alors bien évidemment Erdogan a raison de penser ainsi. L’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas ont également tiré profit de cet accord, tout comme l’Ukraine, qui va désormais perdre par mois en raison de la suspension du fameux «contrat céréalier» jusqu’à 800 millions de dollars américains. Cependant, jusqu’à présent, nous ne pouvons pas qualifier l’accord d’Istanbul de succès diplomatique majeur pour la partie russe, qui n’a pas encore obtenu satisfaction de ses intérêts économiques.

De plus, afin d’exclure toute possibilité de discuter de la question de la reprise de l’exploitation du pipeline d’ammoniac Togliatti-Odessa, la partie ukrainienne s’est livrée le 5 juin 2023 à un autre acte de sabotage terroriste et a fait sauter cet oléoduc.  Apparemment, le régime de Kiev est parti du principe «s’il y a un pipeline, il y a un problème, s’il n’y a pas de pipeline, il n’y a pas de problème».

Le retrait de la Russie de «l’initiative céréalière de la mer Noire» signifie la cessation du fonctionnement du corridor maritime humanitaire pour l’exportation de denrées alimentaires ukrainiennes vers les marchés étrangers, le rétablissement d’un régime temporaire de danger pour le transit des marchandises provenant des ports ukrainiens vers les eaux de la mer Noire en raison de  la poursuite de l’Opération spéciale militaire, et le démantèlement du Centre de coordination basé à Istanbul.   En d’autres termes, la Russie ne garantit plus la sécurité du passage des navires marchands à proximité de la zone de combat, dont l’arrêt dépend entièrement de l’approche constructive de Kiev.

Dans le même temps, le président Erdoğan une reprise de «l’accord céréalier» et la discussion de cette question avec le président V.V. Poutine.  À son tour, Moscou a officiellement défini les conditions de son retour à «l’accord céréalier», à savoir un retour est possible uniquement que si les intérêts de la Fédération de Russie sont respectés, c’est-à-dire le passage des promesses vides de l’ONU et des pays occidentaux à des actes concrets dans le cadre du deuxième volet de l’accord d’Istanbul.

L’Ukraine et les pays de l’UE ont commencé à discuter de nouvelles options alternatives pour poursuivre « l’accord céréalier » sans la participation de la Russie.  Les déclarations de certains experts sur l’utilisation des ports fluviaux du Danube pour le transport de céréales de l’Ukraine vers l’Ouest sont plutôt improbables, sont plutôt peu probables compte tenu des eaux peu profondes du fleuve et de l’impossibilité d’y faire passer des pétroliers de grande capacité. L’option du transit terrestre par rail et par route est également peu prometteuse en raison du coût élevé et de la différence d’écartement des voies ferrées en Ukraine et dans les pays de l’UE. Même si, les représentants du conseil de sécurité nationale des États-Unis, c’est-à-dire les principaux patrons de l’Ukraine, n’excluent pas non plus l’utilisation de la voie de transit terrestre en dépit de leur faible efficacité.  Dans le même temps, on fait valoir que, d’une manière ou d’une autre, le trafic de livraisons de cargaisons militaires et d’autres marchandises. s’est établi vers l’Ukraine depuis la Pologne.

Vladimir Zelensky, lors d’une réunion avec Recep Erdogan à Istanbul le 7 juillet dernier, a noté que si la Russie quittait l’accord sur les céréales, l’Ukraine comptait bien continuer à exporter ses produits agricoles à travers des corridors alternatifs. Et quelles pourraient être les alternatives dans le bassin de la mer Noire?  Personne (y compris Zelensky) ne peut changer la géographie. Kiev a envoyé à Ankara ses propositions concernant l’utilisation comme corridor maritime humanitaire des eaux territoriales des pays de la mer Noire de l’OTAN – Roumanie, Bulgarie et Turquie, sous réserve des garanties de sécurité internationales.  Et qui peut fournir ces garanties à l’Ukraine au moment où l’opération militaire spéciale des forces armées de la Fédération de Russie est en cours?  Naturellement ça ne serait pas à l’ONU de donner ces garanties, car sa participation dans ces nouveaux accords au cas où ils seront mises en place, ne serait que fictive c’est-a-dire l’organisation va être utilisée juste pour l’élaboration d’un nouvel accord, c’est pourquoi il est fort probable que ce soit les pays de l’OTAN eux-mêmes et de l’alliance dans son ensemble qui fournissent ces garanties.

Bloomberg a diffusé l’information selon laquelle il est peu probable que la Turquie soit d’accord avec la proposition de Zelensky de fournir ses navires de guerre pour escorter le fret ukrainien le long de la route désignée en raison des craintes de provocations militaires et d’aggravation des relations avec la Russie.  En d’autres termes, Moscou ne donne aucune garantie à l’OTAN et en particulier à la Turquie, pour escorter les navires marchands exportant du blé ukrainien depuis les ports d’Odessa, Chernomorsk et Yuzhnoye.

Cependant, cette publication dans Bloomberg peut avoir pour but de sonder la position de la Turquie elle-même, qui n’a pas encore répondu à la proposition de Kiev.  Erdogan prévoit, comme déjà indiqué, après son retour des pays arabes du golfe Persique, de s’entretenir avec Poutine et en particulier sur cette question.

Cependant, Moscou, comme le note le porte-parole du président russe D. Peskov, a réaffirmé son intention à des fins humanitaires d’envoyer gratuitement du blé aux pays africains dans le besoin. Là aussi, la question qui se pose est celle de savoir par quel itinéraire les navires russes achemineront-ils le blé russe vers l’Afrique depuis la mer Noire? Car après tout, la Russie ne dispose pas d’autres voies géographiques maritimes que celles des détroits turcs du Bosphore et des Dardanelles.

L’opinion sur l’utilisation possible par la Russie des territoires du Kazakhstan, du Turkménistan et de l’Iran ayant accès au golfe Persique pour l’exportation de blé vers les pays africains peut bien sûr être réalisable. Cependant, face à la forte pression de l’Occident sur ses partenaires que sont d’ailleurs le Kazakhstan et la Turquie, il est peu probable que le président Kassym-Jomart  Tokaïev accepte un tel transit.  Cependant, cet itinéraire est coûteux, car il implique une combinaison de transit terrestre et maritime, ainsi que le franchissement de trois frontières.  En outre, la Russie peut utiliser le bassin de la mer Caspienne pour un accès maritime direct vers l’Iran, mais elle devra alors à nouveau charger les marchandises de ces navires sur des trains vers le golfe Persique.

Il est important de souligné que les livraisons gratuites de céréales aux pays africains qui en ont particulièrement besoin sont, bien sûr, une action humanitaire de la part de la Russie. Dans le même temps, aujourd’hui une dure bataille géopolitique se déroule pour le droit d’être présent en Afrique entre différents centres de pouvoir (à savoir les États-Unis, l’Europe, la Chine et la Russie). L’Occident accuse la société militaire privée russe Wagner d’actions extrajudiciaires en République centrafricaine (RCA).  Mais personne n’oublie que le chaos en Libye commencé par les États-Unis avec l’élimination du « leader incontournable » de la Jamahiriya libyenne, Mouammar Kadhafi, avait pour but de s’emparer du potentiel de matières premières et de la position géographique avantageuse de ce pays africain.

Certains experts anti-russes, à la veille des pourparlers sur la détermination de la position de la Russie sur le sort de «l’accord céréalier», ont récemment indiqué que Moscou donnerait son consentement pour sa poursuite.  Ils ont motivé leur position par le fait qu’à la fin du mois de juillet de cette année, un grand forum Russie-Afrique est prévu à Saint-Pétersbourg et que le président russe Vladimir Poutine ne refusera pas aux partenaires africains la possibilité de recevoir des céréales de l’Ukraine.

Cependant, les prévisions de ces analystes ne se sont pas réalisées, car Moscou a pris une décision différente et a confirmé sa volonté de transférer gratuitement des céréales aux pays africains nécessiteux. Certes, nous ne devrions pas exclure également la possibilité de changements des positions de la partie russe dans les négociations avec Erdogan sur cette question. Et ce, à cause du fait que les livraisons gratuites de céréales russes vers l’Afrique nécessiteront très probablement le consentement de la Turquie pour que les navires traversent le détroit de la mer Noire.  De plus, il est peu probable que la Russie menace les navires turcs, si Erdogan décidait d’escorter le transit de céréales ukrainiennes dans les eaux territoriales des pays de l’OTAN de la mer Noire et dans la zone des ports ukrainiens.  Sinon, les relations russo-turques pourraient atteindre non seulement un point critique, mais seraient au bord d’une nouvelle guerre. Ankara, en revanche, pourrait changer sa position concernant l’entrée de navires de guerre étrangers à travers le Bosphore dans les eaux de la mer Noire.

Il est peu probable que la Turquie accepte de patrouiller elle seule le corridor maritime pour exporter des denrées alimentaires ukrainiennes, mais elle prendra plutôt l’initiative d’escorter conjointement les navires des pays de l’OTAN (en particulier la Turquie, la Bulgarie et la Roumanie) pour ce transit.   De même, Ankara pourrait, pour sa propre sécurité, accroître le degré de conflit direct entre la Russie et l’Alliance de l’Atlantique Nord et le déclenchement de la Troisième Guerre mondiale.

Après une autre attaque terroriste perpétrée par les services spéciaux ukrainiens sur le pont de Crimée le 18 juillet, de nombreux experts russes n’ont vu aucun lien avec le retrait de la Russie de l’initiative de la mer Noire de la Turquie.  À mon avis, il n’est pas nécessaire de tirer des conclusions prématurées dans cette affaire et, de plus, lui donner une coloration politique en proférant des accusations envers Ankara.   Il faut au moins attendre les résultats de l’enquête menée par les forces de l’ordre. Cependant, nous ne pouvons associer que l’heure de l’attentat terroriste survenu sur le pont de Crimée à la date de la fin de «l’accord céréalier». Trop d’aléas dans le comportement de la Turquie à l’égard de la Russie se sont accumulés depuis le 7 juillet 2023, après la rencontre entre Erdogan et Zelensky à Istanbul et le sommet de l’OTAN à Vilnius.

Comme autre menace pour les intérêts de la Russie, Erdogan a déjà mentionné le Caucase du Sud et le retrait des casques bleus russes du Haut-Karabakh peuplé d’Arméniens en s’appuyant sur la position de son «cher ami» Ilham Aliyev.   Si la Russie ne souhaite pas l’ouverture d’un «deuxième front» en Transcaucasie, alors à quoi servirait d’aggraver des conflits militaires avec la Turquie, pays membre de l’OTAN, en mer Noire?

La Russie et la Turquie chercheront évidemment de nouvelles formes de coopération dans le cadre de «l’accord céréalier» avec une projection accrue de ce transit sur les intérêts géopolitiques des deux pays dans d’autres régions.

 

Alexandre SVARANTS, docteur en sciences politiques, professeur, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook »

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