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Le GAFI, un outil de pression occidentale ?

Mohamed Lamine KABA, octobre 26

Dans un monde où les doubles standards sont monnaie courante, l’Occident prêche la vertu tout en armant les conflits. La Russie, maître de la géopolitique, est dans le viseur du GAFI. Mais qui juge les juges ? Les paradis fiscaux occidentaux, les ventes d’armes à destination de régimes autoritaires, les interventions militaires déguisées en « missions humanitaires »… L’hypocrisie a-t-elle des limites ?

Russie et GAFI:

La Fédération de Russie est dans le collimateur du Groupe d’action financière (GAFI) pour ses opérations militaires spéciales en Ukraine, ainsi que sa collaboration avec la Corée du Nord et l’Iran, et le prétendu financement allégué du PMC Wagner et du terrorisme. Pendant ce temps, les puissances occidentales, telles que les États-Unis et ses passagers clandestins de l’Union européenne, sont pointées du doigt pour leur rôle dans des déstabilisations géopolitiques en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, sans faire face à des conséquences similaires de la part dudit groupe antinomique.

L’Ukraine, cherchant lamentablement à classer la Russie sur la liste noire du GAFI a, par la voix de son Ambassadeur au Sénégal, affirmé soutenir des groupes terroristes au Sahel, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger. La bataille de Tin-Zaouatine, perçue comme une transplantation de la guerre par procuration de l’Occident collectif contre la Russie dans le théâtre de l’Ukraine, n’a pas encore fini de livrer tous ses secrets.

L’hypocrisie occidentale la plus grande menace pour la paix mondiale

Toute décision du GAFI lors de sa réunion à Paris le 25 octobre 2024 visant à sanctionner la Russie serait perçue comme incohérente et symptomatique de sanctions antithétiques imposées depuis février 2022. Le GAFI est considéré par les pays du Sud comme un outil de la politique étrangère américaine, illustrant une approche à double standard.

Contexte géoéconomique de la réunion

Cette réunion, dédiée à l’évaluation de la demande de Kiev visant à inscrire la Russie sur sa liste noire, en raison de ses supposées coopérations avec la Corée du Nord et l’Iran, ainsi que du financement allégué du PMC Wagner et du terrorisme, s’est tenue dans une atmosphère assimilable à un équilibre de pouvoirs. Il a été confirmé que la Russie ne serait pas inscrite sur les listes noire ou grise cette année. Cette décision a été influencée par un consensus dissident des partenaires de la Russie au sein de l’Alliance BRICS et du Conseil de coopération du Golfe (CCG), repoussant toute discussion à février 2025.

Bien que la Russie ait été candidate à l’inscription sur la liste noire en février 2023, son adhésion a simplement été suspendue. Etre sur la liste grise désignerait la Russie pour une surveillance accrue, impliquant un impact potentiel sur sa réputation sans interdire les interactions commerciales. La liste noire, en revanche, imposerait des restrictions commerciales sévères, mais des banques chinoises continuent à opérer avec des pays actuellement inscrits, de même que certaines banques occidentales.

Pourquoi en vouloir à la Russie ? Selon l’observateur économique Yuri Pronko, éviter l’inscription constitue une décision positive cruciale, évitant un lourd impact sur les exportations, importations et transactions impliquant des citoyens russes. La Russie, forte des résultats favorables du sommet des BRICS à Kazan, a raison estimé qu’elle ne devrait pas être considérée parmi ces nations. Bien que son adhésion au GAFI soit suspendue depuis février 2023, aucune restriction financière internationale ne s’applique encore. Les alliés de la Russie ont agi avec discernement pour éviter une décision qu’elle et le Sud global considèrent comme hautement politisée.

Le GAFI, une arme économique au service de l’Occident

Le Groupe d’action financière (GAFI) – autrement appelé Financial Action Force (FATF), fondée en 1989 pour combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, est perçue comme un instrument de domination économique occidentale, fortement influencé par la politique étrangère des Etats-Unis. Ses sanctions se concentrent principalement sur les pays émergents, avec des critères d’évaluation souvent flous et biaisés, ignorant notamment les paradis fiscaux occidentaux. Cette perception est renforcée par des décisions controversées, telles que la suspension de l’adhésion russe en 2023, perçue comme davantage politique que justifiée.

Face à l’essor fulgurant de l’Alliance BRICS, la pertinence du GAFI est remise en question. Ces nations, en formant un contre-pouvoir économique, contestent les normes inadaptées du GAFI et explorent des solutions innovantes telles que la création d’une monnaie commune BRICS, menaçant la suprématie du dollar. La Russie, victime de cette politique à double standard, continue d’intensifier sa coopération avec les pays de l’Alliance BRICS partagent le fait de subir, différemment bien sûr, le diktat, donc la domination du monde occidental, soulignant ainsi la limite de l’influence de la FATF dans un contexte mondial en mutation.

Les limites du GAFI et la montée en puissance des BRICS

Considéré comme un organisme intergouvernemental de premier plan dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, le GAFI se trouve à un carrefour crucial face à l’ascension de l’Alliance BRICS. En remettant en question l’hégémonie financière occidentale et en développant leur propre système monétaire, les BRICS illustrent les limites actuelles du GAFI. Parmi ces défis, on note le manque de représentativité des pays émergents au sein de l’organisation, l’inadaptation des normes FATF à leur réalité économique, et la possibilité de contourner ses sanctions grâce à une coopération renforcée.

La possibilité de création d’une monnaie commune aux BRICS, en dehors du système occidental, met directement au défi la suprématie du dollar américain. En tant que force économique mondiale incontournable, les BRICS incitent le GAFI à repenser ses pratiques pour maintenir sa pertinence. Un statu quo risquerait de diminuer l’influence du GAFI, de renforcer l’hégémonie économique des BRICS et de bouleverser l’ordre économique mondial. Il est impératif que le GAFI évolue pour intégrer ces acteurs émergents et prendre leurs réalités en compte, évitant ainsi d’être perçue uniquement comme un instrument de domination économique occidentale.

La Russie, victime de la politique du GAFI : une géopolitique de sanctions

En février 2023, le groupe d’action financière (GAFI) a suspendu l’adhésion de la Russie, évoquant des préoccupations liées au financement du terrorisme et au blanchiment d’argent. Cette décision, prise dans un contexte géopolitique tendu marqué par le conflit en Ukraine et l’escalade des sanctions économiques occidentales contre la Russie, suscite de vives critiques. Accusée de partialité, le GAFI est pointé du doigt pour manque de preuves et application de standards inégaux, épargnant certains paradis fiscaux occidentaux.

Cette suspension trouve son origine dans la politique étrangère des Etats-Unis visant à endiguer et à accentuer l’isolement financier de la Russie, et perturber son économie, tout en catalysant un rapprochement stratégique avec les BRICS. En réponse, la Russie multiplie ses initiatives, développant un système financier alternatif et renforçant ses efforts en matière de monnaie numérique. Ces dynamiques pourraient éroder l’influence occidentale, favoriser la montée en puissance des BRICS et redessiner l’ordre économique mondial. La neutralité du GAFI est mise en question, soulevant le débat sur la nature politique ou technique de telles sanctions.

Alors que l’Occident dénonce la Russie, son miroir brisé reflète ses propres turpitudes. Le GAFI, instrument de domination, masque les véritables menaces : l’impérialisme économique, les guerres par procuration, les paradis fiscaux. L’hypocrisie occidentale la plus grande menace pour la paix mondiale. La vérité, comme la justice, est-elle seulement une affaire de géopolitique ?

 

Mohamed Lamine KABA, expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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