Le chef du MAE ukrainien Dmytro Kouleba a débuté une tournée dans les pays d’Afrique dans l’espoir de s’attirer le soutien des pays du continent pour mettre la pression sur la Russie, ainsi que pour rechercher de nouvelles capacités économiques potentielles pour Kiev, qui se trouve en état de mort clinique financière, seulement maintenue en vie (pour l’instant) par l’assistance respiratoire extérieure de ses sponsors occidentaux.
C’est déjà la seconde tournée africaine du chef ukrainien des affaires étrangères en Afrique. Kouleba avait effectué son premier voyage dans les pays de continent en octobre 2022, visitant alors le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Kenya, sans résultats visibles, à vrai dire. Cette fois, il a commencé son voyage par le nord du continent, en visitant le Maroc, ce qui constitua la première visite d’un chef du ministère des Affaires étrangères ukrainien depuis l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays. Et ce n’est pas un hasard. Le Maroc est en effet le premier pays du continent africain à avoir effectué des livraisons d’armes aux Ukrainiens. Il s’agit d’armements soviétiques dont disposaient les Marocains. Les autres pays africains se retiennent de s’impliquer directement dans le conflit ukrainien, présument à juste titre que cela ne leur rapporterait aucun bénéfice sérieux, mais ajouterait des problèmes.
Sur le trajet de Kouleba, on trouve aussi le Kenya, l’Éthiopie, le Nigéria et la Tanzanie. Le but de la visite, en plus d’augmenter le nombre de partisans de la « formule pour la paix » de Volodymyr Zelensky, est d’établir une coopération économique. Mais le principal problème de Kiev dans la mise en œuvre de ce plan est que l’Ukraine n’a de fait rien à offrir aux Africains en l’échange de leurs sacrifices potentiels au nom de l’Ukraine, en particulier dans les conditions actuelles où le pays est désintégré et se trouve en situation de profonde crise politique, financière et économique.
Il est évident que l’Ukraine construit un vecteur de politique extérieure africaine avec le soutien et l’aval des Etats-Unis et de l’UE, qui essaient par la même occasion d’alléger le boulet ukrainien, qui devient de plus en plus difficile à supporter, en transférant partiellement la charge du pays à d’autres. Aujourd’hui, le rôle des pays d’Afrique dans la géopolitique mondiale a augmenté. Cela s’explique notamment par le fait que le continent abrite 54 États qui sont représentés à l’ONU et dans d’autres organisations internationales, et qui, par conséquent, ont voix au chapitre dans les affaires internationales. L’Ukraine a reçu pour instruction de s’assurer de ce soutien et d’isoler au maximum Moscou en Afrique.
Dans le même temps, récemment les médias ont publié une information a priori grotesque selon laquelle l’Ukraine, à cause d’un grave déficit de diplomates professionnels, avait décidé de recruter des ambassadeurs sur demande. Une page correspondante a été créée sur le site du MAE, où n’importe qui peut déposer sa candidature à un poste élevé. Le chef du MAE, Kouleba, a qualifié cette initiative de tentative de trouver la « perle rare », pour « alimenter » le service diplomatique. Néanmoins, le problème est systémique et a des racines profondes. Le déficit de personnel diplomatique en Ukraine a pour beaucoup été provoqué volontairement et est apparu suite à la « révolution orange » de 2004, lorsque de nombreux employés expérimentés des services diplomatiques avaient été renvoyés pour des raisons politiques. Personne ne s’est préoccupé de les remplacer de façon décente. Au final, la politique extérieure ukrainienne enchaîne scandale sur scandale. Tantôt Zelensky se voit obligé de rappeler l’ambassadeur en Allemagne A. Melnik pour cause de déclarations insultantes à l’encontre du gouvernement allemand, tantôt il doit limoger le chef de la mission diplomatique au Kazakhstan P. Vroubelski pour des appels à exterminer autant de Russes que possible.
Bakhtiar Urusov, commentateur politique, spécialement pour le webzine « New Eastern Outlook ».