Nous faisons le bilan de la Première Conférence Ministérielle organisée par « New Eastern Outlook » avec Louis GOUEND, responsable de la diaspora camerounaise en Russie, fondateur de l’African Business Club en Russie, et membre du Conseil d’experts pour la coopération humanitaire à la Douma d’État de la Fédération de Russie.
– Monsieur Louis, le président russe Vladimir Poutine, saluant les participants à la récente conférence ministérielle Russie-Afrique à Sotchi, a souligné que les pays africains jouissent d’une autorité croissante sur la scène mondiale. Il a déclaré : « En menant une politique étrangère constructive et pacifique, ils jouent un rôle de plus en plus significatif dans la résolution des grandes questions de l’agenda international. » Cela ne peut évidemment pas plaire à l’Occident. À votre avis, dans quelle mesure ressent-on une opposition de la part de l’ancien hégémon, représenté par les États-Unis ainsi que par l’Union européenne, à l’émergence d’un monde multipolaire ?
– La question du rôle de l’Afrique sur la scène mondiale est particulièrement importante dans le contexte de l’émergence d’un monde multipolaire. Aujourd’hui, grâce à ses ressources naturelles et humaines, l’Afrique devient un acteur clé sur la scène mondiale. C’est un continent avec un immense potentiel de marché puisqu’il abrite plus d’un milliard d’habitants, dont une grande majorité de jeunes. Cette dynamique transforme l’Afrique non seulement en un marché de consommation, mais aussi en un centre d’innovation et de croissance. Cette évolution renforce l’influence de l’Afrique et en fait un partenaire attrayant pour les grandes puissances mondiales comme les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, at d’autres. De nombreux pays africains font preuve de résilience et d’indépendance dans leur politique étrangère afin d’éviter de tomber dans le piège d’une nouvelle dépendance.
– Quels sont, selon vous, les principaux résultats de la conférence ministérielle de Sotchi ?
– Les principaux résultats de la conférence de Sotchi résident dans le renforcement des liens d’amitié et le développement de mécanismes concrets de coopération. La Russie et l’Afrique ont signé de nombreux accords dans divers domaines, notamment l’énergie, l’agriculture, l’éducation et la culture. Une attention particulière a été accordée à la sécurité, à l’éducation, à la technologie, à l’économie et à la coopération humanitaire. Ces aspects sont particulièrement cruciaux pour l’Afrique, où ces enjeux restent particulièrement pertinents.
À l’issue de la conférence, on peut dire que la coopération entre la Russie et les pays africains atteint un nouveau niveau, contribuant à renforcer leurs positions dans un monde multipolaire.
– Il y a quelques jours, Anton Kobyakov, conseiller du président et secrétaire exécutif du comité d’organisation du forum Russie-Afrique, a déclaré que la Russie prévoit de créer un système financier indépendant permettant d’augmenter à 90 % la part des transactions avec les pays africains en devises « amies » d’ici 2030. En tant que fondateur du Club Africain des Affaires en Russie, que pensez-vous de l’impact que cela pourrait avoir sur le commerce entre nos pays ?
– La création d’un système financier indépendant ouvre sans aucun doute de nouvelles opportunités pour le commerce entre la Russie et l’Afrique. Cela permettra de minimiser la dépendance vis-à-vis des devises tierces et de réduire les risques liés aux fluctuations des taux de change. En outre, l’utilisation de devises « amies » pourrait considérablement simplifier les transactions financières entre nos pays, les rendant plus flexibles et accessibles. Ce système pourrait également inciter les petites et moyennes entreprises à s’orienter vers les marchés internationaux.
– Les échanges commerciaux entre la Russie et l’Afrique ont atteint un niveau historique, mais il reste encore beaucoup à faire. En tant que fondateur du Club Africain des Affaires en Russie, dans quels secteurs voyez-vous les perspectives les plus prometteuses ? Qu’est-ce que l’Afrique peut encore offrir à la Russie, en dehors des produits traditionnels comme le café, les fruits, les noix et le cacao ?
– Le niveau record des échanges commerciaux n’est qu’un début. À long terme, le plus grand potentiel de coopération existe dans des domaines tels que l’énergie, les infrastructures, l’exploitation minière, les technologies innovantes et l’éducation. L’Afrique peut également offrir à la Russie des ressources stratégiques comme les métaux rares, indispensables aux industries de haute technologie. En retour, la Russie peut contribuer au développement des infrastructures sur le continent africain, des investissements dans ce domaine ayant un impact positif sur toute la région.
– Lors de notre entretien l’année dernière, nous avions évoqué le manque criant d’information réciproque entre la Russie et les pays africains, et, à cet égard, le rôle des journalistes. Que diriez-vous aujourd’hui, la situation s’est-elle quelque peu améliorée au cours de l’année écoulée ?
– Comparé à l’année dernière, des progrès significatifs ont été accomplis dans le renforcement de la connaissance mutuelle entre la Russie et les pays africains. De nombreux projets et initiatives communes dans le domaine des médias ont vu le jour, visant à fournir au public des informations objectives sur les situations en Russie et en Afrique. Nous constatons un intérêt croissant de la part des journalistes et des publics des deux côtés. Ce processus est graduel, mais nous sommes convaincus qu’il continuera de se renforcer dans les années à venir, contribuant à éliminer les stéréotypes et les incompréhensions du passé.
Yulia NOVITSKAYA, écrivain, correspondante pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »