Au cœur des débats et des politiques étatiques depuis de décennies de la gouvernance mondiale, la question migratoire a tendance à devenir de plus en plus un instrument pas moindre de la guerre par procuration, au même titre que la prolifération des armes occidentales dans le théâtre de l’Ukraine depuis 24 février 2022.
Introduction
L’instrumentalisation des vagues migratoires pour affecter les économies nationales adverses dans un contexte mondial ouvert à la guerre des économies apparaît aujourd’hui comme un paradigme. Ce qui fait de la gestion de la question migratoire, une problématique à dimension planétaire qui a besoin d’une réponse planétaire bien coordonnée. À la fois un objet consonance bi et multilatérale et un objet de dissonance multidimensionnelle, la migration fait partie du mécanisme humain fondamental à la dynamique mondiale. La raison pour laquelle elle n’a pas de couleur est qu’elle brise les frontières entre les Etats et même entre les continents.
Le paradoxe de la question migratoire de nos jours est que, lorsque les occidentaux, en particulier les Européens, déferlent sur les autres continents, ils parlent de l’humanitaire, de séjour de travail, de mission d’expertise et de consultance, mais quand les autres arrivent chez eux, ils les diabolisent en changeant de rhétorique, faisant ainsi de la migration une crise et un fléau qu’il faut combattre à tout prix pour que règnent stabilité et tranquillité dans l’espace européen. N’est-ce pas un mal du siècle que vouloir aller contre la mobilité des peuples alors que ce sont les mêmes seigneurs de la guerre qui créent des foyers de tension dans les pays de départ des immigrés ? L’expropriation des peuples d’Asie du Moyen-Orient, d’Afrique du Maghreb et subsaharienne, et d’Amérique Latine de leurs ressources par le billet des conflits, du terrorisme, de l’extrémisme violent et du crime transnational en bandes organisées, est la racine du problème migratoire dont il convient de déraciner pour résoudre de manière durable, dit-on, « la crise migratoire » qui sévit dans l’espace UE.
La législation européenne en matière de la migration
La crise migratoire au sein de l’Union européenne représente un enjeu complexe aux multiples facettes, englobant des dimensions politiques, sociales, économiques et humanitaires. Alimentée par des conflits, des persécutions et des difficultés économiques dans les pays d’origine, cette problématique exige une compréhension approfondie et factuelle. Les conflits armés, les persécutions politiques, les violations des droits humains, ainsi que les crises économiques et environnementales, tel que mentionné plus haut, sont les moteurs principaux poussant les individus à migrer vers l’UE. Des pays tels que la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak et la Libye, dévastés par des guerres, poussent des millions à chercher refuge ailleurs, conformément à la définition de la Convention de Genève de 1951. Les facteurs économiques et environnementaux, y compris le changement climatique, sont également des catalyseurs significatifs de la migration.
Les statistiques récentes soulignent l’ampleur de ce phénomène évolutif. Selon l’Organisation mondiale pour la migration (OIM), en 2020, les migrants internationaux représentaient 3,6 % de la population mondiale, avec une concentration notable aux États-Unis et en Europe. À la mi-2023, la majorité des réfugiés provenaient de trois pays seulement, avec la Turquie, l’Allemagne et la Colombie comme principaux pays d’accueil. Et les trois grands foyers de regroupement et de dispersion des migrants qui sont la Turquie (guerres au Moyen-Orient), l’Allemagne (à partir de l’Italie et de l’Espagne) et la Colombie (à partir de Nicaragua) ouvrent la vanne à un pays de proximité lorsque les conditions de coopération changent un tout peu en leur défaveur.
L’UE est confrontée à des défis majeurs, notamment la capacité d’accueil limitée de certains États membres, les conditions humanitaires précaires dans les camps de réfugiés, la répartition inégale des demandeurs d’asile et la nécessité d’une gestion sécuritaire des frontières. En réponse, l’UE a adopté des mesures telles que des accords bilatéraux, des opérations de recherche et sauvetage en mer, l’augmentation des quotas de réinstallation et l’harmonisation des normes d’accueil et de traitement des demandes d’asile.
La réaction d’Annita Demetriou : dirigeante du principal parti d’opposition DISY et présidente du Parlement chypriote
Récemment mis en lumière par le magazine « Cyprus Mail », l’analyse critique d’Andria Kades, intitulée « Disy calls on EU to deal with Africa over migration », a capté l’attention des lecteurs par sa capacité à synthétiser et décrypter avec acuité les enjeux majeurs du discours de Demetriou sur la migration. La lecture de cette analyse critique nous a permis d’établir une note de lecture sur la position affichée de la Chypre sur la question de migration et dont la teneur suit :
Face à l’afflux de réfugiés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, en comparaison avec d’autres États membres de l’UE, Annita Demetriou (leader de parti) a récemment souligné l’impact de la situation à Gaza sur la crise migratoire, insistant sur la nécessité d’une stratégie commune au sein de l’Union Européenne pour alléger le fardeau disproportionné que porte Chypre. Elle a plaidé pour une accélération du traitement des demandes d’asile et a exhorté l’UE à établir des accords de réadmission avec les pays africains et autres nations pour une gestion systématique des flux migratoires. Dans son aventure rhétorique, Demetriou a mis en avant l’importance d’investir dans les pays africains pour endiguer l’émigration plutôt que de canaliser des ressources dans l’accueil, tout en prévenant la perte de vies humaines en mer. C’est dans cette perspective qu’elle a réitéré la nécessité de désigner des zones sûres en Syrie pour lever la protection juridique automatique des ressortissants syriens, tout en rejetant toute politique d’intolérance face à la crise migratoire. Cette approche impliquerait un dialogue controversé avec le président Bachar al-Assad de la Syrie.
Ainsi, dans son allocution, Demetriou a appelé à intensifier les patrouilles de FRONTEX, à élaborer et appliquer efficacement un plan d’action de l’UE impliquant les pays voisins et d’origine, y compris le Liban. Elle a souligné la nécessité de réévaluer l’Accord de Dublin pour un partage équitable des responsabilités et une solidarité renforcée envers les pays de première ligne dans la relocalisation des migrants. Nationalement, elle a mis en avant l’importance de la mise en place d’équipes spécialisées pour combattre l’emploi illégal et a préconisé des politiques d’intégration robustes pour les demandeurs d’asile dont les requêtes sont acceptées, afin d’éviter la ghettoïsation.
Annita Demetriou de DISY et présidente du Parlement chypriote, n’a enfin pas manqué d’insister sur une surveillance renforcée des côtes chypriotes et de la Ligne verte, soulignant que l’instrumentalisation de la question migratoire par la Turquie et les changements démographiques dans les régions occupées de Chypre nécessitent une vigilance accrue et des mesures fermes pour parvenir à une résolution globale de la question chypriote.
A la lumière de ce qui précède, nous pouvons déduire que, face à cette crise migratoire, une stratégie coordonnée et la coopération internationale sont essentielles pour équilibrer la sécurité et le respect des droits humains. Madame Demetriou de la Chypre prévoit une intensification de la crise des réfugiés, exacerbée par les tensions dans la bande de Gaza, et critique le manque d’engagement de Bruxelles dans la recherche de solutions. Cette approche intègre des perspectives complexes, tout en restant alignée sur les principes de diplomatie et de coopération internationale.
Mohamed Lamine KABA – Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »