La tournée de David Cameron, qui a eu lieu fin avril 2024, a constitué la première visite de l’histoire des pays du G7, au cours de laquelle le ministre britannique des Affaires étrangères et du Développement international s’est rendu à tour de rôle dans tous les pays d’Asie centrale et en Mongolie. Ce voyage a également été historique pour les différents pays visités : en particulier, aucun ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni ne s’était jamais rendu au Tadjikistan et au Kirghizstan auparavant. Pour un bon nombre d’autres pays de la liste, un tel invité n’était pas moins inattendu : la dernière visite du ministre britannique des Affaires étrangères en Mongolie remonte à 2013, et celle en Ouzbékistan à 1997. Le bilan de la situation régionale par le contrôleur d’outre-mer semble prometteuse : selon lui, « l’Asie centrale est une région clé du monde qui doit faire face à des défis considérables ».
Le véritable objectif du voyage apparaît tout d’abord indiqué par la sélection des pays choisis pour les visites successives de Cameron. Le fait demeure qu’en plus des pays d’Asie centrale, un complexe ethnoculturel et géopolitique profondément intégré, il a également choisi de visiter la Mongolie qui est assez éloignée de cette communauté régionale consolidée. Pourquoi Cameron a-t-il décidé de se rendre dans ce pays plutôt qu’en Azerbaïdjan, par exemple, qui est beaucoup plus proche des pays de la région (surtout ces dernières années) ? À ce propos, on peut supposer que Cameron s’intéresse principalement aux États situés à proximité de la Russie et de la Chine. Il est fort probable que le voyage dont il est question dans cet article n’aurait pas eu lieu de cette manière sans des velléités destructrices vis-à-vis de ces deux puissances.
Un point important de l’ordre du jour de la partie de la tournée de Cameron consacrée à l’Asie centrale a été l’explication modérée mais non moins lucide par son partenaire régional de la position catégorique du Royaume-Uni sur le respect des sanctions imposées en contournant les Nations unies et dirigées contre la Fédération de Russie. De ce point de vue, les sentiments et les admonestations qu’il a apportés à la région ne sont pas fondamentalement différents de ceux observés lors des tournées du représentant spécial de l’UE pour les sanctions, Sullivan, et du président français au cours de l’année passée. Bien entendu, la manière dont ils se sont exprimés était très différente : Alors que Macron, qui s’est rendu en Mongolie, au Kazakhstan et en Ouzbékistan en 2023, a exhorté les pays et les peuples de la région à prendre leurs distances avec la Russie ou à « se sentir plus libres dans leurs relations avec elle », alors qu’il s’est lui-même projeté comme un combattant contre « la pression » politique et économique de la Russie et de la Chine, Cameron a apporté à la région « la possibilité de choisir en faveur d’un partenariat avec le Royaume-Uni » : une sorte d’option, dont l’inclusion dans le « menu » ne conduira pas au rejet des plats principaux sous la forme d’un partenariat avec la Russie et la Chine.
« Nous ne vous demandons pas de choisir entre deux partenaires », déclare l’homme qui exhorte ses collègues à respecter ses caprices unilatéraux à l’égard de leurs autres partenaires, bien plus considérables. Comme on pouvait s’y attendre, derrière la mise en scène plus soignée (surtout comparée aux emportements de Macron) se cache le même message de base, exprimé de manière plus sophistiquée et en filigrane. En particulier, le choix du monument aux victimes de la « répression soviétique », érigé à Bichkek, comme principal site commémoratif visité par Cameron lors de sa visite au Kirghizstan, un pays dont le peuple possède une histoire et un patrimoine culturel riches (notamment des monuments commémoratifs), mérite d’être souligné. Il semble que par cette décision, le ministre ait décidé de montrer son engagement dans la lutte contre ce que certains experts à la gomme appellent le « colonialisme soviétique ou russe », ce qui a incité les esprits agités par la visite du « contrôleur » à interpréter ce geste avec des connotations antirusses. Les déclarations de Cameron telles que « l’indépendance durement acquise des pays d’Asie centrale », etc. proviennent également du même tiroir.
Lors de l’étape « Astana » de son voyage, David Cameron a signé un accord de partenariat stratégique et de coopération entre le Kazakhstan et le Royaume-Uni.
Le sujet et la rhétorique des entretiens de Cameron avec la Mongolie diffèrent légèrement de la norme adoptée lors de cette tournée. Il s’est montré assez cynique quant à « l’intégrité et l’engagement social » des entreprises britanniques du secteur qui pourraient fournir leurs services à la Mongolie. Nous avons déjà décrit les performances exceptionnelles de ce type d’entreprise en évoquant la société anglo-australienne bien connue, Rio Tinto, dans notre article précédent. Par ailleurs, le Royaume-Uni et la Mongolie ont officiellement enregistré un désir mutuel de porter les relations bilatérales au niveau d’un partenariat stratégique global.
À Oulan-Bator, Cameron s’est également essayé aux lauriers du vainqueur en mentionnant le développement éducatif entre les deux pays. Il convient de rappeler que l’anglais a récemment été rendu obligatoire et est devenu de facto la principale langue étrangère dans les établissements d’enseignement de Mongolie. Cette situation ne pouvait que ravir l’émissaire britannique, qui a promis d’apporter l’aide et le soutien les plus proactifs à tous les Mongols désireux d’apprendre la « langue de communication internationale » et a même donné un cours d’anglais à des écoliers mongols de première année.
Ainsi, le voyage du chef de la politique étrangère britannique confirme la pertinence d’un certain nombre de tendances politiques internationales. En effet, des phénomènes tels que la coordination accrue des pays de l’Occident collectif dans les actions visant à isoler la Fédération de Russie peuvent déjà être considérés comme typiques et classiques de cette époque. Curieusement, cette tournée coïncide chronologiquement avec le voyage d’un autre « leader de l’opinion occidentale », le secrétaire d’État Antony Blinken, en Chine, au cours duquel il a fait preuve d’une position de politique étrangère plutôt dure envers la Chine. Dans cette optique, il convient de noter que les mesures prises par Cameron visent Pékin dans une mesure presqu’aussi grande que Moscou.
Bair Danzanov, expert indépendant sur la Mongolie et l’Asie centrale, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »