27.04.2024 Auteur: Vladimir Terehov

Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est rendu en République populaire de Chine : A-t-il ainsi « restauré » la politique d’Angela Merkel ?

Le chancelier allemand Olaf Scholz s'est rendu en République populaire de Chine

Du 15 au 17 avril dernier, le chancelier Olaf Scholz a conduit une délégation de trois ministres et de représentants des milieux économiques du pays pour une visite de travail en Chine. Depuis son entrée en fonction à la tête du gouvernement allemand en décembre 2021, c’est la deuxième fois qu’il se rend dans la première puissance du continent asiatique, où l’orientation de tous les processus mondiaux ne cesse de se déplacer.

Il a ainsi poursuivi la tradition des contacts réguliers avec les dirigeants chinois, établie sous son prédécesseur Angela Merkel. D’ailleurs, parmi tous les hommes politiques occidentaux, l’attitude de la Chine à son égard a toujours été particulièrement élogieuse. Dès les premiers commentaires du Global Times à l’arrivée d’O. Scholz à Chongqing (l’une des trois villes visitées), l’espoir d’un retour à « l’ère Merkel » dans les relations bilatérales a été exprimé. Cependant, les Allemands eux-mêmes se posent des questions difficiles, par exemple sur le sort de l’énergie nucléaire et l’ouverture des frontières à l’afflux massif de migrants en provenance de pays « défavorisés ».

Néanmoins, même pendant la période où elle a dirigé le gouvernement (une période d’une durée sans précédent de 16 ans, à partir de 2005), l’establishment allemand s’est progressivement forgé l’opinion que pour que le pays, après la catastrophe de 1945, revienne à la table du « Grand jeu mondial » en tant que participant significatif, il est simplement nécessaire d’établir des relations constructives avec une puissance qui est en train de devenir l’un des deux principaux acteurs géopolitiques. Il est important de souligner que dans les faits (et non en vertu d’une intention initiale), la Chine est en train de devenir le principal adversaire des États-Unis. C’est-à-dire le leader du bloc des « pays occidentaux », qui fonctionne toujours, et dont la RFA elle-même est toujours membre.

Depuis l’arrivée au pouvoir, il y a deux ans et demi, de l’actuelle coalition de partis (« feux tricolores »), le rôle de ce dernier facteur dans la politique étrangère de Berlin s’est nettement accru par rapport à ce que l’on observait sous leurs prédécesseurs. Ceux-ci déclaraient bien sûr leur loyauté envers le « bloc occidental », mais ne manquaient pas une occasion de servir les intérêts nationaux. En tout cas, ils ne se sont pas abaissés à la folie actuelle, lorsqu’ils ferment les yeux sur la destruction d’une infrastructure critique par « l’un des alliés » et sacrifient le bien-être de leurs propres citoyens aux « obligations des alliés ».

Les promoteurs de la folie susmentionnée dans le gouvernement d’O. Scholz sont les combattants contre l’émission de « gaz à effet de serre » dans l’atmosphère, c’est-à-dire des participants actifs à ce qui est presque la plus grande escroquerie de l’histoire de l’humanité, qui tôt ou tard devra faire l’objet d’un tribunal international spécial. Avec d’autres escroqueries similaires, qui se réalisent sous les slogans de Me Too (sous lequel l’un des principaux prétendants à la présidence américaine « passe » aujourd’hui devant les tribunaux), de la diversité des genres, de BLM (ouvertement provocateur à l’égard des habitants noirs de la planète), de la garantie des droits des enfants en bas âge et des animaux domestiques. D’autant plus que tout ce qui précède, ainsi que d’autres escroqueries, provient très probablement de la même source.

Cependant, le groupe d’O. Scholz au sein du gouvernement actuel tente de prendre en compte les intérêts nationaux dans le cadre du jeu qui se déroule sur la scène internationale. Et, apparemment, les associations positives susmentionnées du principal journal chinois avec « l’ère Merkel », du fait même de sa visite en Chine, sont principalement liées à cela. Pour la République fédérale d’Allemagne, le maintien de relations constructives avec la Chine revêt une importance particulière dans le contexte actuel de transformation radicale de l’ordre mondial. L’ampleur de la coopération bilatérale dans les domaines commercial et économique est également un facteur important.

Toutefois, ce dernier a récemment inclus le problème de l’achat potentiel d’actifs d’entreprises allemandes technologiquement avancées (et également importantes en termes de sécurité nationale). Il convient d’ailleurs de noter que le « facteur américain » n’a pratiquement rien eu à voir avec les mesures de protection prises. En d’autres termes, le gouvernement d’A. Merkel a été guidé dans cette affaire par les mêmes intérêts nationaux.

Ce qui ne signifie évidemment pas que ces intérêts n’existent pas dans la politique de Berlin. Ni avant, ni encore moins aujourd’hui. Mais leur présence n’est pas conditionnée par la fameuse « occupation », mais par le fait que les États-Unis sont un allié clé et un partenaire commercial et économique important de la RFA pendant toute la période d’après-guerre du pays. Les intérêts de ces derniers doivent donc toujours être pris en compte lors de l’élaboration de la politique étrangère de la RFA.

En outre, l’Allemagne est l’un des principaux membres de l’UE, et dans les échelons supérieurs de sa bureaucratie, le même « facteur américain » est non moins manifestement présent. Cela se manifeste par la politisation par Bruxelles de la quasi-totalité de la sphère des relations avec la Chine. En particulier, des « problèmes » artificiels (initiés par Washington) tels que la « réduction des risques » dans l’interaction avec Pékin (de-risking) ou sa « violation » des droits de l’homme sont actualisés. L’innovation sous la forme de la « surcapacité » de la Chine, lancée par la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen lors de sa récente visite en Chine, a été immédiatement adoptée.

Il convient toutefois de noter que l’UE impose des mesures restrictives dans le domaine de la production de produits dont la réalisation peut être très rentable pour les producteurs. Cela s’applique surtout à toutes les technologies qui ont été générées ces dernières années par le même thème « climat-vert ». Il s’agit des voitures électriques et de leurs batteries, des panneaux solaires et des éoliennes. Dans presque toutes ces technologies, la Chine est aujourd’hui le leader mondial incontesté.

Il semble opportun d’exprimer ici l’opinion de l’auteur sur le fait même de la participation active de la Chine au développement du thème susmentionné. En fait, deux problèmes semblent s’être accidentellement superposés. L’un d’eux, bien réel, est une conséquence de la stratégie initiale de création rapide et bon marché d’un réseau de générateurs d’énergie électrique et thermique alimentés au charbon. Il en résulte une pollution particulaire dramatique de l’air que les Chinois respirent. Le second est le résultat de spéculations sur « la destruction de la couche d’ozone et la formation d’un voile d’effet de serre à sa place » quelque part à des dizaines et centaines de kilomètres au-dessus de la surface de la Terre.

Mais c’est cette seconde, répétons-le, qui génère aujourd’hui un gigantesque marché pour « l’économie verte » et pourquoi pas, tout en résolvant le problème du remplacement des centrales à charbon sales (au sens propre), ce qui est extrêmement urgent pour la Chine, gagner très convenablement de l’argent sur le problème totalement artificiel de la « carbonisation de la haute atmosphère », qui n’a pas du tout été initié par les Chinois. Par ailleurs, il n’y a pas de réponse claire à la question naturelle de savoir ce qu’il faut faire des pales d’éoliennes de cent mètres, des gigantesques champs de panneaux solaires et des dizaines de millions de batteries de voitures après leur mise hors service.

Enfin, il convient de noter que les États-Unis considèrent la Chine comme leur principal adversaire géopolitique et que le développement de relations « autonomes » avec elle est presque considéré comme une révolte sur un navire « occidental ». À cet égard, l’auteur estime que l’actualisation par O. Scholz du thème de « l’agression russe non provoquée contre l’Ukraine » lors de réunions avec ses collègues chinois, avec des appels aux dirigeants de la RPC pour qu’ils adoptent une position pro-occidentale, est un hommage à ces mêmes engagements alliés. A. Merkel a d’ailleurs dû faire quelque chose de similaire lors de ses nombreux contacts avec les dirigeants de la RPC.

Les appels susmentionnés de l’invité n’ont évidemment pas été compris par les hôtes. En effet, leur position dans le triangle « Pékin-Moscou-Washington » (ce dernier restant, répétons-le, le « grand frère » de Berlin) reflète fidèlement l’illustration d’un article du même Global Times sur l’échec de la politique américaine de sanctions à l’égard de la Russie et de la Chine.

L’événement principal du voyage discuté du chancelier allemand O. Scholz a été sa rencontre avec le dirigeant chinois à Pékin, où Xi Jinping a exposé la position de la Chine sur les perspectives de développement des relations avec l’un des principaux pays européens. Il a attribué l’avenir de ces relations non pas au (pseudo) problème de la « réduction des risques », mais à la nécessité de « travailler ensemble pour accroître la stabilité et la certitude dans le monde ».

Dans le même temps, le dirigeant chinois a replacé la visite de la chancelière allemande dans le contexte plus large de la recherche d’une stratégie optimale pour construire des relations avec l’UE dans son ensemble, dont l’Allemagne reste la première économie. Ce thème sera repris lors de la prochaine visite de Xi Jinping en France. Les relations avec ces deux grands États d’Europe continentale deviennent de plus en plus importantes pour la Chine, alors que les relations avec le Royaume-Uni ne cessent de se détériorer. Il y a dix ans, David Cameron, alors Premier ministre et actuel ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni, prophétisait un « âge d’or » pour les deux pays.

Le problème général qui préoccupait O. Scholz lors de la visite discutée avait été identifié par lui à la veille de sa conversation avec le dirigeant chinois, c’est-à-dire lors de son discours devant un groupe d’étudiants à Shanghai. Ce problème a été présenté sous la forme d’une thèse sur la volonté de « serrer la main d’un voisin musclé », en étant sûr que rien de mauvais ne viendrait de ce « voisin ».

Il semble que les destinataires de ce message soient à la fois la Chine, avec laquelle l’Allemagne a, répétons-le, des problèmes dans le domaine des relations commerciales et économiques, et la Russie. Toutefois, les craintes concernant cette dernière sont probablement dues à la même « agression russe en Ukraine ».

En règle générale, il est difficile de ne pas être d’accord avec de telles maximes philosophiques générales. Cependant, elles ne donnent presque jamais de réponse aux questions spécifiques qui se posent « ici et maintenant ». En attendant, les participants « musclés » à l’étape actuelle du « Grand jeu mondial » ont leurs propres souhaits dans leurs relations avec les auteurs des maximes mentionnées. Et ce n’est que sur la voie de l’harmonisation des revendications mutuelles qu’il est possible d’éviter l’évolution de la situation mondiale dans le sens d’un scénario négatif.

À cet égard, il est encore difficile de dire quelle a été la contribution de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz en Chine dont il est question ici.

 

Vladimir TEREKHOV, expert sur les problèmes de la région Asie-Pacifique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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