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Asie centrale : réaction à l’élection de Taïwan

Boris Kushhov, février 14 2024

Asie centrale : réaction à l'élection de Taïwan

Une grande partie des observateurs des affaires internationales ont déjà connaissance des principaux résultats des élections de janvier 2024 à Taïwan, et même des réactions des grandes puissances mondiales. Toutefois, dans les réalités actuelles des relations internationales, la position des acteurs moins importants pèse beaucoup plus lourd qu’il y a quelques décennies. Dans ce contexte, cet article propose un bref aperçu de la réaction des autorités des pays d’Asie centrale, ainsi que de la Mongolie, vis-à-vis de cet événement.

Le 14 janvier 2024, le ministère kazakh des Affaires étrangères a indiqué dans un commentaire officiel « Soutenir fermement le principe d’une seule Chine… que le gouvernement de la République populaire de Chine est le seul gouvernement légitime représentant l’ensemble de la Chine… ».

Le 14 janvier, le ministère tadjik des affaires étrangères a également diffusé une déclaration condamnant les élections. La déclaration du ministère souligne en particulier que la tenue d’élections à Taiwan constitue un acte d’ingérence extérieure dans les affaires de la RPC : « Le Tadjikistan s’oppose à toute tentative d’ingérence extérieure dans les affaires intérieures de ce pays ami ».

Le 15 janvier 2024, le ministère ouzbek des Affaires étrangères a publié une déclaration officielle concernant les élections à Taïwan, relevant que les autorités de la république « soutiennent fermement le principe d’une seule Chine et que le gouvernement de la République populaire de Chine est le seul gouvernement légitime de la Chine et que Taïwan est une partie inaliénable du territoire de la Chine. »

Le ministère des affaires étrangères du Turkménistan lui emboîte le pas le 15 janvier 2024. Le ministère des affaires étrangères de la république a en effet expliqué sa position par le fait qu’elle « possède le statut internationalement reconnu de neutralité permanente » et qu’elle « met en œuvre sa politique étrangère dans le strict respect des normes du droit international ».

Comme on pouvait s’y attendre, la plupart des pays de la région se sont immédiatement prononcés en faveur de la République populaire de Chine, de son intégrité territoriale et de sa souveraineté sur l’île. Les pays d’Asie centrale jouent un rôle actif sur les routes de transit eurasiatiques, y compris celles proposées dans le cadre du concept chinois de « ceinture et route », et entretiennent les relations les plus amicales avec la République, qui est pour la plupart d’entre eux le principal acteur du commerce extérieur et un investisseur important.

La réaction aux élections de pays tels que le Kirghizstan et la Mongolie est néanmoins remarquable, à savoir l’absence de réaction au niveau officiel. Les organes clés des deux pays, qu’il s’agisse du président, du premier ministre, du parlement ou du ministère des affaires étrangères, n’ont pas fait de déclaration sur la tenue d’élections à Taïwan.

Bien entendu, cela ne signifie pas que ces pays sont hostiles à la Chine, leur plus grand voisin et un partenaire commercial, économique et politique de premier plan. Cependant, ce contraste avec les réactions du reste de la région peut, sous un certain angle de perception, passer pour un geste inamical dans certains milieux.

Dans une moindre mesure, cela s’applique au Kirghizstan : dès novembre 2023, les autorités de la république ont déclaré leur soutien systématique au principe d’une seule Chine, ainsi que leur condamnation des élections alors en cours à Taïwan. D’autre part, il y a la Mongolie, qui ne manifeste son attachement à ce principe que dans le cadre de déclarations bilatérales entre la Mongolie et la Chine au titre de son engagement à respecter les termes de l’acte fondamental sur les relations bilatérales signé par les parties en 1994.

L’absence de condamnation officielle des élections taïwanaises par la Mongolie peut être le reflet de sa politique d’équilibre entre ses deux voisins (la Russie et la Chine) et ses « troisièmes voisins » (les pays occidentaux). Dans cette affaire « taïwanaise », il s’agit des Etats-Unis, mais aussi du Japon – sur fond de réaction inadmissible des autorités de ce pays à l’élection (rappelons que le ministre japonais des affaires étrangères a félicité le vainqueur de l’élection).

À l’appui de cette hypothèse, le fait que la conduite de la deuxième réunion de consultation entre le ministère mongol des Affaires étrangères et le département d’État américain dans le cadre du « Dialogue stratégique », le 12 décembre 2023. La réunion a porté notamment sur la « formule Indopacifique ». Par ailleurs, au début de l’année 2023, des consultations régulières ont eu lieu entre les ministres des affaires étrangères des États-Unis, du Japon et de la Mongolie. La décision de la Mongolie de refuser de se prononcer sur l’élection de Taïwan pourrait être une manifestation des résultats de ces pourparlers, multipliés par le désir général du pays de nouer des relations avec le Japon et les États-Unis. La Mongolie place certains espoirs dans ces deux pays, à la fois sur le plan politique et économique. Mais le pays doit répondre à ces attentes sans nuire aux attentes similaires de ses voisins immédiats, qui sont des partenaires commerciaux et politiques beaucoup plus significatifs.

 

Boris KUSHKHOV, département de Corée et de Mongolie, Institut d’études orientales de l’académie des sciences de Russie, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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