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Quelques événements en marge de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC)

Vladimir Terehov, novembre 28

Le sommet régulier du forum régional de coopération Asie-Pacifique (APEC), qui s’est tenu à San Francisco du 11 au 17 novembre dernier, a surtout attiré l’attention par ce qui se passait en marge de celui-ci. C’est-à-dire en dehors du champ d’application et de l’ordre du jour de ce forum. Cependant, on peut dire la même chose de presque toutes les plateformes internationales actuelles, dont les réunions régulières se transforment de plus en plus en activités improductives et rituelles.

En termes de manifestations et d’évaluations de certains développements au stade actuel du « Grand échiquier mondial », ce ne sont pas les actions « collectives-massives » avec un agenda prédéterminé qui sont beaucoup plus instructives, mais les négociations « en petit comité » de quelques acteurs majeurs qui s’y sont présentés. Le développement des relations entre ces derniers dépend en effet de la transformation du tableau qui se dessine sur la table de jeu globale. C’est toujours le cas lorsque le processus accéléré de rupture radicale de l’« ancien » ordre mondial est lancé.

Les médias du monde entier se sont concentrés, bien sûr, sur la rencontre entre Joseph Biden et Xi Jinping, c’est-à-dire les dirigeants des deux principaux acteurs mondiaux que sont aujourd’hui les États-Unis et la République populaire de Chine. Cependant, un certain nombre d’autres réunions et événements organisés en marge de ce sommet de l’APEC n’étaient pas moins captivants. Non pas tant par les résultats (qu’il est encore difficile de mesurer), mais par le fait même de leur existence. Ce fut le cas, par exemple, lors de la rencontre entre Xi Jinping et le Premier ministre japonais Fumio Kishida.

Il convient également de noter les événements ministériels organisés ici à San Francisco, qui n’étaient pas tous liés à l’APEC. L’« Initiative économique dans la région indopacifique » (Indo-Pacific Economic Framework, IPEF), annoncée en mai 2022 par le président américain dans le but initial d’exclure la RPC, a presque directement contesté l’esprit et le sens de cette dernière : du processus de construction d’un système de coopération régionale dans le domaine économique.

Cependant, l’IPEF n’est pas la première configuration, le fait même de son avènement est un défi à l’objectif principal de la formation de l’APEC en 1989, qui était « d’assurer une croissance économique globale et durable dans la région Asie-Pacifique et d’approfondir les processus d’intégration régionale » de tous les pays de la région. Le problème de la menace de fragmentation de l’espace économique régional unifié due à la création de configurations « restreintes » telles que, par exemple, le PTPGP (Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership), le RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) et un certain nombre d’autres a été soulevé lors de la réunion ministérielle de l’APEC par Wang Shouwen, de la République populaire de Chine.

Le fait que la réunion ministérielle de l’IPEF se soit tenue en marge du sommet de l’APEC illustre l’état d’esprit réel de l’administration américaine actuelle en ce qui concerne la stratégie de construction de relations avec le principal adversaire géopolitique en général et la rencontre avec son dirigeant en particulier. Malgré tous les signaux répétés adressés à Pékin sur la pertinence d’une telle réunion afin de « définir les règles d’une concurrence maîtrisée » entre les deux premières puissances mondiales, l’Union européenne n’a pas réussi à s’imposer.

Mais l’événement IPEF susmentionné n’a pas été la seule « pierre dans le dos » avec laquelle le président américain s’est assis à San Francisco à la table des négociations avec son homologue chinois. Évidemment, des messages antichinois ont suivi la rencontre de Joe Biden avec le Premier ministre japonais F. Kishida, au lendemain du sommet États-Unis-Chine.

L’annonce faite par la Maison Blanche précise notamment que les deux parties ont l’intention de continuer à « coordonner étroitement » leur politique à l’égard de la Chine. Il a qualifié d’« historique » la réunion entre les dirigeants des États-Unis, du Japon et de la République de Corée qui a eu lieu à Camp David en août de cette année. Qui n’ont pas manqué l’occasion de se retrouver à San Francisco, au moins « pour une séance photo ».

Il faut ajouter à cela que les discussions entre les ministres de la défense des trois pays ont eu lieu à Séoul le 12 novembre, c’est-à-dire juste avant le sommet États-Unis-Chine. Il convient également de signaler l’annonce, immédiatement après la fin de la réunion, de la finalisation effective de l’accord concernant la vente de 400 missiles de croisière Tomahawk au Japon par l’entreprise américaine General Dynamics.

Leur présence dans l’arsenal des forces armées japonaises permettra de remplir les tâches d’une frappe préventive contre un ennemi éventuel. La possession d’un tel arsenal marquera une étape qualitative dans le processus de libération progressive du Japon de toutes les restrictions dans le domaine de la construction militaire, ainsi que de l’utilisation des forces armées, prescrites dans la constitution de 1947, qui n’a pas été formellement amendée depuis lors.

Le Premier ministre japonais a été généralement très actif en marge du sommet de l’APEC en cours de discussion. En plus des entretiens réguliers avec le président américain, il y a eu, en particulier, ses rencontres avec les dirigeants de deux autres, disons, « partenaires proches » du Japon, qui sont aujourd’hui la République de Corée et l’Australie. Lors de ces deux événements, les deux parties ont réaffirmé leur volonté de renforcer leurs relations dans tous les domaines d’interaction, y compris la défense.

Néanmoins, comme indiqué plus haut, c’est la rencontre entre F. Kishida et le dirigeant chinois le 17 novembre qui a suscité le plus d’intérêt. Sa possibilité même n’était pas tout à fait certaine jusqu’au moment où elle s’est concrétisée. Malgré le fait qu’un accord préliminaire semblait avoir été conclu un mois plus tôt. Ce qui reflète bien la nature complexe des relations entre les deux principales grandes puissances asiatiques.

Le communiqué du ministère japonais des affaires étrangères résume la réunion en utilisant un langage politiquement correct destiné à démontrer le désir des deux parties de maintenir des relations constructives, mais il souligne également certaines des questions « douloureuses » qui empêchent la concrétisation de ces intentions. Le Premier ministre japonais a en particulier attiré l’attention sur la situation en mer de Chine orientale, notamment autour des îles Senkaku/Diaoyu.

Il est peu probable que le dirigeant chinois ait pris positivement les remarques de son interlocuteur sur « l’importance du maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taiwan, la position du Japon sur le respect des droits de l’homme,… la nécessité de lever l’interdiction sur les importations de produits de la mer japonais ». Il convient de noter que ces dernières ont été introduites en réponse au lancement de la procédure de rejet dans l’océan de l’eau « purifiée » utilisée pour refroidir les réacteurs endommagés de la centrale nucléaire de Fukushima-1.

Quant au problème de Taiwan évoqué lors de cette réunion, il figurait ces dernières années sur la liste des principaux défis à la stabilité non seulement dans la zone Indonésie-Taïwan mais aussi dans le monde dans son ensemble. Elle s’est exprimée de manière spécifique dans le processus de préparation et de tenue du forum de l’APEC en cours de discussion. Le fait est que Taïwan est un membre à part entière de cette configuration, qui n’est pas formée de pays mais d’« économies ». L’urgence de la question de la représentation de Taiwan, apparue lors de la préparation du prochain forum de l’APEC, s’explique pleinement par l’aggravation de la situation politique dans la région Indonésie-Taïwan en général et entre les principaux acteurs de cette région en particulier.

Comme dans le cas du dernier forum organisé à Bletchley Park au Royaume-Uni sur les défis posés par les technologies d’« intelligence artificielle » en pleine expansion, il semble que la condition préalable à la participation de la Chine (et plus encore à l’arrivée du dirigeant du pays à San Francisco) ait été la non présence d’« officiels » taïwanais.

Il faut reconnaître que cette question a été traitée avec beaucoup de finesse. Taïwan était « représentée » au forum de l’APEC par le créateur du leader mondial de la production de produits semi-finis semi-conducteurs (« puces »), Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), Morris Chang, 92 ans (un citoyen américain, soit dit en passant). C’est avec lui que le secrétaire d’État Blinken et le vice-président K. Harris se sont entretenus à San Francisco, ainsi que le premier ministre Kishida. En même temps, sa présence à ce forum n’aurait pas dû provoquer d’émotions particulièrement négatives de la part de la délégation chinoise. D’autant plus que TSMC est également présent sur les marchés « continentaux ».

D’une manière générale, les événements qui se sont déroulés en marge du sommet de l’APEC à l’examen ont une nouvelle fois mis en évidence des problèmes extrêmement complexes et fondamentaux qui menacent le maintien de la sécurité non seulement dans la région indopacifique, mais aussi dans d’autres régions. Le résultat positif de ces événements est toutefois l’intention apparemment exprimée par les parties opposées de maintenir les canaux de communication ouverts afin d’au moins discuter des « malentendus » occasionnels. Ce qui repousse certainement la perspective d’une apocalypse mondiale.

Cette nouvelle contrariera probablement les combattants de la propagande paranoïaque, qui semblent attendre avec impatience que les conflits locaux actuels dégénèrent enfin en un massacre mondial à grande échelle, bien entendu avec l’utilisation d’armes nucléaires. Avec leur charabia innommable sur les « empires », sur la « russophobie éternelle de l’Occident » (qui n’existe que dans leur imagination malade), sur le « complexe militaro-industriel comme moteur du développement économique », sur la « libération des terres russes sur le territoire des États-Unis », sur les « campagnes pour Varsovie-Berlin-Lisbonne »,…..

Apparemment, ils croient qu’ils ne seront pas personnellement affectés par les conséquences évidentes et catastrophiques d’une guerre mondiale. De même qu’il ignore manifestement l’ancien commandement, « … rechercher la paix et s’efforcer de l’obtenir ».

 

Vladimir Terekhov, expert des problèmes de la région Asie-Pacifique, exclusivement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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