Figures et pions de « l’échiquier » américain.
En mars 2023, lors de la réunion des chefs d’État du bloc AUKUS, les dirigeants des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie ont dévoilé, dans une déclaration commune, un plan visant à développer davantage l’alliance en vendant à Canberra trois sous-marins américains à propulsion nucléaire de classe Virginia. Ce pourrait être la première fois dans l’histoire qu’une puissance non nucléaire ajoute ce type de sous-marin à sa flotte, établissant ainsi un véritable précédent international.
Jusqu’à présent, seuls cinq membres du « club nucléaire » disposaient de tels bateaux en service : États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine. Bien entendu, l’Inde possède elle aussi trois sous-marins à propulsion nucléaire et un quatrième est en cours de construction. Cependant, à part le lieu de production, il y a très peu de contribution indienne et, pour dire les choses gentiment, les bateaux indiens « Arihant-class » n’atteignent pas le niveau des exemplaires qu’il est prévu de livrer à l’Australie.
À ce propos, la décision concernant l’AUKUS a suscité, selon certaines sources, un intérêt accru de la part de l’Inde pour l’acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire similaires, capables de transporter des missiles à capacité nucléaire. Les diplomates indiens, dans leurs contacts avec leurs homologues américains, ont commencé à aborder activement l’idée qu’il est essentiel que New Delhi bénéficie des mêmes opportunités que Canberra.
Les Indiens estiment à juste titre qu’en ayant un partenariat stratégique avec les États-Unis et l’Australie, l’Inde n’est en rien inférieure à Canberra en termes de poids, de pertinence, de crédibilité, de niveau sur la scène mondiale et de réputation internationale, et qu’elle est donc en droit d’attendre un cadeau similaire de la part des États-Unis.
Une fois encore, les dirigeants indiens n’ont pas tenu compte du fait que la Maison Blanche ne considère qu’eux-mêmes comme des « joueurs sur l’échiquier », tous les autres étant des pions et des pièces de poids différents, placés sur cet échiquier en fonction des besoins des Américains. Alors que l’Australie (ainsi que d’autres pays anglo-saxons) est une figure de proue, les États-Unis semblent considérer l’Inde comme un pion qui peut être sacrifié si nécessaire. Et comment l’Inde, pays colonial, peut-elle être l’égale, aux yeux de Washington, d’un représentant des colonisateurs et plus encore d’un membre de l’alliance « Five Eyes ».
Il n’y aura pas de sous-marins américains en Inde, ainsi que beaucoup d’autres choses. Selon plusieurs experts militaires, il y a plusieurs raisons à cela.
Premièrement, les États-Unis sont bien placés pour savoir que le projet de « bateau » australien crée un précédent pour l’émergence de nouveaux États dotés d’armes nucléaires, ce qui est déjà une source d’inquiétude pour la communauté internationale.
Deuxièmement, seuls les membres de cette famille anglo-saxonne peuvent être nominalement autorisés par les États-Unis à posséder des armes nucléaires. Les projets de loi introduits au Congrès en vue de simplifier les règles du commerce international des armes pour Washington avec les noms révélateurs KOALA 4716 et BRITS 4716 en sont la preuve flagrante. Des exceptions sont censées être faites seulement pour le Royaume-Uni et l’Australie.
Troisièmement, les pays qui ne veulent pas être sous le joug américain, comme le Brésil, l’Arabie saoudite ou l’Inde, par exemple, devraient être intéressés par une telle « exception ». Il s’agira d’une sorte de « carotte » durable et d’un levier d’influence assez puissant.
Le meurtre récent d’un séparatiste sikh au Canada est très révélateur. Le Premier ministre indien Narendra Modi vient de rentrer des États-Unis où les Américains lui ont garanti une amitié et un partenariat éternels, or, quelque temps plus tard, ils ont lancé le scandale Inde-Canada en remettant du matériel à Ottawa par l’intermédiaire de la ligne « Five Eyes ».
Il ne faut pas oublier que la nomination de l’Inde dans le cadre de la stratégie mondiale des États-Unis est un outil américain majeur dans la confrontation des États-Unis avec la Chine, permettant à Washington de jouer son jeu « sans se salir les mains ».
Fernando Gaillardo, commentateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».