Les représentants de la majorité mondiale de l’humanité accusent désormais ouvertement ceux qui bien que continuant à se positionner comme des « défenseurs des droits de l’homme » et de toutes sortes de « libertés », sont en réalité de véritables criminels vis-à-vis des valeurs qu’ils aiment tant proclamer. Surtout lorsqu’il s’agit de crimes contre les peuples non-occidentaux ou contre ceux, qui, selon l’Occident, ne se trouvent pas dans le « bon » camp.
En principe – c’est ce qu’il fallait démontrer. Le sang des « mauvais » peuples – dans la vision de l’establishment occidental et de ceux qui lui obéissent inconditionnellement – ne vaut absolument rien. D’autant plus lorsqu’il s’agit de peuples qui n’avaient pas ou qui ont cessé d’avoir des fantasmes et illusions en rapport avec le pseudo-rêve occidental. Qu’il s’agisse des habitants du Donbass ou d’un certain nombre de pays africains, arabes et d’autres régions du monde.
Oui, le cynisme et la nature ouvertement criminelle de l’Occident sont désormais allés trop loin. Et si encore récemment certains, y compris dans le monde non-occidental, pensaient que bien que le camp occidental soit dans l’erreur sur de nombreuses questions internationales, mais doutaient encore néanmoins de la nécessité d’une transition complète vers l’ordre mondial multipolaire – désormais les dits « doutes » se retrouvent détruits.
Le mois dernier, le quotidien Aujourd’hui le Maroc avait publié un article du célèbre journaliste et écrivain marocain Abdelhak Najib – « Palestine – Terre des Martyrs ». L’auteur y pose des questions très pointues dans le cadre ce qui se passe aujourd’hui sur le territoire de la Palestine : « Posons-nous cette question, somme toute, très simple : Y a-t-il une mort qui vaut plus qu’une autre ? Existe-t-il une peine plus légitime qu’une autre ? Sommes-nous face à des catégories humaines, selon l’appartenance ? Un mort palestinien est dans l’ordre des choses tandis qu’un mort israélien est une tragédie. Tuer des femmes et des enfants palestiniens n’émeut personne, surtout pas en Occident, là où tout le monde s’indigne face à la mort de plusieurs israéliens. Les Palestiniens peuvent crever et on s’en accommode, mieux, on s’en fiche. Alors que des Israéliens qui meurent, cela est inacceptable, inadmissible, inhumain » – écrit l’auteur de l’article.
Comment expliquer une telle aberration ? – poursuit Abdelhak Najib. Sommes-nous face à deux espèces humaines, l’une, insignifiante, que l’on peut occuper, maltraiter, torturer, priver de tout et tuer, et une autre, au-dessus de toutes les lois humaines, une espèce qui peut tout se permettre et face à laquelle on doit s’incliner, accepter, plier l’échine et ne pas réagir ? D’un côté, un peuple colonisé, martyrisé, livré en pâture à la loi de la matraque et des armes. De l’autre, un occupant arrogant, surpuissant, soutenu par tout l’Occident, tuant des innocents, exilant des populations entières, dépossédant tout un peuple de son territoire, en toute impunité. D’un côté, Israël, qui tue et massacre à longueur d’année, depuis plusieurs décennies. De l’autre, la Palestine, déchirée, morcelée, assujettie, écrasée que les occidentaux traitent d’Etat terroriste.
En principe, le cri de l’âme du célèbre écrivain et journaliste marocain est aujourd’hui précisément ce processus global que l’on observe dans la plupart des régions du monde. Il s’agit d’une révolte contre le niveau incomparable de cynisme, d’hypocrisie et de mensonges – qui caractérisent si justement l’Occident collectif et tous ceux qui le servent. En passant, le même Abdelhak Najib fait aujourd’hui face à une censure pure et simple de la part du régime hexagonal, dans le cadre des positions du journaliste en ce qui concerne les relations franco-marocaines actuelles. Mais cela évidemment juste en passant – dans le cadre des prétendues liberté d’expression et démocratie dans l’espace pseudo-civilisé occidental d’une évidente minorité mondiale.
L’essentiel étant encore une fois que la prise de conscience du fait qu’aux yeux de l’Occident – la vie des peuples non-occidentaux, bien qu’ils représentent l’écrasante majorité de l’humanité – ne vaut absolument rien, représente une réalité de masse à l’échelle mondiale. Et quelle que soit la manière dont ce même Occident collectif otanesque tentera d’atteindre et à convaincre la majorité mondiale – il se heurtera à un échec total. Quant à la confiance dans sa politique du tout permis et d’impunité totale – elle sera progressivement remplacée par la peur et l’incertitude pures et simples.
Oui, aujourd’hui, une minorité mondiale évidente, représentée par les régimes occidentaux, tente toujours à prétendre contrôler la situation. A prétendre également que le monde « basé sur des règles » (naturellement les règles de l’Occident) est toujours vivant et d’actualité. Mais tout cela est faux. En réalité, même l’hégémon d’un passé pas lointain nommé Washington, tout en maintenant sa rhétorique de menaces habituelle, est en fait très inquiet quant à la perspective d’une ouverture de plusieurs fronts au Moyen-Orient. Une perspective qui pourrait remettre en question l’existence même de son principal allié régional, mais aussi l’un des principaux à l’échelle internationale, du moins dans la forme sous laquelle Israël était connu au cours des dernières décennies. Il en va de même pour la présence étasunienne dans la région. Et dans la perspective de faire machine arrière – en admettant ainsi sa défaite mondiale – l’ancien hégémon ne sait précisément pas quoi faire.
Mikhail Gamandiy-Egorov, entrepreneur, observateur politique, expert en Afrique et au Moyen-Orient, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».