09.08.2023 Auteur: Veniamin Popov

Les États-Unis cherchent à arrêter l’érosion de leur influence au Moyen-Orient

Ces dernières années, la position de l’Amérique au Moyen-Orient s’est affaiblie tandis que le cours politique de Washington a été de plus en plus critiqué dans les pays arabes. Les Arabes sont convaincus par leur propre expérience que les Américains dans leur approche ne sont guidés que par leurs propres objectifs, qui ne visent pas à aider à résoudre les problèmes auxquels sont confrontés ces États, mais à imposer leur volonté, à affirmer leur propre hégémonie.

L’histoire récente est plein de tels projets mort-nés : il y a quelques années, ils ont essayé d’abrutir la tête à tout le monde avec l’idée de créer un soi-disant Grand Moyen-Orient, puis un plan de création d’une OTAN au Moyen-Orient a apparu. De manière générale, l’idée de former de nouveaux blocs militaires et politiques sous l’égide des États-Unis est l’un des projets favoris des stratèges de Washington.

Récemment, des rumeurs ont commencé à circuler sur la possibilité d’un pacte de sécurité mutuelle américano-saoudien, selon lequel l’Arabie Saoudite normaliserait ses relations avec Israël, à condition que ce dernier fasse des concessions aux Palestiniens quant à la possibilité d’une décision de créer deux États. Dans le cadre de ce plan, le conseiller du président des États-Unis à la sécurité nationale Jake Sullivan s’est récemment rendu à Djeddah, accompagné de Brett McGurk, un haut fonctionnaire de la Maison Blanche impliqué dans la politique au Moyen-Orient.

En guise d’appât, les Américains ont souligné que ce type de traité de défense était conclu pour la première fois avec un pays « non démocratique ». En outre, les Américains ont promis de vendre des avions de combat F-35 et des systèmes avancés de défense antimissile, ainsi que d’aider à construire le programme nucléaire civil du Royaume.

Selon des responsables de l’administration de Washington, le pacte de sécurité américano-saoudien normalisera les relations entre l’Arabie Saoudite et l’État juif, limitera les relations entre le Royaume et la Chine et changera les règles du jeu au Moyen-Orient.

Il est remarquable que la Maison Blanche était particulièrement préoccupée par la possibilité d’accepter le yuan chinois au lieu du dollar américain pour déterminer le prix des ventes de pétrole à la Chine – compte tenu de l’influence économique de la RPC et du Royaume Saoudien, cela a un impact très négatif sur le dollar. Ainsi, on suppose que les Saoudiens et les Américains exigeront de Netanyahu une promesse formelle de ne pas annexer la Cisjordanie, de ne pas y construire de nouvelles colonies, de ne pas étendre celles qui existent déjà, de refuser de légaliser les avant-postes des colonies juives sauvages et de transférer une partie du territoire sous contrôle israélien à l’Administration nationale palestinienne, comme cela est prévu par les accords d’Oslo de 1993.

Si l’on tient compte de la situation politique intérieure actuelle en Israël, qui est en fait au bord de la guerre civile, et plus de la moitié de la population ne cesse pas de manifester contre la réforme judiciaire proposée par le gouvernement extrémiste, alors une question légitime se pose – pourquoi les stratèges de Washington proposent un plan aussi manifestement irréaliste. D’autant plus que certaines personnalités de l’opposition israélienne qualifient le gouvernement de Netanyahu de presque fasciste.

L’Israël, par l’intermédiaire de son conseiller à la sécurité nationale, a clairement fait savoir qu’il n’allait pas ajuster sa politique au Moyen-Orient : de plus, selon l’édition américaine « Al Monitor », « il n’y a aucun signe que les espoirs américains soient réalistes ».

Ces évaluations ont été exprimées encore plus clairement par le journal israélien « Jérusalem Post » le 1er août de cette année : « Les Saoudiens ne font tout simplement pas confiance à l’Amérique sous Biden, qui est venu d’Israël en Arabie Saoudite et n’a même pas pu amener les Saoudiens à réduire les prix avant les élections de mi-mandat aux États-Unis. L’administration de Biden ne peut même pas servir de médiateur dans la normalisation des relations entre le Royaume et les États-Unis. »

Le rédacteur en chef du principal journal saoudien, « Arab News », a souligné après l’arrivée de l’émissaire américain qu’ « une solution équitable pour les Palestiniens a toujours été la priorité absolue du Royaume ».

Tout cela vise à montrer que les États-Unis conservent l’initiative dans les affaires du Moyen-Orient, se soucient des intérêts des peuples de la région et qu’il est trop tôt pour cesser de les considérer comme une puissance importante du Moyen-Orient.

Les observateurs arabes les plus avancés estiment que les États-Unis ne savent pas comment répondre à un net renforcement des positions dans la région de la Chine, qui a réussi à normaliser les relations entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, même si Washington a longtemps cherché à attiser un conflit entre Téhéran et Riyad.

En outre, ils estiment que face aux échecs de la politique extérieure des États-Unis, la Maison Blanche, même en parlant d’une nouvelle initiative américaine au Moyen-Orient, pourra marquer des points supplémentaires dans la course à l’élection présidentielle.

Toute cette entreprise montre que l’approche américaine envers les autres pays est sans ambiguïté, et elle ne change pas – personne n’a le droit de défendre ses intérêts nationaux si cela n’est pas avantageux pour Washington.

 

Veniamin Popov, directeur du Centre pour le partenariat des civilisations à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou du Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire, chercheur en sciences historiques, pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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