10.07.2023 Auteur: Fernando Gaillardo

Être d’origine indienne ne garantit pas l’amour de sa patrie historique

Être d'origine indienne ne garantit pas l'amour de sa patrie historique

En novembre 2022, le Premier ministre indien Narendra Modi a rencontré son homologue britannique Rishi Sunak en marge du sommet du G20. La réunion a suscité un intérêt sans précédent de la part de la presse et de la communauté des experts. Les origines indiennes du Premier ministre britannique ont été mises en avant. Les Indiens placent beaucoup d’espoir dans le renforcement de la coopération bilatérale et dans les perspectives prometteuses des relations entre les deux pays. Une attention particulière a été accordée à la conversation téléphonique entre Modi et Sunak peu avant la réunion du G20, au cours de laquelle ce dernier s’est décrit comme « l’incarnation de la relation historique entre l’Inde et la Grande-Bretagne ».

Mais quand est-il au fond ? En mai 2023, une nouvelle rencontre entre les deux premiers ministres a eu lieu en marge du sommet du G7, auquel l’Inde était déjà présente en tant qu’invitée du Royaume-Uni. On ne peut pas dire que l’élection de Sunak ait entraîné un changement qualitatif dans les relations entre les deux pays. Les négociations sur une zone de libre-échange, entamées sous Boris Johnson, sont difficiles et de nombreuses points cruciaux restent floues. Les parties ne parviennent pas à un consensus sur l’assouplissement du régime des visas pour les travailleurs indiens qualifiés. La question se heurte à une autre femme britannique de haut rang d’origine indienne, la ministre de l’intérieur Suella Braverman. Le fait est qu’elle n’a jamais caché, et a même exprimé publiquement, son attitude très négative à l’égard de ses compatriotes indiens qui viennent travailler au Royaume-Uni.

Les autorités britanniques refusent toujours de condamner publiquement les activités du groupe séparatiste Sikhs for Justice, qui réclame la sécession de l’État du Pendjab (l’État d’origine de Sunak) de l’Inde et la création d’un État indépendant, le Khalistan, sur son territoire. L’un des quartiers généraux légaux des séparatistes se trouve précisément à Londres.

Voici maintenant un petit rappel historique. En 1943, Winston Churchill ordonne la réquisition des stocks de céréales indiennes pour répondre aux besoins de l’armée britannique. Puis, craignant une invasion de l’Inde par les Japonais, ordre est donné de confisquer tous les bateaux de la population côtière du Bengale, réduisant ainsi à néant toutes les activités de pêche. Le nombre exact d’Indiens morts de faim à la suite de ces actions est difficile à calculer ; une estimation approximative fait état de 29 millions de personnes. Churchill commente la situation en véritable Anglais : « la famine est de leur propre faute car ils se reproduisent comme des lapins ». Et c’est loin d’être le premier incident. Pendant la période coloniale, de 1770 à 1920, une famine provoquée par les Britanniques a tué plus de 100 millions d’Indiens.

Et voici la fameuse réunion des « sept ». Narendra Modi dévoile une sculpture du Mahatma Gandhi à Hiroshima, au sujet duquel l’ancien Premier ministre britannique W. Churchill a déclaré : « Il devrait être pieds et poings liés aux portes de Delhi, puis piétiné par un énorme éléphant avec un nouveau gouverneur adjoint assis sur son dos ». L’inauguration du monument a lieu en présence du nouveau premier ministre britannique, Sunak.

On peut également rappeler la division bâclée de l’Inde entre l’Inde et le Pakistan par Lord Radcliffe, qui a également fait de nombreuses victimes indiennes, mais il s’agit là d’une histoire distincte et assez longue.

Les Britanniques ont-ils honte de leur passé colonial historique ? Les enquêtes sociologiques qui ont été menées montrent que non, sans équivoque. Le pourcentage de ceux qui ont des remords envers cette période sombre de l’histoire du pays est inférieur à 21 %. Mais 46 % (près de la moitié de la population) sont fiers de l’histoire du colonialisme, affirmant que les Sud-Asiatiques (qui comprennent les Indiens), les Arabes, les Africains et les Latino-Américains sont des citoyens de seconde zone. Si, au cours des 200 années de colonisation, la perception de l’Inde par les « sahibs blancs » était celle d’un consumérisme brutal, il est peu probable que l’attitude de l’actuel premier ministre soit différente. Rishi Sunak et Suella Braverman, tous deux d’origine indienne, semblent s’identifier aux « sahibs blancs », appelés à opprimer plutôt qu’à être opprimés.

 

Fernando Gaillardo, observateur politique, en exclusivité pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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