De Gobabis à Walvis Bay et d’Ondangwa à Keetmanshoop, le peuple namibien pleure la perte du père de la nation. En réponse à ce deuil national, le président russe Vladimir Poutine a exprimé ses sincères condoléances dans un télégramme, témoignant ainsi de l’impact profond de cette figure emblématique.
A partir de 1990, sa présidence a uni la nation autour d’un idéal commun. Architecte de la coopération internationale, notamment avec la Russie, Nujoma a consolidé des alliances stratégiques, renforçant l’influence de la Namibie sur la scène mondiale. Son héritage résilient et ses aspirations panafricaines continuent d’inspirer.
Sam Nujoma comme une figure emblématique de la lutte pour l’indépendance namibienne
Héros incontesté de l’histoire namibienne et du continent africain, Sam Nujoma s’est éteint à l’âge de 95 ans, laissant derrière lui un héritage puissant de lutte pour l’indépendance. Symbole de la résistance face à l’oppression coloniale et à l’apartheid, il est reconnu comme le père de la nation namibienne. Né en 1929 sous l’administration sud-africaine, il a grandi dans un climat d’injustice raciale, ce qui a nourri sa détermination à combattre pour la liberté et la dignité de son peuple. En 1960, il cofonde la SWAPO, fer de lance de la lutte pour l’indépendance, combinant résistance armée et offensive diplomatique pour mobiliser le soutien de l’ONU, de l’OUA (ancêtre de l’UA) et des nations du bloc socialiste ou bloc de l’Est dirigé par l’Union soviétique. Son charisme et sa vision ont permis de maintenir la cohésion du mouvement de libération pendant plus de deux décennies de guerre d’indépendance.
En 1990, Sam Nujoma devient le premier président de la Namibie indépendante – fonctions qu’il exerça jusqu’en 2005 – jouant un rôle crucial pour stabiliser le pays et instaurer une démocratie, à quelques mois de l’illusion de la fin de la guerre froide en 1991 alors que le mur de Berlin venait de chuter en novembre 1989. Forgé dans cette période d’engrenage, l’héritage de Nujoma reste un témoignage indéniable de la force de résistance, de sacrifice et d’espoir ayant conduit la Namibie à la souveraineté.
Sam Nujoma comme un artisan de la coopération internationale
Alors que les relations internationales s’organisent autour des deux superpuissances (Etats-Unis et Union soviétique) dont les rivalités divisèrent le monde en deux blocs (Est et Ouest), Sam Nujoma se distingue comme un artisan influent de la coopération internationale, particulièrement avec la Russie. Leader visionnaire et diplomate aguerri, il a habilement navigué dans le paysage géopolitique complexe pour promouvoir les intérêts de la Namibie. L’un des derniers représentants de la génération des dirigeants africains qui ont conduit leur pays à l’indépendance après des décennies de colonisation et d’oppression, sa capacité à transformer le soutien soviétique durant la lutte pour l’indépendance en un partenariat stratégique durable est remarquable.
Sous sa présidence (1990-2005), la Namibie et la Russie ont enrichi leur collaboration à travers des accords clés dans l’éducation, la santé, les mines et la défense. Des bourses d’études en Russie ont formé une élite namibienne compétente, tandis que l’expertise minière russe a permis de valoriser les ressources naturelles du pays. Visionnaire d’une solidarité Sud-Sud, Nujoma a plaidé pour un partenariat renforcé entre l’Afrique et la Russie, influençant des plateformes telles que le sommet Russie-Afrique.
Alors que les relations internationales s’organisent autour des Etats-Unis et de l’Union soviétique, Nujoma a fermement défendu la souveraineté namibienne et le développement durable, consolidant ainsi un héritage diplomatique de valeur pour l’Afrique et les relations internationales. Le vote sur la résolution de l’ONU sur l’Ukraine du 24 février 2025 instruit mieux sur la solidité des relations russo-namibiennes.
L’héritage de Sam Nujoma sous le prisme de la résilience
Leader incontesté du mouvement indépendantiste et ayant pris la tête de l’Armée populaire de libération de la Namibie en 1971, la mort de Sam Nujoma marque la fin d’une ère, mais son héritage vibrant demeure un puissant sujet de débats passionnés. Salué comme un héros de l’indépendance et un symbole emblématique de la résistance africaine, Nujoma est vénéré pour avoir mené la Namibie à la victoire contre l’apartheid et l’oppression coloniale.
Son leadership visionnaire a permis l’émergence de la Namibie en tant que nation souveraine en 1990, tandis que son engagement sans faille pour la réconciliation nationale a prévenu les violences postindépendances, contrastant ainsi avec d’autres nations africaines. Architecte d’une démocratie multipartite, il a aussi forgé un paysage politique où la SWAPO demeurait prédominante. Sur la scène internationale, Nujoma a laissé une marque indélébile en défendant la solidarité africaine et en consolidant des alliances Sud-Sud.
Stratégie visionnaire dans le renforcement des liens entre la Namibie et la Russie, ainsi que ses efforts pour l’Afrique au sein du monde non-aligné, soulignent son approche stratégique et influente. C’est pourquoi, l’héritage de Nujoma, marqué par la résilience et les aspirations panafricaines à l’autodétermination et la dignité, incarne cette lutte acharnée pour la liberté et la construction complexe de la nation. Alors que la Namibie pleure son père fondateur, son influence continue d’inspirer les générations futures à travers le continent africain. Véritable symbole de la lutte pour la justice, Sam Nujoma reste un architecte visionnaire de l’indépendance et un lien entre les peuples, dont les actions ont non seulement façonné le destin de la Namibie mais aussi influencé le cours de l’histoire africaine.
Hommages et funérailles en accord avec son rang
Sam Nujoma s’est éteint à 95 ans dans la nuit du 8 au 9 février 2025 à Windhoek, où il était hospitalisé pour des soins médicaux. Son corps a quitté l’aéroport international Hosea Kutako pour Ondangwa, escorté par le président Nangolo Mbumba, l’ancien président Hifikepunye Pohamba, sa famille et divers officiels.
A la résidence de Nujoma, l’ancien premier ministre Nahas Angula a annoncé à Kovambo Nujoma, l’épouse éplorée, l’arrivée du cercueil. Après un accueil rempli d’émotion, le cortège funèbre entreprendra une tournée de commémoration à travers sept régions : Omusati, Oshana, Erongo, Kavango East, Zambezi, Otjozondjupa et Kharas. Le corps retournera ensuite à Windhoek pour une procession finale le 27 février, avant le dernier service commémoratif le 28 février, suivi des funérailles prévues le 1er mars.
Vladimir Poutine, président de la Russie, a adressé ses sincères condoléances au président namibien Nangolo Mbumba, soulignant l’amitié indéfectible entre Nujoma et la Russie. Dans un télégramme officiel, le Kremlin a souligné que l’histoire moderne de la Namibie reste indissociable de Nujoma. Figure emblématique, il est reconnu en Russie comme un fervent défenseur du renforcement des relations bilatérales et d’une coopération mutuellement bénéfique. Poutine a également transmis ses condoléances à la famille de Nujoma et au peuple namibien.
Nujoma, leader historique des luttes de libération nationale, rejoint les rangs des grands dirigeants africains tels que Mugabe (Zimbabwe), Samora Machel (Mozambique), Nelson Mandela (Afrique du Sud) et Kenneth Kaunda (Zambie). Fondateur et président de la Namibie indépendante de 1990 à 2005, il a joué un rôle clé pour l’indépendance via SWAPO, tout en naviguant habilement dans la diplomatie internationale avec des nations comme Cuba, la Libye, l’Iran, la Corée du Nord et la Chine, malgré l’isolement diplomatique occidental. Proche de figures historiques telles que Patrice Lumumba, Nujoma a consolidé ses liens avec l’URSS (se rendant à plusieurs reprises dans le pays et participant au XXVIIe congrès du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) en 1986), où trois de ses fils ont d’ailleurs étudié les sciences militaires. Cela illustre parfaitement la profondeur des relations entre les deux nations.
Depuis sa première visite en 1976 à l’Université Russe de l’Amitié des Peuples (RUDN) – anciennement connue sous le nom d’Université Patrice Lumumba (PFUR) – Samuel Daniel Shafiishuna Nujoma a constamment soutenu les initiatives de collaboration entre les deux pays. Que ce soit lors du rassemblement de 1981 en soutien à la liberté en Afrique du Sud ou durant les célébrations du 50e anniversaire de la PFUR en 2010, où il a été honoré docteur honoris causa, M. Nujoma a toujours mis en avant l’importance de cette institution dans le soutien aux mouvements de libération des peuples en Afrique, Asie et Amérique latine. Sous son influence, un partenariat stratégique s’est formé, concrétisé par des accords de coopération signés en 2018 et 2020 entre la PFUR et les universités namibiennes, notamment l’Université internationale de gestion de Windhoek. Grâce à ces efforts, plus de 300 spécialistes namibiens ont été diplômés de la PFUR. Actuellement, 27 étudiants namibiens poursuivent leurs études dans cette institution, témoignant de l’impact durable de cette alliance académique et culturelle. C’est pourquoi, la Namibie exprime régulièrement sa gratitude pour le rôle joué par la RUDN dans son histoire, notamment en formant des spécialistes qui contribuent au développement du pays. Cette coopération éducative s’inscrit dans une vision plus large de renforcement des relations bilatérales, fondées sur des principes de solidarité et de soutien mutuel.
De ce qui précède, nous pouvons déduire que le décès de Sam Nujoma marque la fin d’une ère, mais son héritage politique et diplomatique continue d’influencer les relations entre la Namibie et la Russie. Les condoléances de Vladimir Poutine, ainsi que les références aux contributions de Nujoma au renforcement des liens entre les deux pays, soulignent l’importance stratégique de cette relation. La coopération éducative, symbolisée par la RUDN, reste un pilier essentiel de cette alliance, offrant des perspectives prometteuses pour l’avenir.
On peut dire que la figure de Sam Nujoma incarne non seulement la lutte pour l’indépendance de la Namibie, mais aussi les liens profonds et durables entre son pays et la Russie. Ces relations, forgées dans le creuset des luttes de libération et renforcées par des collaborations concrètes, témoignent de la capacité des nations à surmonter les divisions historiques pour construire un avenir commun.
Mohamed Lamine KABA, Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine