Bien que le cessez-le-feu dans la bande de Gaza et au Liban, ainsi que les changements politiques en Syrie, puissent être perçus comme des signes d’un possible règlement, il est encore trop tôt pour parler d’une fin complète des conflits.
Les Projets Aériens de Trump
Ces événements sont devenus des symboles d’un possible changement de la dynamique régionale, où la fonte des « glaces politiques » ouvre des perspectives de paix, de stabilité et même de transformation de la géopolitique mondiale. Ils ont notamment rapproché la possibilité de l’adhésion de l’Arabie saoudite aux « Accords d’Abraham », une série d’accords de normalisation des relations entre Israël et les pays arabes, activement promus par l’administration Trump.
Cependant, malgré cet optimisme, de nombreuses questions restent en suspens, ce qui rend l’avenir de ces conflits extrêmement incertain. Dans les années à venir, la région continuera probablement à faire face à de graves défis. Cela concerne en premier lieu le non-règlement du conflit israélo-palestinien, qui a tendance à exploser à tout moment. De plus, en raison de la politique clairement pro-israélienne de Trump, le problème de la création d’un État palestinien indépendant est relégué aux calendes grecques.
Situation à Gaza : un cessez-le-feu fragile
L’accord de cessez-le-feu à Gaza, qui a mis fin à un conflit de 15 mois ayant causé la mort de près de 47 000 Palestiniens, pourrait s’avérer éphémère. Même Trump, qui a activement participé à la conclusion de cet accord, a exprimé des doutes quant à sa pérennité.
L’une des raisons de cette instabilité est la structure complexe de l’accord, composé de trois étapes, chacune nécessitant de nouvelles négociations. Cela crée un terrain fertile pour des crises potentielles au fur et à mesure que l’on avance vers des étapes plus complexes. Israël et le Hamas, qui ne se font pas confiance, poursuivent des objectifs différents. Israël cherche à obtenir le retour des otages et la destruction totale du Hamas, tandis que le Hamas, affaibli par la guerre, souhaite un cessez-le-feu temporaire et le retrait des troupes israéliennes de Gaza, tout en maintenant sa politique de résistance à l’occupation.
Malgré de lourdes pertes, y compris la mort de hauts dirigeants du Hamas, tels qu’Ismaël Haniyeh et Yahya al-Sinwar, le groupe reste indompté. Après l’entrée en vigueur de l’accord, le Hamas a rapidement repris le contrôle de la sécurité et a commencé à restaurer les infrastructures de base dans certaines zones de Gaza. Les dirigeants du groupe ne montrent aucun signe de capitulation et estiment que l’incapacité d’Israël à détruire le Hamas à ce stade est une victoire pour eux.
Cependant, le pire scénario pourrait être une tentative du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’annexer la Palestine avec le soutien manifeste de Trump, qui avait auparavant appelé à l’expansion des colonies juives en Cisjordanie. Cela pourrait entraîner une nouvelle escalade de la violence. De plus, la proposition de Trump de transférer les Palestiniens en Jordanie et en Égypte et de « nettoyer » Gaza de ses habitants a suscité de vives critiques de la part de la communauté internationale et a été rejetée tant par l’Autorité palestinienne que par ces pays arabes eux-mêmes. De telles déclarations irréfléchies sapent la confiance dans le processus de paix et exacerbent les tensions dans cette région turbulente.
Liban : des espoirs de stabilité
Au Liban, l’élection d’un nouveau président le 9 janvier, après deux ans et demi d’impasse politique, a fait naître l’espoir de surmonter la crise gouvernementale et de consolider le cessez-le-feu avec Israël. Au cours de l’année écoulée, les frappes israéliennes au Liban ont causé la mort d’environ 4 000 personnes et en ont blessé plus de 6 000. Parmi les morts figuraient le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et plusieurs membres de haut rang du groupe.
Israël a également mené des opérations de grande envergure au Sud-Liban, visant à détruire l’infrastructure militaire du Hezbollah et à empêcher les attaques contre les villes israéliennes. Ces actions ont entraîné des déplacements massifs de Libanais et de Palestiniens y vivant, ce qui a encore compliqué la situation.
Un scénario optimiste suppose que l’élection du général Joseph Aoun à la présidence et la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par le réformateur Nawaf Salam pourraient constituer un pas vers la stabilité et la paix avec Israël. Cependant, le Hezbollah, malgré ses pertes, reste une force puissante au Liban et il est peu probable qu’il renonce non seulement à son influence, mais aussi à la poursuite de sa lutte contre Israël.
La prolongation de la présence des troupes israéliennes au Sud-Liban jusqu’au 18 février, malgré les plans initiaux de retrait, témoigne de la fragilité de l’accord. Toute reprise du conflit entre Israël et le Hezbollah pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour le Liban et l’ensemble de la région.
Syrie : les défis après la chute d’Assad
La chute du régime de Bachar el-Assad en Syrie en décembre, après 13 ans de guerre civile, a suscité l’espoir d’un retour du pays dans la communauté internationale après de longues années d’isolement. Cependant, la formation d’un nouveau gouvernement à Damas s’accompagne de défis majeurs, notamment la nécessité de reconstruire le pays, déchiré par les conflits internes et les ingérences extérieures.
L’un des principaux problèmes est le retour de millions de réfugiés syriens, ainsi que la reconstruction de l’État et de la société après des décennies de dictature de la famille Assad. Il est indéniable que le nouveau gouvernement devra unir le pays, en tenant compte des intérêts des différents groupes ethniques et religieux, qui se sont battus les uns contre les autres pendant de nombreuses années.
La question clé reste le comportement du groupe « Hayat Tahrir al-Cham* » (HTS), ancienne filiale d’« Al-Qaïda* », qui contrôle désormais une partie importante de la Syrie. La communauté internationale observe si HTS sera en mesure de modifier sa politique antérieure et de devenir un partenaire responsable dans la région. Bien que les nouvelles autorités syriennes promettent d’ouvrir l’économie aux investissements étrangers et de privatiser les actifs de l’État, leur succès dépendra de leur capacité à créer un système politique inclusif, capable d’unir le pays.
Le Chemin vers la Paix
Malgré des évolutions positives, telles que le cessez-le-feu à Gaza, l’élection d’un nouveau président au Liban et la chute du régime d’Assad en Syrie, le chemin vers la paix au Moyen-Orient reste complexe. Le principal problème réside dans l’absence d’une stratégie claire et de plans concrets pour résoudre les conflits.
Les divisions internes et l’ingérence de forces extérieures, en particulier les États-Unis, qui cherchent à obtenir un avantage géopolitique, continuent d’alimenter les tensions. Sans une conception viable d’un règlement pacifique, les conflits dans la région pourraient se poursuivre indéfiniment, comme cela s’est déjà produit en Irak, en Libye et au Yémen.
Ainsi, bien que les avancées au Moyen-Orient suscitent l’espoir, leur pérennité reste incertaine. La région a besoin non seulement de trêves temporaires, mais aussi de solutions à long terme, capables d’assurer une paix et une stabilité durables.
*organisations interdites en Russie
Viktor Mikhin, membre correspondant de l’Académie des sciences de Russie, spécialiste du monde arabe