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Valery Fadeyev : « S’il n’y a pas de canons, il n’y aura pas de beurre »

Yuliya Novitskaya, septembre 24

ll ne reste que quelques jours avant le sommet final des BRICS à Kazan. Il est donc tout à fait naturel que le BRICS est devenu le thème central de notre conversation avec le conseiller du président de la Fédération de Russie, président du Conseil présidentiel russe pour les droits humains et la société civile, Valery Alexandrovich FADEYEV.

Valery Alexandrovich FADEYEV

Nous avons parlé de la nécessité d’élaborer des critères d’évaluation des pays par rapport à ceux de l’Occident, selon lesquels la plupart des états ne veulent pas d’être évalués aujourd’hui, nous avons parlé de l’augmentation de notre armée professionnelle et essayé de comprendre ce qui devrait être la base de la Déclaration de la société civile qui sera presentée à Kazan.

Decouvrez ces sujets et bien d’autres dans notre interview exclusive.

Aujourd’hui, le BRICS est un tel, l’union des civilisations qui pourrait ramener et renouveler le sens des valeurs qui ont été établies dans la création de l’ONU.
Valery Fadeyev

Monsieur Fadeyev, des personnalités publiques des pays BRICS sont en train de rédiger une Déclaration de la société civile, qui sera présentée aux dirigeants des pays de BRICS au sommet d’octobre à Kazan. À votre avis, ce qui devrait être la base de la Déclaration ? 

Nous voyons comment cyniquement et systématiquement l’Occident s’éloigne des principes de l’humanisme établis il y a des siècles. Il est clair que la civilisation occidentale est en train de finir son cycle de développement. Elle a donné de grandes réalisations à l’humanité, mais maintenant, nous voyons des signes clairs de la décadence de la civilisation occidentale. Il y a 70 que le grand sociologue russo-américain Pitirim Sorokine avait prévu un tel finale. Et sa prédiction coïncidera dans de nombreux détails avec ce qui se passe aujourd’hui : la décadence du capitalisme, le culte de la consommation et du plaisir, la faiblesse de la culture. De plus, il y a la numérisation avec ses menaces et risques graves.

Aujourd’hui, le BRICS est, à mon avis, un tel l’union des civilisations qui pourrait ramener et renouveler le sens des valeurs qui ont été établies dans la création de l’ONU. Il s’agit de valeurs partagées par tous : la paix, la sécurité, la justice et d’autres concepts fondamentaux.

Il est maintenant très important de répondre à la question de savoir comment former une nouvelle vision qui répondent aux défis contemporains sur l’unité des pays du monde. Car sans unite et sans valeurs universelles, on ne peut pas surmonter la division du monde et créer un monde plus juste et plus sûr.

Aujourd’hui, il est clair que la plupart des pays ne veulent pas être jugés par les critères occidentaux. Dans un des interviews, vous avez dit que vous avez vu que les évaluations que les organisations occidentales attribuent aux pays ne correspondent pas à leur croissance économique. Est-il temps de développer nos propres critères d’évaluation, par exemple, au sein des BRICS ?

– J’ai soulevé cette question lors de la réunion du Président de la Fédération de Russie avec le Conseil présidentiel russe pour les droits humains et la société civile en décembre dernier. C’est le réseau des organisations non gouvernementales occidentales qui joue un rôle important dans l’ingérence dans les affaires intérieures des États. Ils sont nombreux, beaucoup d’entre eux sont engagés. Surtout ceux qui font ces évaluations de liberté, de démocratie et ainsi de suite. Ces évaluations sont utilisées pour prendre des décisions politiques, y compris des interventions militaires, comme dans le cas de Libye.

Aucun principe ni modèle politique ne doit empêcher le développement des pays et des peuples. Et nous devons créer un contrepoids – des groupes de réflexion non lucratif, établies par exemple, au sein des BRICS. Ils mèneraient des études objectives de la situation des droits humains dans des pays différents sans laisser en plan les droits sociaux comme on le fait en Occident. Ne pas classer les pays selon le classement où le système occidental est la référence. Je note que les méthodes doivent être acceptées par tous les participants, et les experts ne doivent pas être « classifiés ».

– Monsieur Fadeyev, vous êtes le président du Conseil présidentiel russe pour les droits humains et la société civile. Dans quelle mesure interagissez-vous avec les pays de BRICS dans ce domaine ?

– Nous rencontrons et discutons de notre interaction dans différents lieux dans différentes villes de Russie au cours de cette année. Nous discutons actuellement de la création d’un centre humanitaire de BRICS dans l’Université d’État des sciences humaines de Russie. Nous allons préparer un concept pour le développement du centre dans un proche avenir. Nous devons fournir un modèle à d’autres dans ce domaine. Notre Conseil a déjà fait des propositions pour établir une Cour internationale de Justice avec les pays du BRICS, de l’OCS et de l’OTSC. Le seul outil de travail reste la Cour internationale de Justice de L’ONU, qui a établi à juste titre que les actions de la Russie ne violaient pas la Convention sur le terrorisme et a refusé de reconnaître la république populaire de Donetsk et la république populaire de Lougansk comme organisations terroristes. La CEDH et les autres tribunaux internationaux se sont malheureusement discrédités il y a longtemps et seule la volonté de l’Occident est diffusée.

– Lors du IXème forum des BRICS, tenu à Moscou au début de juillet, vous avez proposé une fois de plus de créer un espace éducatif commun pour les pays de BRICS. De quoi doit-il s’agir et comment pensez-vous cette initiative peut aider nos pays à s’intégrer ?

Dans ce cadre, un espace éducatif commun pour tous les pays des BRICS même si petit, où les meilleurs exemples de littérature, de poésie et d’arts plastiques de ces pays pourraient être inclus. Plus une personne est instruite et sa vision du monde est large, mieux, elle sent et comprend les valeurs des autres peuples et plus, elle est prête à interagir avec eux. Quelle littérature étrangère est étudiée dans nos écoles ? Surtout européenne et américaine. Il faut l’étudier, mais il y a la grande poésie arabe médiévale (quand j’en parle avec divers représentants des pays arabes, je suis chaleureusement soutenu), l’héritage de la Chine, de l’Inde, de l’Amérique latine. La codification de la littérature de l’examen d’État unifié comprend principalement des poètes soviétiques et russes, il y a des auteurs d’Europe occidentale, mais aucune mention de ceux d’Orient. J’ai déjà demandé aux pays des BRICS d’offrir leurs artistes exceptionnels pour étudier dans nos écoles et ce travail a déjà commencé.

– L’année dernière à la suite de la conférence scientifique et pratique « Armée et société. Stratégie de sécurité mentale » au cours du forum « Armée-2023 » vous avez déclaré que dans les conditions de confrontation avec l’Occident, il est nécessaire de discuter avec la société de l’augmentation de l’armée professionnelle en Russie.  Est-ce necessaire notamment pour préserver notre souveraineté et pour résister à l’intervention extérieure dont l’un des outils est l’idéologie des droits humains ?

– Oui, j’ai déjà dit que les dépenses de défense devraient être aussi élevées qu’elles le nécessitent. Nous consacrons aujourd’hui plus de 8% du PIB à dépenses militaires, contre 3% auparavant. En URSS, les dépenses militaires ont atteint 13%. Les sceptiques diront : que voulez-vous dire, vous voulez encore des canons au lieu du beurre !

– Monsieur Fadeyev, on vous remercie pour cette conversation intéressante et pertinente.

 

Entretien réalisé par Yuliya Novitskaya, écrivain, journaliste-interviewer, correspondante du  « New Eastern Outlook »

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