09.04.2024 Auteur: Mikhail Gamandiy-Egorov

La Nouvelle-Calédonie ou lorsque Paris tente de fermer la voie à l’indépendance de sa colonie

La Nouvelle-Calédonie ou lorsque Paris tente de fermer la voie à l’indépendance de sa colonie

S’agissant de la politique néocoloniale du régime hexagonal, principalement à l’égard de nombre de pays du continent africain, dans le cadre du système communément appelé de la Françafrique, qui traverse aujourd’hui les moments les plus difficiles, il convient également de rappeler que la métropole française est dans les faits toujours un régime colonial, comptant à ce jour plusieurs territoires dits « d’outre-mer », de-facto – des colonies, parmi lesquels la Nouvelle-Calédonie mérite une attention particulière.

Les îles de la Nouvelle-Calédonie ont été revendiquées par la France comme sa « possession » en 1853 – une période où les puissances coloniales occidentales connaissaient leur « âge d’or » d’occupation et de colonisation de terres étrangères du monde non occidental, avec une exploitation massive de ressources naturelles de ces terres. En Occident et en principe – il n’est pas apprécié aujourd’hui à rappeler et à parler du fait que c’est durant cette période que les régimes coloniaux de l’Occident avaient connu la forte croissance industrielle, que ce soit dans le cas des régimes coloniaux britannique ou français.

Aujourd’hui, la Nouvelle-Calédonie, située dans l’océan Pacifique – à plus de 16 500 kilomètres de Paris – possède le statut de collectivité d’outre-mer sui generis – l’un des statuts institués par la métropole hexagonale pour ses territoires dits « d’outre-mer ». En d’autres termes – ses colonies. La population de souche de ce territoire est représentée par les Kanaks – près de 40% de la population de la Nouvelle-Calédonie. Les Français et les Européens représentent un peu plus de 27%. Moins nombreux – les métis et d’autres groupes ethniques.

En raison des nombreuses vagues d’immigration en Nouvelle-Calédonie, la part de la population non autochtone, principalement franco-européenne, a régulièrement augmenté. Le but de cette immigration était, en principe, clair : casser progressivement la majorité de souche du territoire. Et de manière générale – la politique du régime hexagonal a longtemps été et continue à l’être – de marginaliser les Kanaks.

Néanmoins, la population autochtone n’a cessé de lutter – durant une longue période et jusqu’à aujourd’hui – pour l’indépendance de sa terre. Conformément à l’Accord de Nouméa (capitale de la Nouvelle-Calédonie), signé en 1998 – entre les partisans de l’indépendance et le gouvernement français – a été admise la possibilité d’organiser trois référendums sur l’indépendance. Il n’est pas difficile à deviner que cet accord convenait à Paris, car déjà à cette époque, le pourcentage de la population non autochtone, principalement française et européenne, avait considérablement augmenté et continuait à croître.

Le premier référendum avait eu lieu 20 ans après ledit accord – en 2018 – à l’issue duquel 43,33% des habitants de la Nouvelle-Calédonie ont voté pour l’indépendance, 56,67% contre. Le deuxième référendum aura lieu en 2020 – à la suite duquel 46,74% des habitants voteront en faveur de l’obtention de la pleine souveraineté et de l’indépendance vis-à-vis de l’Hexagone, 53,26% – contre. Et enfin, le troisième a eu lieu en 2021 – mais avait été massivement boycotté par la population autochtone de la Nouvelle-Calédonie et les partisans de l’indépendance – du fait que son déroulement se faisait durant la pandémie de Covid19. Les appels au report de la date du référendum avaient été ignorés par les autorités du régime hexagonal. En conséquence – 96,50% des votants étaient opposés à l’indépendance, et où la voix de la population autochtone, encore majoritaire en qualité de groupe ethnique – n’a tout simplement pas été entendue.

Mais le régime hexagonal, en raison de son hypocrisie, fondée sur une fausse démocratie et des ambitions purement coloniales, est récemment allé encore plus loin. À savoir que le Sénat français a voté pour « le dégel du corps électoral du scrutin provincial » — qui prévoit notamment et au-delà des autochtones, la possibilité de voter aux élections provinciales en Nouvelle-Calédonie – aux habitants résidant sur ces terres depuis au moins 10 ans. Ce que cela signifie ne nécessite probablement pas d’explication supplémentaire. Le résultat escompté est que la domination des forces coloniales sur la population autochtone de Nouvelle-Calédonie deviendra encore plus forte.

De son côté, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) – dans son récent communiqué – condamne fermement la décision du Sénat français, appelle la population à se mobiliser contre ces actions et considère les dites actions comme une provocation contre la population kanake de Nouvelle-Calédonie.

D’ailleurs, et si certains pro-occidentaux pensent que la population autochtone de Nouvelle-Calédonie – les Kanaks – bénéficie de nombreux avantages de la prétendue « civilisation européenne », il s’agit d’une profonde méconnaissance. L’une des preuves étant le manque de médecins qualifiés sur ce territoire – et lors de conversations avec justement des représentants du Front de libération nationale kanak et socialiste, représentant les intérêts de la population autochtone et des partisans de l’indépendance – la question de la nécessité à faire venir des spécialistes étrangers qualifiés, notamment par exemple, de Cuba, a été soulevé à plusieurs reprises.

Aussi, nombreux sont les Kanaks, qui malgré toutes les intrigues organisées à leur encontre par le régime hexagonal, qui observent avec beaucoup d’enthousiasme les processus en cours aujourd’hui sur le continent africain – où la machine néocoloniale française et occidentale subit, l’une après l’autre, la défaite, bien que et cela était parfaitement attendu – ne prévoit pas encore d’abandonner. Et bien sûr, de nombreux représentants de la population autochtone de Nouvelle-Calédonie aimeraient que les partisans du monde multipolaire leur prêtent aussi attention.

 

Mikhail Gamandiy-Egorov, entrepreneur, observateur politique, expert en Afrique et au Moyen-Orient, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

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