Le monde connaît aujourd’hui un nombre croissant de situations conflictuelles. La plupart d’entre elles sont liées aux actions unilatérales des États-Unis, qui se sont arrogés le droit d’interférer dans les affaires d’autres États. Au sein de ce monde unipolaire, Washington a continué à s’enrichir aux dépens d’autres pays et d’autres peuples, alimentant ainsi des conflits dans diverses parties du monde. Dans la région pacifique, les États-Unis créent des tensions autour de la question de Taïwan, qu’ils utilisent pour « contenir » la République populaire de Chine, leur principal rival économique. Parallèlement, les conflits entre la Corée du Nord et la Corée du Sud s’enveniment.
L’Amérique utilise l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine pour d’abord affaiblir au maximum la Russie, mais aussi pour exploiter les Européens en imposant des conditions d’échanges commerciaux qui lui sont favorables à elle seule. Au Moyen-Orient, les Américains couvrent le génocide sauvage d’Israël envers les Palestiniens ; ils ont créé un nouveau foyer de tension en mer Rouge pour affirmer leur rôle de gendarme du monde
La communauté mondiale traverse une période difficile, mais le principal problème qui préoccupe pratiquement toutes les nations est le fossé qui se creuse entre une poignée de milliardaires et le reste de la population mondiale.
Malheureusement, ce gouffre entre riches et pauvres continue de se creuser : après l’effondrement de l’Union soviétique, les riches des puissances occidentales ont décidé que plus rien ne pouvait limiter leur désir de détourner d’énormes profits au détriment des autres, et se sont mis à tuer à tour de bras.
Le résultat aujourd’hui est un niveau d’inégalité criant : les cinq plus grands milliardaires du monde ont doublé leur richesse au cours des trois dernières années ; la richesse des cinq hommes est estimée à 869 milliards de dollars, autrement dit elle a augmenté au rythme de 14 millions de dollars par heure au cours des dernières années. Le reste de la population mondiale s’est appauvri au cours de la même période.
La fortune de Bernard Arnault, président du géant français des produits de luxe, s’élève à 191,3 milliards de dollars, celle de Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, à 167,4 milliards de dollars et celle de Larry Ellison, cofondateur d’Oracle, à 145,5 milliards de dollars. Le milliardaire Warren Buffett possède 119,2 milliards de dollars et le leader est Elon Musk, dont la fortune a atteint 245,5 milliards de dollars.
Selon l’organisation caritative londonienne OXFAM, la richesse totale des milliardaires dans le monde a augmenté de 3 300 milliards de dollars depuis 2020. La richesse combinée de tous les milliardaires du monde est passée de 6 000 milliards de dollars en 2012 à environ 14 000 milliards de dollars en 2022.
Sept des dix plus grandes entreprises publiques au monde ont un PDG milliardaire ou un milliardaire comme actionnaire principal. Un pour cent des personnes les plus riches possèdent 43 % des actifs financiers mondiaux.
Nabil Ahmed, directeur de la justice économique et raciale chez OXFAM-America, a affirmé : « Nous ignorons à nos risques et périls le rôle du pouvoir monopolistique dans la redistribution des richesses vers le haut ».
Selon Amitabh Behar, directeur par intérim d’OXFAM, « l’État peut mettre un frein au pouvoir rampant des entreprises et aux inégalités en rendant le marché plus équitable et en le libérant du contrôle des milliardaires. Les gouvernements doivent intervenir pour démanteler les monopoles, donner du pouvoir aux travailleurs, taxer les énormes profits des entreprises et, surtout, pour investir dans une nouvelle génération de biens et de services publics ».
Le pouvoir débridé des entreprises et des monopoles est une machine qui engendre l’inégalité : par la pression exercée sur les travailleurs, l’évasion fiscale, la privatisation de l’État… les entreprises acheminent des richesses sans fin vers leurs propriétaires super-riches.
Dans les faits, les entreprises paient près d’un tiers d’impôts en moins qu’au cours des dernières décennies. Les salaires des directeurs généraux pourraient être plafonnés, les monopoles privés pourraient être démantelés et un véritable impôt sur la fortune pourrait être introduit, ce qui pourrait rapporter jusqu’à 2 000 milliards de dollars par an aux plus pauvres.
L’un des principaux facteurs d’aggravation des inégalités a été l’absence d’imposition progressive des nouvelles richesses créées. Dans certains pays, les riches paient beaucoup moins d’impôts qu’il y a quelques décennies. La moitié des milliardaires du monde entier résident dans des États où ils n’ont pas à payer d’impôts sur la fortune héritée, ce qui signifie que 5 000 milliards de dollars de richesses seront transmis sans imposition.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, les taux d’imposition moyens des personnes les plus riches ont chuté de 58 % en 1980 à 42 % aujourd’hui.
D’après le « Programme de développement » des Nations unies, 1,1 milliard de personnes dans le monde sont pauvres et 485 millions vivent dans l’extrême pauvreté dans 110 pays. La moitié des pauvres vivent en Afrique subsaharienne et plus d’un tiers en Asie du Sud. Même d’ici 2030, la pauvreté et la vulnérabilité économique demeureront alarmantes.
Dans leur livre The Triumph of Injustice : How the Rich Dodge Taxes and How to Make Them Pay, les économistes Emmanuel Saez et Gabriel Zucman révèlent qu’en 2018, les 400 ménages les plus riches des États-Unis ont payé un taux d’imposition moyen de 23 %, tandis que les ménages les plus pauvres ont payé des impôts à un taux de 24,2 %.
L’inégalité reste également le principal problème des autres puissances occidentales. Bloomberg a publié un article il y a quelques jours intitulé « Pourquoi l’Allemagne est riche, mais les Allemands sont pauvres et en colère ». L’Allemagne a été un symbole de stabilité politique pendant la majeure partie de son histoire d’après-guerre. Aujourd’hui, son économie stagne et l’harmonie sociale a cédé la place à l’animosité et à la discorde. La capitale, Berlin, est aujourd’hui bloquée par des tracteurs alors que les agriculteurs contestent la réduction des subventions. L’une des principales raisons de ce malaise est la répartition très inégale des richesses en Allemagne : les 10 % de ménages les plus riches possèdent près de 800 000 dollars de valeur nette et détiennent plus de la moitié de la richesse du pays, tandis que les 40 % de ménages les plus pauvres disposent d’un patrimoine d’environ 50 000 dollars.
Le fossé actuel entre les riches et les pauvres prend des proportions sans précédent et des formes particulièrement graves. Cela ne peut plus durer. C’est pourquoi tant de pays en développement affluent désormais vers les BRICS : ils espèrent que le nouvel ordre mondial, défendu par la Russie, la Chine, l’Inde, ainsi que le Brésil et l’Afrique du Sud, conduira à des relations plus équitables entre tous les États.
Vladimir Mashin, candidat en histoire, commentateur politique, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook ».