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La chute de l’Occident

Mikhail Gamandiy-Egorov, 21 janvier 2024

La chute de l’Occident - Emmanuel Todd

Nombre de voix connues, y compris maintenant en Occident, commencent à déclarer ouvertement que non seulement l’époque de domination de la minorité occidentale sur les affaires mondiales est révolue, mais que le système occidental dans son ensemble s’effondre, avec toutes les conséquences qui en découlent. Tout cela confirme les thèses selon lesquelles le futur système des relations internationales implique non pas seulement l’établissement définitif d’un ordre mondial multipolaire, mais également celui d’un ordre international post-occidental.

Le célèbre historien, sociologue, anthropologue social, écrivain et journaliste français – Emmanuel Todd – le même qui avait prédit à une certaine époque, plus exactement en 1976, l’effondrement de l’URSS, dans une récente interview pour Le Figaro, a déclaré que nous assistons aujourd’hui à la chute finale de l’Occident. Bien entendu, le quotidien hexagonal lui-même a exprimé l’espoir que cette prédiction, basée sur l’analyse et un nombre de facteurs affirmés par Todd, ne se réalisera pas, mais l’essentiel étant que ce message se fait déjà entendre dans l’espace occidental, y compris au niveau d’experts reconnus, comme c’est le cas pour Emmanuel Todd.

Parmi les raisons évoquées par le spécialiste français pour justifier ces sombres prévisions pour la minorité planétaire occidentale figurent l’échec de la contre-offensive estivale otano-kiévienne contre l’armée russe, l’incapacité des régimes étasunien et otanesques à fournir une quantité suffisante d’armes, la déficience industrielle étasunienne avec la révélation du caractère fictif du PIB des USA, le volume insuffisant de formation de spécialistes dans le domaine de l’ingénierie et un certain nombre d’autres facteurs. De manière générale, le dernier livre d’Emmanuel Todd qui paraîtra ce mois-ci s’intitule sans équivoque : « La Défaite de l’Occident ».

Globalement parlant et dans cet ouvrage, l’auteur français rappelle un certain nombre d’autres facteurs importants, à savoir que malgré l’effondrement de l’URSS, les Etats-Unis sont eux-mêmes en crise depuis les années 1980, où la disparition du protestantisme a conduit l’Amérique du néolibéralisme au nihilisme. Au Royaume-Uni – de la financiarisation à la perte du sens de l’humour. Que l’état zéro de la religion a conduit l’Union européenne au suicide, bien que selon Todd l’Allemagne devrait renaître. Et que durant la période 2016-2022, le nihilisme occidental a fusionné avec le nihilisme de l’Ukraine contemporaine, né de la décomposition du système soviétique. Ensemble, l’Otan et l’Ukraine font face à une Russie stabilisée, redevenue une grande puissance, désormais conservatrice, rassurante pour le Reste du monde – qui ne veut pas suivre l’Occident dans son aventure.

Emmanuel Todd accorde effectivement une attention particulière au reste du monde – non occidental – dont le choix a prédéterminé l’issue de la guerre. Dans ce cas précis, l’expert français fait bien entendu référence aux pays du Sud global, qui ont soit ouvertement soutenu les actions de la Russie, et avec elle l’ordre mondial multipolaire moderne, soit ont au moins adopté une position neutre, mais là aussi en mettant l’accent sur l’interaction avec la Russie et la Chine, ainsi qu’avec les processus qui se déroulent dans le monde aujourd’hui.

En fait, il est certainement intéressant d’entendre un point de vue raisonnable en provenance de l’Occident au moment où cet Occident collectif – l’évidente minorité mondiale de l’humanité – en la personne de ses pseudo-élites a précisément et complètement perdu contact avec la réalité de notre temps et, ayant refusé le monde inclusif longtemps proposé par la Chine, ainsi que le monde multipolaire, au final n’a fait qu’accélérer son propre déclin. Mais dans les faits, c’est probablement ce qui devait se produire.

En fin de compte, les descendants des plus grands criminels de toute l’histoire de l’humanité, des marchands d’esclaves et des colonialistes, étaient voués depuis longtemps à l’échec en raison de leur extrême arrogance et hypocrisie, de leur tromperie naturelle, de leur confiance en leur propre « exclusivité » et impunité. Mais l’heure de rendre des comptes est bel et bien arrivé. Et tandis que même les quelques pays du monde non occidental, longtemps considérés comme d’importants alliés de l’Occident, ont activement pris la voie de l’adaptation à l’ère contemporaine, la minorité occidentale, elle, continue précisément sur la voie du suicide. En ce qui concerne les maîtres de l’Occident collectif – les Anglo-Saxons – la voie de l’escalade maximale.

Mais les grandes civilisations et la majorité mondiale ne cèdent pas, peu importe la manière dont ces mêmes éléments anglo-saxons tentent de plonger le monde dans le chaos total. En continuant à atteindre leurs objectifs, en renforçant le monde multipolaire, tout en faisant preuve de patience stratégique, en raison de la responsabilité pour le sort futur de l’humanité. Quoi qu’il en soit, le temps de la domination occidentale est définitivement révolu. Le monde multipolaire n’étant pas une perspective, mais déjà une réalité. Et ce qui nous attend n’est plus seulement cet ordre mondial multipolaire, mais bien un monde post-occidental, dans lequel la minorité devra s’adapter à la majorité, et certainement pas l’inverse.

Quant à l’opinion d’Emmanuel Todd selon laquelle la position du monde non-occidental a prédéterminé le sort de la confrontation de la Russie contre l’axe otanesque, il convient bien sûr et tout d’abord de rappeler qu’historiquement l’Etat russe n’a par principe jamais perdu face à l’Occident, en particulier lorsqu’il s’agissait de préserver le pays, quel que soit le mauvais esprit criminel qui pouvait diriger l’Occident à ces époques. Et a toujours apporté des forces et des sacrifices clés pour vaincre le mal universel. Mais le fait que les pays du Sud global aient apporté ensemble, certains plus, d’autres moins, une contribution très sérieuse aux processus qui ont leur place aujourd’hui, accélérant la défaite de l’impudente minorité occidentale, est un fait véritablement indiscutable.

 

Mikhail Gamandiy-Egorov, entrepreneur, observateur politique, expert en Afrique et au Moyen-Orient, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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