18.11.2023 Auteur: Anvar Azimov

A propos de la rencontre ministérielle Inde-États-Unis à New Delhi

 Inde-États-Unis à New Delhi

Le 10 novembre dernier, New Delhi a organisé la cinquième réunion entre l’Inde et les États-Unis dans le cadre du format « 2+2 », avec la participation des ministres des affaires étrangères et de la défense des deux pays. Il convient de noter que l’existence de ce format de négociations est la preuve indubitable d’un niveau élevé de confiance dans les relations entre les États. C’est précisément la même formule de dialogue qui se produit dans l’interaction multidimensionnelle russo-indienne.
Le cycle actuel de discussions dans le format « 2+2 » dans la capitale indienne a confirmé la nature particulièrement stratégique du partenariat entre Washington et New Delhi et l’intention des parties de renforcer davantage le dialogue significatif sur les aspects clés de la coopération bilatérale et les questions internationales et régionales d’actualité.

Cette ligne de New Delhi ne va toutefois pas à l’encontre de la nature particulièrement privilégiée du partenariat stratégique de l’Inde avec la Russie et s’inscrit davantage dans l’orientation multi-vectorielle de la politique étrangère de cette grande puissance asiatique, qui prétend également à un statut mondial. L’Inde ne se contente pas d’exceller dans son développement économique en tant que cinquième économie mondiale, elle est également très en vue sur la scène internationale. Non sans l’aide des États-Unis, l’Inde est devenue membre du dialogue quadrilatéral sur la sécurité dans la région indopacifique, qui réunit également l’Australie et le Japon. Là encore, l’adhésion de New Delhi à ce type de dialogue ne l’empêche pas de travailler activement dans des structures telles que les BRICS ou l’OCS, et n’affecte pas non plus ses relations avec la Russie, bien qu’elle soulève des interrogations de la part de la Chine. C’est pourtant la réalité de la politique étrangère équilibrée des dirigeants indiens, de leur désir de renforcer la coopération avec les principaux acteurs internationaux, notamment la Russie, les États-Unis et l’Union européenne, dans le contexte de la nature très compliquée des relations avec la Chine, de l’existence d’un problème territorial et du manque de confiance et de bonne entente entre ces États voisins.

Cette fois-ci, parallèlement à la réunion « 2+2 », les ministres des affaires étrangères Jaishankar et Blinken et les ministres de la défense Singh et Austin ont eu des entretiens de fond séparés et ont été reçus par le Premier ministre indien Narendra Modi.

L’entretien a porté principalement sur la coopération stratégique et militaro-technique entre les deux pays, l’accent étant mis sur le renforcement de la sécurité dans la région indopacifique en vue du prochain sommet du quatuor qui se tiendra au début de l’année prochaine. Dans le contexte des développements mondiaux et régionaux en cours, les parties ont réaffirmé la proximité de leurs positions sur le règlement de la question du Moyen-Orient, appelant à la désescalade de la situation dans cette région et à l’ouverture de négociations. L’Inde et les États-Unis ont rappelé la nécessité de mettre fin au conflit, souligné l’impact croissant des hostilités sur le système économique mondial et la sécurité alimentaire, ainsi que l’importance de la reconstruction post-conflit en Ukraine.

Les entretiens ont porté sur les domaines de coopération bilatérale prioritaires, en premier lieu l’industrie de la défense. Ils ont discuté de l’achat d’armes américaines pour l’armée indienne, notamment de moteurs pour des avions de combat, de la livraison de drones d’une valeur de près de 3 milliards de dollars et de la production commune de véhicules blindés pour les forces terrestres du pays. Ils ont également convenu de la nécessité d’améliorer leur interopérabilité et d’organiser des exercices militaires conjoints à cet égard.

Pour faire le bilan de cette réunion ministérielle, il faut reconnaître que les Américains ont réussi dans une large mesure à rapprocher l’Inde des Etats-Unis, en se concentrant principalement sur l’élargissement de la coopération en matière de défense, y compris, apparemment, pour contrer l’interaction russe avec ce pays dans le domaine militaro-technique. Les Indiens ne manqueront pas de parler de la nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement en armes étrangères et de l’inviolabilité des fondements d’un partenariat fructueux avec la Russie.

Il semblerait qu’au cours des discussions, les Américains aient également mis sur le devant de la scène le thème de la Chine de toutes les manières possibles dans le contexte des menaces présumées de Pékin pour l’ensemble de la région indopacifique. Les pseudo-arguments qu’ils ont avancés s’inscrivent toutefois dans l’atmosphère de méfiance et de réserve qui règne à New Delhi à propos de son voisin.

En résumé, il est clair que les principaux objectifs de la diplomatie américaine dans la région sont d’essayer d’enfoncer un clou dans les relations stratégiques traditionnellement étroites entre l’Inde et la Russie, et d’opposer davantage les Indiens à la Chine.

Les sages dirigeants indiens ne succomberont sans doute pas à ces astuces et subterfuges de Washington. Ayant tiré les bonnes conclusions, New Delhi poursuivra son parcours, qui a fait ses preuves, en renforçant considérablement ses liens avec la Russie, en poursuivant la normalisation de ses relations avec la Chine et en coopérant avec les BRICS et l’OCS dans l’intérêt de la construction d’un nouvel ordre mondial multipolaire plus démocratique.

 

Anvar AzimovAmbassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, chercheur principal à l’université MGIMO, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook ».

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