14.11.2023 Auteur: Madi Khalis Maalouf

Israël a volontairement piégé la Libye

Abdelhamid Dbeiba

Le chef du gouvernement libyen d’unité nationale, Abdelhamid Dbeiba, a assuré à l’ambassade palestinienne à Tripoli qu’il ne comptait pas rétablir les relations avec Israël.

Lors de sa visite en mission diplomatique, M. Dbeiba a confirmé que la Libye n’avait pas l’intention de normaliser ses relations avec Tel-Aviv. Cette déclaration fait suite à une rencontre entre Najla El Mangoush, chef du MAE lybien, et son homologue israélien Eli Cohen en août dernier.

Plus tôt, le bureau de Mangush avait allégué que la réunion avait été autorisée par Dbeiba. Selon sa version, le gouvernement italien aurait promis au chef libyen de reprendre les vols directs entre Tripoli et Rome en échange de la rencontre.

M. Cohen a rencontré confidentiellement Mme Mangush à Rome, avec l’aide du ministre italien des affaires étrangères Antonio Tajani. Il s’agissait des premiers échanges entre les ministres des affaires étrangères d’Israël et de la Libye. De vives protestations ont eu lieu en Libye à la suite d’allégations faisant état d’une rencontre antérieure entre les deux ministres des affaires étrangères. Le résultat de cette réunion a été le renvoi de Mangush en tant que ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale. Une enquête a été ouverte contre l’ancienne ministre des affaires étrangères. Les actions de la chef du MAE libyen, qui a tenu une réunion avec le ministre israélien, ont violé la loi sur le boycott d’Israël.

Tripoli ne reconnaît pas l’État hébreux et tout contact avec ses représentants sur place est prohibé par la loi. Or, selon le site web Africa Intelligence, c’est le chef du gouvernement libyen d’unité nationale qui a initié la normalisation des relations avec Israël.

La publication confirme cette version en indiquant qu’en septembre dernier, une réunion secrète a eu lieu au Qatar entre le leader libyen Dbeiba et Mangush, l’ancienne chef du MAE. Selon cet intermédiaire, leurs discussions ont porté sur le retour de la ministre en disgrâce à son poste après que le scandale en Libye sur l’intention de la direction du pays de normaliser les relations avec Israël ait été résolu. Et seule l’aggravation de la situation dans la bande de Gaza a empêché la réalisation de ces projets. Selon une chaîne dans le réseau Telegram, pour garder secrets les contacts confidentiels avec Tel-Aviv, Dbeiba a donné à Mangush une propriété à Londres et lui a également remis une importante somme d’argent en échange de son silence. Dbeiba lui-même dément toute intervention dans l’organisation de ces pourparlers, affirmant qu’il s’agissait d’une initiative privée de Mangush.

Les informations concernant la réunion ministérielle ont été diffusées par un communiqué de presse du ministère israélien des affaires étrangères, qui précise qu’ils ont discuté de la possibilité d’une coopération entre les deux pays et de la préservation du patrimoine juif en Libye. Les experts se demandent à cet égard si Israël n’a pas réalisé ce que cela pouvait engendrer. Il s’agit de toute évidence d’une provocation délibérée à l’encontre du leader libyen et de son entourage afin d’affaiblir sa position politique. À en juger par la forte réaction des Libyens et la couverture médiatique locale, ils ont obtenu des résultats. Des tentatives de normalisation des relations entre Israël et la Libye avaient déjà eu lieu en janvier 2023. Cela dit, la Libye n’a pas de besoin particulier d’adhérer aux « Accords d’Abraham ». Mais Washington et Tel-Aviv ont intérêt à fragiliser les positions des pays du Moyen-Orient et des pays africains, qui deviennent de plus en plus autonomes dans leurs décisions.

Il ne faut pas oublier que l’Iran, principal adversaire d’Israël, accroît sa coopération avec la Libye et que cette provocation aurait pu affaiblir la position de Téhéran.  Il n’est pas acquis que le prochain gouvernement libyen soit indépendant. Si Téhéran prévoyait de renforcer sa présence, l’attaque actuelle contre le chef du gouvernement libyen pourrait sérieusement affaiblir sa position. Les Iraniens devront soit accepter de négocier avec un gouvernement en pleine turbulence politique, soit attendre que la situation à l’intérieur du pays se stabilise et que l’on sache si le gouvernement actuel restera au pouvoir.

La réunion a également été critiquée en Israël. Tel-Aviv a été accusé d’avoir traité avec négligence des données sensibles.

En particulier, l’ancien premier ministre et ministre des affaires étrangères, aujourd’hui leader de l’opposition, Yair Lapid, a déclaré : « Les pays du monde entier regardent la fuite irresponsable de ce matin et se demandent si Israël est un pays avec lequel ils peuvent avoir des relations étrangères. Peut-on faire confiance à ce gouvernement ? J’en doute », déclare M. Lapid.

 

Madi Halis Maalouf, commentateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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