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Existe-t-il des moyens de résoudre le conflit sanglant à Gaza ?

Viktor Mikhin, novembre 02

Gaza

Le conflit violent en cours entre Israël et le Hamas dure depuis plus de deux semaines conduisant à une hécatombe de plus en plus monstrueuse. Depuis le 7 octobre dernier, l’armée israélienne mène sans pitié et sans discernement de puissants bombardements de la Bande de Gaza complètement bloquée, à la vue de l’ensemble du monde qui proteste.

Il n’est pas étonnant qu’un incident particulièrement tragique s’est produit à l’hôpital arabe d’Al Ahly tuant plus de 500 Palestiniens et laissant des centaines de blessés, dont des patients et des personnes déplacées cherchant refuge à l’hôpital. Pourtant les autorités israéliennes ont déclaré, sans aucune preuve, que c’étaient les Palestiniens eux-mêmes qui avaient dynamité cet hôpital. La situation à Gaza constitue une catastrophe humanitaire incroyablement grave et dévastatrice dans un endroit où plus de 2,3 millions de Palestiniens sont confrontés à de graves pénuries d’électricité, de gaz et d’eau. Ils sont constamment bombardés et ne trouvent refuge ni aux hôpitaux ni dans les monastères – tout est soumis à des bombardements barbares.

A mesure de l’escalade de la tension, alors que l’armée israélienne se prépare à une opération terrestre, les pays de la région intensifient leurs efforts pour faire pression sur les deux parties afin qu’elles mettent fin au conflit à Gaza et fournissent une aide urgente à la population qui souffre. Vu que l’influence de la communauté internationale sur Israël s’est révélée limitée et infructueuse, la responsabilité d’une participation active repose désormais en grande partie sur les épaules des pays de cette région instable.

En se souvenant des conflits précédents entre Israéliens et Palestiniens, c’est la pression exercée par les pays de la région qui a finalement conduit en 2012 à un cessez-le-feu qui semblait impossible. A l’époque, les ministres des Affaires étrangères de divers États arabes et de la Turquie s’étaient rapidement rendus à Gaza pour exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien. Leurs visites étaient significatives car elles coïncidaient avec les bombardements aériens israéliens de Gaza. Israël a été contraint de cesser ses opérations en raison du message puissant envoyé depuis Gaza par ces ministres des Affaires étrangères.

Cependant, une réponse régionale collective au conflit actuel est entravée par un contexte régional considérablement changé par rapport à ce qu’il fut il y a dix an. La nouvelle de la frappe israélienne contre un hôpital à Gaza a déclenché des protestations dans le monde entier, notamment en Turquie. Indépendamment de leur attitude envers le Hamas ou Israël, les gens protestent parce qu’ils reconnaissent tous que la situation a fondamentalement changé et qu’elle est bien pire que jamais. Les voix de ces protestations se font lentement mais sûrement un chemin dans les milieux diplomatiques. En conséquence, le monde est témoin d’intenses efforts diplomatiques de la part des acteurs régionaux, dont la Turquie est l’un des leaders, car tous ces pays sont profondément préoccupés par la propagation du conflit au Liban, à l’Égypte, à la Jordanie et à la Syrie.

Si l’on examine les contacts diplomatiques entre la Turquie et plusieurs pays après le 7 octobre, il sera clair que la voie vers la fin du conflit dépend de la capacité des acteurs régionaux à prendre l’initiative de la désescalade de la tension, plutôt que d’acteurs mondiaux tels que les États-Unis qui ont apporté leur puissant soutien à Israël sans se préoccuper du tout des droits légitimes du peuple arabe de la Palestine. La Chine, qui soutient depuis longtemps la Palestine, est confrontée à un dilemme concernant la formulation d’une position claire en raison de ses liens croissants avec Israël.

Dans ce contexte, les États du Moyen-Orient doivent, comme d’habitude, faire face seuls à la situation. Les conséquences du conflit en cours se font sentir bien au-delà de la région, faisant craindre qu’il ne conduise à une guerre plus large impliquant les Palestiniens de Cisjordanie, de Jordanie, d’Égypte (voisine de la Bande de Gaza) et du Hezbollah libanais. Par la suite, d’autres États pourraient également être impliqués dans ce conflit, en premier lieu les États-Unis agressifs, dont deux groupes navals sont déjà déployés près des côtes israéliennes étant prêts, selon Biden, à prendre le parti de Tel-Aviv à tout moment. Il est tout à fait naturel que les pays de la région souhaitent que la guerre à Gaza prenne fin le plus rapidement possible avant qu’elle ne s’étende à d’autres États de la région et que le conflit ne devienne alors beaucoup plus difficile à éteindre.

Jusqu’à présent, des tentatives ont été entreprises pour développer une stratégie commune et unir les pays face à un conflit très dangereux. À l’invitation de l’Arabie Saoudite, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a tenu une réunion d’urgence à Djeddah pour discuter de la détérioration rapide de la situation à Gaza. En marge de cette réunion, le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan a tenu des réunions séparées avec ses homologues d’Arabie Saoudite et du Koweït. Lors de la réunion de l’OCI, Fidan a souligné trois éléments clés : la nécessité d’un nouveau mécanisme pour établir la paix à Gaza ; la consolidation du monde musulman ; et la fourniture immédiate d’eau, d’électricité et d’aide à la population de Gaza.

Avant son voyage en Arabie Saoudite, Fidan a tenu des réunions au Liban avec des responsables politiques et militaires. Mais auparavant, il a visité l’Égypte. Le Liban et l’Égypte sont désormais au bord d’un conflit persistant. Les visites de Fidan visaient probablement à démontrer la volonté de la Turquie d’aider à empêcher la propagation du conflit. La position d’Ankara est assez curieuse et intéressante, car l’Empire Ottoman comprenait autrefois tous les pays arabes et les responsables turcs actuels savent parler aux Arabes et trouver des mots de confiance et de respect à leur égard.

Etant donné que l’armée israélienne poursuit ses attaques sur la bande de Gaza, l’Égypte, le Liban et la Jordanie voisins ont renforcé leurs mesures de sécurité. Il a été rapporté qu’en raison d’un éventuel conflit avec Israël, la compagnie aérienne libanaise Middle East Airlines laissait certains de ses avions en Turquie. Fidan a également appelé les groupements palestiniens à libérer les otages, ce qui constitue l’une des questions clés sur lesquelles les pays de la région se concentrent. Mais les autorités israéliennes réduiront-elles leurs exigences après une nouvelle concession palestinienne, pas la dernière depuis de nombreuses années de coexistence des Palestiniens et des Israéliens sur la même terre ?

Cette nouvelle vague dramatique de violence est survenue après une longue période d’efforts régionaux de désescalade et de réconciliation. Dans les conditions actuelles, la principale priorité des États du Moyen-Orient est de mettre fin à la tragédie humanitaire à Gaza. Cependant, cette guerre montre une fois de plus clairement que sans une résolution réelle du conflit israélo-palestinien, les pays de la région ne pourront pas parvenir à une véritable sécurité. C’est la raison pour laquelle leurs efforts devraient en fin de compte viser à réorienter la résolution de ce conflit vers un avenir meilleur pour le peuple palestinien et les peuples de la région dans son ensemble.

Le président russe Vladimir Poutine a donc sans doute raison d’appeler activement à la fin du massacre sanglant dans la Bande de Gaza et à ce que toutes les parties intéressées s’assoient à la table des négociations pour trouver une solution équitable au conflit israélo-arabe de très longue date dans les intérêts avant tout de tous les peuples du Moyen-Orient.

 

Viktor Mikhine, membre correspondant de l’Académie russe des sciences naturelles, spécialement pour la revue en ligne « New Easter Outlook ».

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