Le 17 octobre 2023, le Président de la Fédération de Russie V.V. Poutine a rencontré son homologue de Mongolie U. Khürelsükh. La rencontre a eu lieu à Pékin, en marge du troisième sommet de Ceinture et Route. Outre les « acteurs principaux », les ministres des Affaires étrangères des deux pays, les ministres des transports, le vice-Premier ministre de la Fédération de Russie, le chef du ministère du développement économique de la Russie et les dirigeants des plus grandes entreprises russes, telles que Russian Railways, Gazprom et Rosneft ont participé à la réunion.
Le leitmotiv de la réunion a été la déclaration des parties sur leur volonté de développer davantage les relations de partenariat stratégique global qu’elles avaient établies quelques années plus tôt (à savoir en 2019).
Au cours de la réunion, la Mongolie a de nouveau soulevé la question du déséquilibre commercial entre les deux pays, qui la préoccupe depuis de nombreuses années. Ce sujet, qui est l’un des nombreux sujets abordés au cours de la conversation de plus de trois heures, est mentionné avant tout autre dans les médias mongols et sur les portails d’État. Malgré la croissance rapide de la taille absolue du commerce bilatéral – les deux parties notent qu’il approche le chiffre de 3 milliards de dollars annoncé dans les prévisions précédentes – les exportations de la Russie vers la Mongolie dominent toujours complètement les exportations de la Mongolie vers la Russie. La Mongolie ayant l’intention de tirer pleinement parti du vaste marché solvable de son voisin du nord et de diversifier ses approvisionnements extérieurs, cette situation incite les dirigeants mongols à rechercher des opportunités dans les réunions bilatérales afin de réaliser leurs projets en matière de commerce extérieur. En particulier, la Mongolie espère les réaliser en promouvant des projets de réduction des droits de douane et de simplification des normes phytosanitaires et autres pour les exportations mongoles vers la Russie. On sait que lors de la réunion bilatérale, Poutine et U. Khürelsükh ont pris note des positions des parties et s’attendent à ce que la discussion sur la péréquation commerciale se poursuive lors des prochaines réunions de la commission intergouvernementale russo-mongole.
Lors de la non moins traditionnelle discussion sur la situation de l’entreprise conjointe russo-mongole Ulan-Bator Railway, la partie russe a introduit la thèse de la rentabilité économique obligatoire de tout nouveau projet. Cette thèse a été avancée en réponse aux propositions de la partie mongole de participer au financement du projet Bogd Haan – une branche ferroviaire contournant la ville d’Oulan-Bator, dont la mise en œuvre, selon les estimations de la partie russe, a très peu de chances d’apporter un profit économique à l’entreprise. En outre, la discussion a porté sur les projets de corridors ferroviaires occidental et oriental proposés par la partie mongole pour relier la Russie et la Chine à travers la Mongolie.
Le Président de la Mongolie a remercié la partie russe, représentée par le Président Vladimir Poutine, d’avoir honoré la promesse d’un corridor ferroviaire fluide entre la Russie et la Chine à travers le territoire de la Mongolie. Il convient de rappeler que lors de la récente visite en Mongolie du président de la Douma d’État, V. Volodine, son homologue mongol, G. Zandanshatar, a reçu l’assurance que les restrictions imposées aux exportations de carburant n’affecteraient pas la Mongolie, un État ami de la Russie.
Le projet mongol de construction de la centrale hydroélectrique Egiin Gol sur un grand affluent de la rivière Selenga, qui pourrait aggraver la situation environnementale dans la région du Baïkal, a également fait l’objet de nouvelles déclarations. Bien que la partie mongole n’ait pas garanti l’annulation du projet en cas de confirmation de son danger pour l’environnement, les parties ont tout de même convenu d’étudier en profondeur les perspectives de cette initiative.
Lorsque nous parlons de la rencontre entre les dirigeants de la Mongolie et de la Russie, nous ne devons pas ignorer le contexte régional plus large de la réunion. Étant donné que la réunion a eu lieu en marge du sommet « Ceinture et Route » en Chine, les présidents de la Mongolie et de la Chine ont également réussi à tenir des réunions avec le Président chinois Xi Jinping. Il s’agit là d’un détail très important dans les discussions bilatérales: lors de leurs rencontres avec leur homologue chinois, Poutine et Khürelsükh ont reçu des informations sur la position de la partie chinoise sur les questions à l’ordre du jour de la coopération trilatérale. Il s’agit notamment de projets dans le cadre du corridor économique Russie-Mongolie-Chine, à savoir des routes et des chemins de fer de transit et un gazoduc reliant la Russie et la Chine à travers la Mongolie. Les déclarations faites lors de la réunion russo-mongole sur ces projets semblent très prometteuses. Ainsi, le président de la Fédération de Russie a déclaré que les positions des trois parties sur le projet de gazoduc coïncidaient et qu’il appartenait désormais aux trois pays de mettre en œuvre le projet. Dans le même temps, la Mongolie et la Chine ont signé, lors de leur réunion bilatérale, un accord sur l’établissement du passage ferroviaire frontalier Shivehuren-Sehehe, qui sera également utilisé dans les itinéraires de transit trilatéraux du corridor, ainsi qu’un accord de prêt pour la construction de la centrale hydroélectrique d’Erdeneburen en Mongolie, un projet qui ne soulève pas de préoccupations environnementales aussi vives du côté russe que le projet d’Egiin Gol.
À l’issue de la réunion, le président mongol U. Khürelsükh a invité son homologue russe à se rendre en Mongolie pour une visite officielle en 2024. Ces dernières années, les relations bilatérales ont connu une évolution qui pourrait devenir une bonne tradition: le président russe se rend en Mongolie à l’occasion de l’anniversaire de la victoire des deux pays dans les batailles contre les militaristes japonais à Khalkhin Gol. Ainsi, les visites de Poutine en 2014 et 2019 coïncident avec les 75e et 80e anniversaires de cette victoire importante pour la Russie et la Mongolie. Espérons que le 85e anniversaire sera également marqué par une nouvelle visite – et que ce modèle se transformera déjà en une bonne tradition éternelle, qui deviendra un nouveau symbole de l’amitié entre les deux peuples – des voisins éternels.
La réunion s’est donc déroulée dans une atmosphère extrêmement amicale et s’est terminée par une discussion constructive sur le large front de la coopération entre la Russie et la Mongolie. Néanmoins, toutes ses déclarations clés suggèrent que des percées significatives dans les relations bilatérales devraient être attendues un peu plus tard – en particulier, au cours des travaux de la commission intergouvernementale, ainsi que lors de la visite désormais très probable du président de la Fédération de Russie en Mongolie au cours de l’année à venir. Un autre « sens » important de la réunion est que pendant le sommet « Ceinture et Route », en marge duquel elle s’est déroulée, il y a eu un échange constant de positions des trois pays – Russie, Mongolie et Chine – bien que dans des formats bilatéraux, sur les perspectives de mise en œuvre de projets de corridors économiques trilatéraux. Auparavant, cet échange avait lieu en marge des sommets de l’OCS, mais les conditions « éloignées » du prochain sommet en 2023 n’ont pas permis aux parties de discuter de projets communs dans le cadre d’une réunion trilatérale. On peut considérer que les trois réunions bilatérales organisées pendant le sommet « Ceinture et Route » ont partiellement remplacé la réunion trilatérale des dirigeants de cette année en marge du sommet de l’OCS.
Boris Kushkhov, département de la Corée et de la Mongolie de l’institut d’études orientales de l’académie des sciences de Russie, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».
